Pablo Longoria peut-il revenir à la tête de l'OM ?Le président de l'OM se veut combatif et prêt à rempiler, mais il évoque des choses qui semblent incompatibles avec son retour. Sa description du club interroge aussi, à tous les niveaux.
Il veut rester si ça change. Mais confie en même temps que cela ne changera pas, à son avis. Voilà le message contradictoire diffusé depuis deux jours par Pablo Longoria, le président de l'OM, qui n'est plus vraiment président de l'OM depuis qu'il a décidé d'exercer son droit de retrait mardi soir, mais en même temps ce n'est pas vraiment un droit de retrait, légalement. Vous vous y perdez ? Nous aussi. Jeudi tous les observateurs spéculaient après la longue tribune de Longoria dans la Provence, dans laquelle il dénonçait « le système ».
Extrait : « Je ne parle pas du pouvoir des groupes de supporters. Il faut comprendre qu'à Marseille, les groupes de supporters font partie de la culture de la ville. C'est la manière de vivre le football. Et c'est une force pour l'équipe. Je parle plutôt de mécanismes animés par d'autres intérêts. Et je ne parle pas de quelqu'un en particulier. Ce que je dénonce, c'est qu'il y a trop d'intérêts individuels autour de l'OM, dans beaucoup de domaines. Et je me répète, je ne dis pas que ce sont les groupes de supporters. Ce qui s'est passé lundi est une conséquence de ce système. »
Selon lui, outre Marcelino, « le système » aurait entraîné les départs de Jorge Sampaoli et d'Igor Tudor. Une version qui balaie les propos tenus par un certain Longoria Pablo l'été dernier : il expliquait que Sampaoli voulait partir car il ne pouvait lui offrir « un mercato rapide avec des profils onéreux, du type Guido Rodriguez (Betis) ». Comme le bouillant public marseillais, Sampaoli était très exigeant, et voulait exister en Ligue des champions. En septembre 2023, dans le témoignage de Longoria, cela devient un passage de la série Narcos : « Il (Sampaoli) m'a dit : ''Je pars, tu dois partir avec moi parce qu'ils vont venir te prendre.''»
On pourrait en sourire si les propos ne portaient pas sur des sujets très graves : « Les tentatives de chantage ? Je n'ai pas assez de doigts pour les compter », a poursuivi Longoria. Jeudi midi, les représentants d'un sponsor nous ont demandé un éclairage : « Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Quand on lit l'interview de Longoria, on a l'impression d'un mauvais polar. Si nous avons investi à l'OM maintenant, et pas il y a dix ans, c'est qu'il y a une raison. Nous cohabitons avec des gens de l'envergure de Rodolphe Saadé, et il investirait dans un tel contexte ? Cela n'a pas de sens. » Après s'être rapproché du club pendant la mandature Eyraud, le boss de l'armateur CMA-CGM est devenu un sponsor principal du club la saison dernière.
Interrogé par plusieurs médias, le parquet de Marseille a expliqué : « Le contenu est assez mystérieux. Nous pouvons nous auto-saisir d'un article de presse sans attendre la plainte, encore faut-il que l'article expose des faits. Il n'y a donc pas de plainte déposée » par les équipes de la procureure de Marseille, sur le départ. Pour la sûreté départementale, en début d'après-midi : « Pas de plainte à cette heure de Longoria. »
Plus étonnant encore, s'éloignant des groupes de supporters ou des élus locaux qu'il ne trouve pas assez à son soutien, Longoria a directement ciblé les salariés de l'OM. Par exemple, sur les débuts de l'ère Tudor : « On était en train de faire des changements au club et j'étais en train de me faire beaucoup d'ennemis... Pas parce qu'ils m'étaient moins sympathiques ou parce qu'ils étaient de Marseille ou d'ailleurs. Juste parce que je veux m'entourer des meilleurs, c'est ma mentalité. Je ne vais pas m'entourer de gens qui disent oui à tout. Certaines personnes (du club) ont commencé à faire des menaces économiques : ''Ou tu me paies, ou je fais sortir ça dans la presse.'' C'était de la diffamation. »
Un climat social tendu depuis des mois
Longoria revient sur une scène déjà exposée dans L'Équipe l'automne dernier : « Beaucoup de monde s'organisait pour faire monter la tension contre Tudor. Des gens ont appelé Jorge Sampaoli pour revenir, d'autres ont demandé de donner le pouvoir aux joueurs. » La personne qui a organisé, début août 2022, un FaceTime avec Sampaoli et deux cadres du vestiaire n'est autre qu'une de ses principales collaboratrices, avec qui il échange au quotidien. Et Longoria le sait très bien. De Tudor, il dit : « Ce qu'Igor a subi, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. »
En mai dernier, la direction de l'OM a distillé des rumeurs sur l'hygiène de vie du Croate, qui vivait à la Commanderie. Comment Longoria pourra-t-il retravailler sereinement avec les salariés après une telle diatribe ? Voilà l'un des enjeux des prochains jours. Le climat social au club est tendu depuis de longs mois, près de 40 % des employés présents à son arrivée à la présidence, début 2021, ont quitté le club depuis et une réunion extraordinaire du CSE a eu lieu début juin, avec deux représentants de l'actionnaire (Olivier de Vilmorin, Barry Cohen).
Longoria a lui évoqué un audit sur sa gestion financière : « La saison dernière, des insinuations selon lesquelles j'avais volé de l'argent avec les transferts sont arrivées jusqu'au groupe McCourt. Pour me protéger, j'ai dû demander au groupe d'auditer toutes nos opérations par un cabinet indépendant pour démontrer qu'on était transparents. J'ai donné tous mes comptes bancaires, mes téléphones, mes e-mails, tout... Il en est sorti qu'on était clean ! J'ai tout donné, jusqu'à des conversations privées avec ma mère. »
Pour être précis, cet audit global, mentionné par L'Équipe l'automne dernier, supervisé par Barry Cohen et Jeffrey Ingram, les loyaux serviteurs de McCourt, a été déclenché à la suite d'une alerte de Jacques Cardoze, alors directeur de la communication. Le 14 août 2022, à Brest, en présence d'un tiers, Cardoze a d'abord été voir Longoria pour le prévenir de rumeurs sur son compte.
Des infos sont ensuite remontées à Anne Méaux et à Image 7, qui s'occupent de la réputation de McCourt et servent de courroie de transmission vers l'entourage du Bostonien. Un audit a été diligenté, un processus courant dans ce type de société.
Les pratiques y sont impitoyables : ces derniers mois, des salariés écartés ont été ainsi informés par la DRH que l'OM avait épluché les fadettes de leurs téléphones professionnels, s'appuyant sur des clauses de leurs contrats sibyllines quant au traitement des données.
Une clause qui pose question
Lors de son accession surprise à la présidence en février 2021, Pablo Longoria a vu le clan McCourt insérer une clause pour se prémunir d'un départ rapide ou imprévu : la rétrocession au Bostonien de plusieurs mois de salaire de l'Espagnol. Cette clause, qui ne correspond guère au droit du travail français, n'a pas été renégociée depuis. Elle pourrait expliquer les revirements de Longoria, qui tient des discours différents sur son avenir selon ses interlocuteurs - il a même évoqué la recherche d'un nouvel entraîneur auprès d'une source, jeudi.
Alors que McCourt ne reconnaît pas le droit de retrait du Directoire et veut un statu quo au niveau de l'état-major et des groupes, cette théorie est partagée par un proche du club. Un haut dirigeant du foot français avance une autre hypothèse : « Ils se plaignent des supporters au moment où il n'y a ni banderoles, ni bagarres, ni incidents majeurs dans le stade. C'est comme s'ils avaient voulu eux-mêmes créer les conditions de la ''crise'' ou s'ils avaient voulu l'anticiper au vu du calendrier à venir. » Le directeur du football Javier Ribalta apparaît sur le départ, à ce stade, et le directeur général Pedro Iriondo est lui le plus marqué moralement par la situation. À l'intérieur de l'OM, Stéphane Tessier, le directeur administratif et financier, apparaît encore actif. Il a planté des racines dans plusieurs services du club et peut le faire tourner. La recherche d'un successeur à Longoria aurait débuté, timidement. Ancien secrétaire général de l'OM, sous Pape Diouf, et ex-DG de Nice, Julien Fournier est sur le marché. Il a échangé avec le clan McCourt en juin, dans le cadre d'une prise de contacts pour des repreneurs saoudiens. Les discussions n'ont pas été poussées, McCourt souhaitant des montants pharaoniques.
Alors que la saison 2023-2024 devait être celle d'une prise de décision quant à une éventuelle cession d'un OM requinqué, l'absence de Ligue des champions, le budget très serré et l'incroyable crise de cette semaine ont écorné la valeur de son actif.