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Sportif, finances, formation, supporters... L'OM a-t-il vraiment régressé comme l'a affirmé Marcelino ?
Évoquée par Marcelino dans l'entretien qu'il nous a accordé, la régression de l'OM ces dernières saisons est loin d'être une évidence si on analyse différents aspects, au-delà de l'absence de titres.
Ternes et décevants, ses deux mois passés sur le banc n'auront pas permis à Marcelino de laisser de grands souvenirs, mais l'entraîneur espagnol a au moins laissé une interview : le 11 octobre, il est revenu pour L'Équipe sur les raisons qui l'avaient poussé à quitter l'OM, après une réunion tendue entre dirigeants et supporters, le 18 septembre.
« Mon expérience très courte me fait penser que c'est un club où créer un projet est absolument impossible. Parce qu'un club aussi grand ne peut pas être manipulé par quelques-uns. Les clubs sérieux sont dirigés par le haut, expliquait-il. Les clubs doivent évoluer, pas régresser. Et l'OM, comme le montrent les résultats depuis un bout de temps, est un club qui, au lieu d'évoluer, régresse. »
Le constat vaut ce qu'il vaut, de la part d'un technicien qui se dit lui-même « en colère ». Il n'a pas assez fréquenté la Commanderie pour émettre un jugement incontestable mais son constat soulève une question que la lecture du palmarès incite à poser : Marseille régresse-t-il vraiment ?
Racheté en octobre 2016 par Frank McCourt, le milliardaire qui parlait alors de « Champions Project », l'OM n'a encore rien gagné sous pavillon américain. McCourt n'a même pas pu s'asseoir au Stade de France pour voir une finale de son club, qui n'a rien remporté depuis la Coupe de la Ligue 2012 (1-0 a. p. contre l'OL). Mais une progression, ou une régression, ne se lit pas seulement à l'aune des titres. Les chantiers menés par les dirigeants, qui n'ont pas toujours beaucoup de temps non plus, sont nombreux et nuancent le tableau.
Le sportif - Constance et déceptions
L'OM a vécu quelques désillusions sportives, ces dernières années, mais le club a-t-il vraiment régressé ? Au regard de son histoire et du mandat de Didier Deschamps (2009-2012), quand le club a remporté ses derniers titres, c'est une certitude. Mais depuis la fin chaotique de l'ère Robert Louis-Dreyfus et le début de celle de Frank McCourt (octobre 2016), le constat est plus nuancé.
Frédéric Bompard a été aux premières loges, c'est-à-dire sur le banc de touche, adjoint de Rudi Garcia pendant près de trois saisons (2016-2019). Il tempère nettement l'analyse du technicien espagnol : « Avec nous, l'OM a disputé une finale de Ligue Europa (perdue contre l'Atlético de Madrid, 0-3, le 16 mai 2018), commence-t-il. On avait réussi à faire revenir des joueurs internationaux comme Dimitri (Payet) et Steve (Mandanda). D'ailleurs, ces deux-là n'auraient jamais dû être poussés vers la sortie. Ensuite, avec André Villas-Boas, le club s'est de nouveau qualifié pour la Ligue des champions. Avec (Jorge) Sampaoli, il a joué une demi-finale de Ligue Europa Conférence et a terminé deuxième. Et avec (Igor) Tudor, il a encore fini sur le podium, à la troisième place. »
Le véritable accroc, sur la période, est très récent : l'élimination dès le troisième tour préliminaire de la Ligue des champions, face au Panathinaïkos, début août (0-1 ; 2-1, 3-5 aux t.a.b.), sous la direction de Marcelino.
De la régularité sur le terrain
Pour la première fois depuis plus d'une décennie, le club avait pourtant réussi à finir sur le podium deux saisons d'affilée. Et s'il a aussi profité de l'effondrement de certains de ses concurrents, Lyon notamment, l'OM semble plus régulier, sur le terrain au moins. « Je sais bien qu'il y a forcément beaucoup de mouvements dans le foot d'aujourd'hui, tempère Bompard. Mais il y a un vrai problème de stabilité dans l'effectif, tu as besoin d'un minimum de continuité pour devenir une équipe qui gagne des titres. »
Les finances - Mouvement permanent
Nommé directeur sportif en juillet 2020, avant de prendre la présidence en février 2021, Pablo Longoria compose avec un actionnaire qui estime avoir assez dépensé. Frank McCourt a déjà investi plus de 500 M€ avec des résultats qu'il imaginait meilleurs, et Longoria doit donc être inventif. Sur le mercato, cela passe par une hyperactivité permanente, concrétisée par une multiplication des opérations.
L'Espagnol n'a pas peur d'acheter avant de vendre, et son patron aimerait d'ailleurs qu'il vende plus et mieux, mais il échafaude des modèles qui doivent résister aux déceptions sportives. Malgré l'élimination au troisième tour préliminaire de la lucrative Ligue des champions, qui l'a incité à lever le pied, il espère ainsi limiter les pertes à 12 M€ à la fin de la saison.
En 2022, elles s'élevaient à 31 M€ et McCourt, qui rêve d'équilibre, n'a de toute façon connu que des exercices déficitaires. Ce n'est pas anormal avec le Covid et ça n'a jamais empêché l'OM de présenter de grosses masses salariales, car le club attire aussi l'argent. Avec Puma, il tient jusqu'en 2028 le deuxième plus gros contrat équipementier de L1 et il bénéficie depuis l'été dernier d'un nouveau sponsor maillot très costaud, l'armateur CMA CGM, qui apporte une manne inédite à l'échelle du club.
Les droits télé, axe fort de développement
Alors que d'autres grands noms peinent à trouver des sponsors, l'OM s'en sort bien dans ce secteur. En 2021-2022, les revenus hors ventes de joueurs avaient augmenté de 65 % depuis l'arrivée de McCourt, et une progression est encore attendue avec la participation à la C1 en 2022-2023. Les droits télé sont aussi un axe fort de développement car l'OM en est le deuxième bénéficiaire sur les cinq dernières saisons, derrière le PSG, et il peut également s'appuyer sur les recettes d'un stade qui compte cette année 48 000 abonnés, un record. De quoi assumer un gros train de vie, en esquivant l'idée d'un déclin.
La formation - Vaste chantier
C'est un sujet, comme un boulet, que les directions successives à l'OM traînent avec peine, cherchant désespérément à rénover et/ou relancer un centre de formation digne de ce nom dans le club de la deuxième ville de France. Une statistique illustre parfaitement l'étendue du chantier : l'OM est le club de Ligue 1 qui a utilisé le moins de joueurs issus de son centre de formation la saison dernière (un seul, François Régis Mughe lors de l'ultime rencontre de Championnat).
Le club olympien a déjà réussi à faire mieux : Emran Soglo et Bilal Nadir ont disputé les premiers matches de Championnat de leur carrière cette saison. Si ces trois joueurs sont véritablement arrivés à Marseille en post-formation, ils offrent un début de perspective à tous les pensionnaires du centre. Les résultats des équipes de jeunes - champions de France des moins de 17 ans, demi-finalistes en moins de 19 ans la saison dernière - dessinent justement des progrès. Sont-ils ponctuels ou permettent-ils d'envisager un vrai changement ?
Offrir de meilleures infrastructures
L'avenir le dira alors que Pablo Longoria a initié une profonde refonte de la politique du centre de formation (suppression de l'école de foot, renouvellement des cadres), il y a un an, avec la volonté aussi d'offrir de meilleures infrastructures que le Campus OM, qu'il juge inadapté. « À notre arrivée, avec Rudi (Garcia), on avait été très surpris de l'état des infrastructures à la Commanderie à l'échelle d'un club comme l'OM, se rappelle Bompard. Même les deux terrains du centre de formation étaient dans un état déplorable. C'étaient deux moquettes usées avec le ballon qui roulait tout seul dans les rigoles. Mais l'actionnaire nous avait permis d'effectuer des gros travaux. »
Malgré quelques signes encourageants, il y a un problème de continuité dans ce domaine où le directeur du centre, Marco Otero, a déjà détricoté tout ce qu'avait pensé son prédécesseur Nasser Larguet, qui avait lui-même déjà changé tout ce qu'avait réalisé Jean-Luc Cassini avant lui.
Les supporters - Frein ou atout
Les supporters sont la cible principale de Marcelino, qui n'a pas eu besoin de rester très longtemps pour saisir les deux facettes du public marseillais. Bouillant, il est capable de remplir le Vélodrome pour les plus petites affiches et le match contre Le Havre (3-0, le 8 octobre) était ainsi le vingt-cinquième d'affilée à guichets fermés, record pour le club qui présente cette saison la quatrième meilleure affluence des cinq grands Championnats européens (derrière Dortmund, Manchester United et le Real Madrid).
S'il ne s'agissait que de ferveur, tout irait bien mais la fameuse réunion entre dirigeants et chefs de groupes a montré que les ultras pouvaient aussi constituer un cauchemar au sommet du club. Arrivé à la présidence sur les cendres de l'envahissement de la Commanderie, qui avait provoqué le départ de Jacques-Henri Eyraud en février 2021, Pablo Longoria a fait comme son prédécesseur : il a commencé son mandat par une opération séduction, très réussie, avant de voir la situation se gâter jusqu'aux éclats du 18 septembre.
Comme Marcelino, il a depuis regretté le poids des associations qui ont aussi l'influence que leur a donnée le club. Tout est aujourd'hui à refaire entre les deux parties, mais le Vélodrome n'a jusqu'ici pas été le reflet de cette tension.
Alors que le stade avait régulièrement été le théâtre de protestations contre les dirigeants et de critiques envers les joueurs, qui pouvaient alors connaître des sorties houleuses, il a fait corps avec l'équipe malgré les résultats médiocres à domicile, la saison dernière, et le dernier match de Marcelino (contre Toulouse, 0-0, le 17 septembre) avait seulement été conclu par des sifflets.
« Malgré tout ce qui a été dit récemment, le public de l'OM reste un atout pour attirer des recrues, assure un agent. Si tu réussis à Marseille, tu peux jouer partout après. Mais je n'enverrais pas n'importe qui à l'OM, il faut que le joueur soit fort mentalement. » S'il l'est, il peut profiter des bons côtés, sans penser aux mauvais qui ont poussé Marcelino à partir.