Information
Entre Pablo Longoria et Stéphane Tessier, le divorce est inévitable au sommet de l'OM
Au moment où l'OM se cherche un entraîneur et s'apprête encore à bouleverser son effectif, le président Pablo Longoria entretient une relation polaire avec son numéro 2, le directeur général Stéphane Tessier. Le clan McCourt devrait trancher à l'intersaison.
Les South Winners aiment la sauce bien piquante, et c'est à ça qu'on les reconnaît. Mercredi, quelques minutes avant le coup d'envoi d'OM-Nice (2-2), ils ont brandi à nouveau leur tifo à l'effigie de l'humoriste Redouane Bougheraba, assorti d'un message paraphrasant l'immense Francis Cabrel : « Critiquez-nous, encore et encore. C'est que le début d'accord, d'accord. » Ce fameux tifo, pour saluer un ancien membre du groupe de supporters à la répartie cinglante, avait provoqué la polémique après son déploiement au Vélodrome lors du Classique face au PSG (0-2), le 31 mars.
Elle aurait pu être anecdotique, un épisode comme un autre dans cette saison généreuse en rebondissements. Elle a scellé la rupture entre Pablo Longoria, le président de l'OM, et Stéphane Tessier, le directeur général et numéro 2 du club (*). En coulisses, Longoria (37 ans) a confié que ce tifo était « une honte », contraire aux valeurs du club.
Pour le grand public, il est passé pour un patron plutôt inattentif à ce qu'il se passe dans sa propre maison. Au club, cette remarque a été prise pour ce qu'elle est : un désaveu envers Tessier (49 ans), qui avait validé ce tifo, en février. Depuis, dans les allées de la Commanderie comme dans les salons du Vélodrome, on regarde deux camps se jauger.
D'un côté, les nombreux cadres mis en place par Tessier, à tous les étages du club, font profil bas, tout comme leur mentor. De l'autre, la méfiance à peine dissimulée du clan Longoria, qui se résume surtout à Marco Otero, directeur du centre de formation, et à Medhi Benatia, le conseiller stratégique fidèle au point de lier son destin à celui de l'Espagnol. En privé, Longoria confesse : « Je sais désormais qui sont mes ennemis au club. Je ne peux plus travailler avec lui. »
« Lui », c'est Tessier, parfois rebaptisé aussi « l'autre », et jamais cité nommément. Depuis le début du mois d'avril, Longoria a repris tous les dossiers, de A à Z, du médical à la formation, en passant par le sujet des supporters. « Je ne l'ai jamais vu autant travailler », sourit un proche. Le clan du propriétaire Frank McCourt, représenté sur Marseille par Jeffrey Ingram courant avril, observe, avant une prise de décision à l'intersaison, qui semble inéluctable.
Le 20 février, au moment de présenter le coach Jean-Louis Gasset à la presse, Longoria disait pourtant : « Stéphane Tessier, c'est moi qui l'ai choisi et j'ai confiance en lui. On est partis en vacances ensemble. Donc pourquoi chercher à diviser ? Ce n'est pas juste. Stéphane Tessier manage très bien les gens au quotidien, il est très fort dans son domaine et on travaille à différents niveaux. Je suis président et j'ai pris la décision de faire venir Jean-Louis Gasset. Cela ne sert à rien d'essayer de nous diviser. » En janvier, interrogé pendant le mercato par un bon ami, Longoria confiait : « On n'a jamais aussi bien travaillé ensemble. Je suis plein d'énergie ! »
Depuis la nomination de Benatia, un fossé s'est creusé
Comment expliquer un tel revirement et une tension allant crescendo, qui étonne même au sein du staff ? « C'est une Cocotte-Minute prête à exploser », soufflait un proche de Gasset, dernièrement. Une première piste remonte à l'automne, à la nomination de Benatia, que ne souhaitait pas Tessier. Comme il l'a fait à la formation, à la communication, au marketing ou au juridique, le directeur général aurait aimé placer un homme à lui, Karim Fradin, ancien président des Chamois Niortais.
À ce moment précis, avec les départs de Javier Ribalta et Pedro Iriondo, les camarades de Longoria, un vide s'est créé autour du président et Tessier veut le combler. Il sait que le président a aussi voulu quitter l'OM après la réunion avec les groupes de supporters, le 18 septembre, avant d'être rattrapé par le col par McCourt. Longoria parle souvent d'un départ prochain - jusqu'en mars, il a ainsi tenu ce discours auprès de proches -, Tessier se verrait bien occuper son poste.
Par rapport à l'Espagnol, Tessier a une relation beaucoup plus distante avec le clan McCourt, mais il a l'avantage de maîtriser tous les rouages du club, Longoria ayant énormément délégué. Homme des comptes, il rêve du domaine sportif et du mercato, le nerf de la guerre, mais la mainmise sera plus délicate avec Benatia, dont les réseaux renvoient plus à la filière Juventus (Javier Ribalta et Longoria).
Tessier s'est rapproché des groupes de supporters quand Longoria s'en éloignait
Les deux hommes laisseront filtrer leur rôle dans la paternité du choix de Jean-Louis Gasset, où la genèse semble la suivante : prise de contacts de Benatia avec le technicien, accord contractuel et intermédiation gérés par Tessier. En février, Tessier regardera l'ancien capitaine du Maroc frôler le crash sur le dossier Jonathan Clauss, avec des sorties publiques brutales.
Benatia avait l'impression de monter au front pour le club ? Il se rend compte qu'il est parti en kamikaze, seulement soutenu in fine par Longoria. Il apprend à être plus politique, désormais, après avoir songé un temps à quitter cet OM si complexe.
Le 22 février, avant le barrage retour de Ligue Europa face au Chakhtior Donetsk (3-1, 2-2 à l'aller), Longoria et Benatia remarquent qu'ils sont fustigés dans un communiqué des Winners, très critique envers « Don Pablo » et « ses magouilles ». Tout le monde en prend pour son grade, sauf Tessier.
De fait, le DG s'est logiquement rapproché des groupes depuis la saison 2022-2023, Longoria négligeant ce volet. Fondateur et porte-voix des Winners, Rachid Zeroual rencontre ainsi régulièrement Tessier. Et le 11 avril, sur la place du Commerce à Lisbonne, lors d'une rencontre entre supporters et direction à quelques heures de Benfica-OM (2-1, en quarts de finale aller de la C3), il tombe dans les bras du DG, avant de saluer du bout des doigts Longoria. Une drôle d'ambiance, plus crispante qu'un spectacle de Redouane Bougheraba.