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Pablo Longoria et la difficile gestion des supporters de l'OM depuis sa nomination en 2021
Depuis son accession à la présidence en février 2021, l'Espagnol a tâché de composer avec des groupes représentant plus de 27 000 supporters en virages. Les utilisant à certains moments, les subissant à d'autres.
La fin de règne d'un président de l'OM est rarement paisible, un flot de critiques, voire pire, des supporters peut l'ensevelir. Et la main tendue du successeur n'est qu'une illusion vite dissipée. Pour profiter à plein de son état de grâce fin 2016, Jacques-Henri Eyraud a soldé le cas Vincent Labrune et il s'est lié aux groupes de supporters, qui avaient fait vivre quinze derniers mois difficiles à l'ancien producteur télé. Bis repetita début 2021. Présent comme directeur sportif lors de la fameuse prise de la Commanderie le 30 janvier, Pablo Longoria a vite brossé les leaders d'associations dans le sens du poil, avant même sa nomination, fin février. Se vantant auprès du clan McCourt d'être « un ancien ultra de Gijon », un dur pouvant calmer les foules en colère, il a choisi une stratégie diamétralement opposée à celle d'Eyraud.
Ce dernier voulait aller jusqu'à la dissolution de certains groupes, comme le CU84 et les Fanatics, et en voulait à Rachid Zeroual d'avoir suivi le mouvement des plus ultras : « Comment avez-vous pu commettre l'irréparable ? On me dit que tu étais parmi eux ! », s'est-il plaint auprès du leader des Winners, par SMS, le jour des incidents. Ce que Zeroual a toujours nié.
Il s'est montré d'une grande permissivité sur la question des fumigènes
Deux ans et demi plus tôt, au moment de chasser les Yankee du virage nord du Vélodrome, Eyraud avait fait de Zeroual son plus fidèle allié, et la zone des Winners était passée de 5 500 à 7 200 abonnés. À l'OM, entre groupes et direction, on ne sait jamais vraiment qui instrumentalise l'autre.
Pablo Longoria, lui, a voulu vivre sa lune de miel avec les chefs de file du mouvement. Le 22 mars 2021, plusieurs d'entre eux, comme Christophe Bourguignon (CU84), Mehdi des MTP (Marseille Trop Puissant) et Zeroual, ont vu les avocats de l'OM plaider avec une grande mansuétude lors du procès sur leur participation présumée à la prise de la Commanderie. « L'OM, ce n'est pas Game of Thrones, a lancé une des robes noires. Il n'y a pas de tribu sauvage, de trône de fer. Ce ne sont pas des motards hors-la-loi avides de corruption et de violence. » Une allusion directe à une sortie d'Eyraud dans le So Foot de mars 2021 : « Le foot, et l'OM en particulier, c'est comme Game of Thrones ou Sons of Anarchy, en fait. Or, en matière de série, je préfère le code d'honneur des héros de Peaky Blinders. » L'idée de l'avocat n'était pas de débattre plus avant des meilleures séries télé des années 2010, mais bien de tourner la page Eyraud, en guerre avec ses supporters.
Longoria, lui, les rencontre régulièrement, il les convie au Vélodrome en juin 2021 pour un moment de convivialité en présence de Frank McCourt. On trinque, on rigole, et les dirigeants, après avoir balayé les incessantes rumeurs de vente, promettent « une très belle équipe pour la saison prochaine ». Les groupes salueront d'ailleurs les premiers mercatos de Longoria et l'exercice 2021-2022 se passe sans réelle anicroche. Longoria est d'une grande permissivité sur la question des fumigènes, alors que d'autres pontes de l'OM tentent de dissuader les groupes d'utiliser des engins pyrotechniques en nombre. Il sait aussi qu'il y a quelques centaines de non-abonnés en plus dans chaque virage le soir de certains grands matches.
Après les sifflets contre Tudor, il s'éloigne des groupes
Une réunion houleuse a lieu en mars 2022, après quelques contre-performances à domicile. Jorge Sampaoli est critiqué, notamment par les Dodgers, Pablo Longoria défend son entraîneur. « Ce n'était pas compliqué de travailler avec les responsables d'assos, confie un cadre de l'époque. Zeroual, il n'est pas agréable, mais une fois que tu l'as remis à sa place, tu peux travailler. Son groupe a un noyau très jeune, en frontal, les petits seraient plus durs à canaliser. »
En fin de saison, la seconde place en L1 et le retour en Ligue des champions offriront une union sacrée qui durera... jusqu'à la démission de Sampaoli. Quand Igor Tudor est sifflé par le Vélodrome, avant le coup d'envoi de la première journée de L1, le 7 août 2022, Longoria en veut à beaucoup de monde. À certains médias, à certains salariés, à certains joueurs, à certains groupes, selon un discours qui diverge en fonction de l'interlocuteur. Les groupes vont le voir de moins en moins. Toujours fourré avec Javier Ribalta, qui confie en privé n'avoir que faire de l'environnement local du club où il arrive, Longoria ne voit pas le fossé se créer malgré des affluences record au Vélodrome et des associations qui poussent l'équipe de Tudor.
Après le départ de Laurent Colette de son poste de directeur général de l'OM, Stéphane Tessier, le directeur administratif et financier du club, assure le lien avec les groupes. Sur l'organisation des 30 ans de la victoire à Munich, les 26 et 27 mai, Longoria est distant, ironise sur les accès de nostalgie, et les Winners préparent l'événement avec la mairie de Marseille, située à gauche de l'échiquier politique. Depuis le début de cette crise de septembre, le principal soutien local de Longoria se trouve de l'autre côté, à droite, en la personne de Renaud Muselier, président de la région PACA. Un hasard ? Sur la question des groupes, celui-ci n'existe pas.