Dragan a écrit:InformationLe bilan des auditions de la DNCG confirme la fragilisation financière des clubs français
Rétrogradations à titre conservatoire, encadrement de la masse salariale, interdictions de recruter... Les auditions des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 par la Direction nationale du contrôle de gestion ont confirmé leur fragilité sous l'effet de la double crise, sanitaire et des droits TV.
Tout sauf une surprise. Les décisions de la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) annoncées au fil des auditions des clubs, entre mi-juin et vendredi dernier, ont confirmé l'état financier précaire du foot professionnel français, poussé dans les cordes par quinze mois de crise multifactorielle.
Si « aucune mesure (n'a été) prise par la DNCG », selon la formule consacrée, à l'égard de la grande majorité des 40 clubs concernés, une forte minorité (huit, 4 en L1 et autant en L2) n'ont pas réussi l'examen ou pas complètement pour des raisons et avec des conséquences variées : rétrogradation en L2 à titre conservatoire (Bordeaux, Angers), encadrement de la masse salariale et des indemnités de mutations (OM, Bastia, AC Ajaccio), encadrement de la masse salariale et interdiction de recruter à titre onéreux (Nantes, Nancy, Auxerre).
Une double crise qui a fait mal
« Ces mesures traduisent une fragilisation du football français pris en tenaille entre un modèle déséquilibré (déficit d'exploitation structurel) et des fonds propres asséchés par les crises subies ces derniers mois », résume Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d'économie du sport de Limoges et bon connaisseur de l'instance de contrôle financier.
Le nombre croissant de clubs « sous mesure DNCG » est une conséquence logique des deux crises vécues par le football français. La crise sanitaire d'abord qui impacte l'économie des clubs depuis une saison et demie de façon directe (assèchement des fonds propres des clubs, recettes « jour de match » quasi nulles) et indirecte par le ralentissement des activités de transferts. La crise « Mediapro » ensuite qui s'est traduite comme on sait par une nette correction à la baisse du montant des droits TV (de 1,2 Md€ à 663 M€).
« La DNCG a demandé aux clubs de prévoir des pré-financements des risques identifiés dans la mesure où les fonds propres ne permettaient pas d'y faire face »
Christophe Le petit, économiste au Centre de droit et d'économie du sport de Limoges
Face aux incertitudes de la saison à venir (flou sur le trading de joueurs et le retour du public dans les stades notamment), « la DNCG a demandé aux clubs de prévoir des pré-financements des risques identifiés dans la mesure où les fonds propres ne permettaient pas d'y faire face, poursuit Christophe Lepetit. C'est au regard de cette demande que doivent s'analyser les décisions prises par la DNCG. »
Les plus lourdes concernant Bordeaux et Angers ne sont pas définitives. Gérard Lopez, candidat au rachat des Girondins, présentera son projet et son financement le 12 juillet à la DNCG. À Angers, le SCO assure qu'il ne lui manque qu'une signature sur un transfert (Rayan Aït-Nouri à Wolverhampton) et une garantie sur un prêt de complément pour rentrer dans les clous. D'autres clubs (Nantes...) pourraient faire appel de la sanction qui les frappe. À l'image de la quasi-totalité des clubs qui ont surtout coupé dans leur masse salariale (ou tenté de le faire), le budget des Canaris pour la saison à venir s'affiche à la baisse (65 M€ contre 75 M€ en 2020-2021).
Endettement croissant et plus-values de transferts incertaines
Parmi les motifs d'inquiétude - et de vigilance accrue de la DNCG : l'endettement financier des clubs. « Il a considérablement augmenté. » Les clubs ont en effet assez largement eu recours aux prêts garantis par l'Etat (PGE) pour éviter des situations de cessation de paiements. D'autres ont aussi pu avoir recours à d'autres types de financement (banques, organismes financiers).
« Pour autant, les clubs n'ont pas fondamentalement modifié leur construction budgétaire avec des déficits d'exploitation qui restent couverts par des plus-values de cessions de joueurs par nature incertaines », note encore Christophe Lepetit. Plutôt risqué dans une économie du football européen qui déplore un manque à gagner de plus de 8 Mds€ sur les deux dernières saisons.
« Sur la construction des budgets prévisionnels, les clubs ont ajusté leurs prévisions de revenus, en intégrant la nouvelle donne concernant les droits TV ou en prévoyant un retour progressif à des jauges normales. Côté charges, en revanche, l'ajustement est plus lent du fait des contrats pluriannuels signés avec les joueurs qui les engagent pour quelques saisons encore. C'est cet ajustement plus lent qui fait craindre un déficit d'exploitation encore important. »
« Sans régulation globale, il est probable malheureusement que les objectifs d'assainissement ne seront pas atteints »
C'est aussi ce qui pousse, plus que jamais, à envisager rapidement une nouvelle régulation du football professionnel car les actionnaires ne pourront pas éternellement couvrir les besoins de leurs clubs. Parmi les mesures de moyen terme défendues par la Ligue pour équilibrer les finances du foot pro, quelles sont les plus prometteuses ? Le passage à 18 clubs (acté pour la saison 2023-2024), la limitation du nombre de joueurs pros par club, un ratio masse salariale / recettes et la « luxury tax » (taxation des clubs dépassant les plafonds salariaux et redistribution aux clubs vertueux) ?
« Il est utopique de croire à une mesure providentielle, juge notre expert. Je pense plus à la combinaison de mesures sportives (format des compétitions), économiques et financières (ratio de masse salariale et de couverture des dettes par les fonds propres) mais aussi à une réforme du marché du travail des joueurs dans son ensemble. Sans régulation globale, il est probable malheureusement que les objectifs d'assainissement ne seront pas atteints. » Les mesures de la DNCG, qui reverra tous les clubs fin 2021, ne sont qu'un jalon sur ce long chemin.
Fuck la DNCG