Le marché des transferts marseillais a encore été animé cet été. Une habitude prise depuis la nomination de Pablo Longoria, qui s'appuie sur son réseau pour façonner le nouvel OM.
Le mercato a fermé ses portes il y a 13 jours et dans un mouvement continu, Pablo Longoria s'est progressivement effacé à son tour, comme à son habitude à cette période de l'année. À la tête de l'OM depuis février 2021, le dirigeant espagnol, 37 ans, est le président de club le plus jeune de Ligue 1. Il a quitté le devant de la scène après une dernière prise de parole sur l'estrade de la Commanderie pour la présentation de Bamo Méïté, le 4 septembre. Le défenseur polyvalent de Lorient a été l'ultime recrue d'un marché une nouvelle fois très agité du côté de Marseille.
Avec une dizaine d'arrivées, encore plus de départs, des prêts, des retours de prêt, des surprises (la rupture de contrat de Payet) et des feuilletons (Alexis Sanchez), Longoria et son directeur sportif Javier Ribalta, toujours arrimés à leur téléphone, ont vécu deux mois intenses, des nuits courtes, des déplacements secrets pour débloquer des dossiers.
C'était prévu et envisageable. Parce que l'OM a encore changé d'entraîneur (Marcelino a remplacé Igor Tudor, retourné en Croatie auprès des siens comme il le souhaitait). Parce que l'effectif avait des manques criants à certains postes (latéral gauche et avant-centre par exemple) et parce que certains joueurs semblaient en bout de course (Mattéo Guendouzi).
Ce sont justement les trois raisons qui ont poussé le duo de décideurs olympiens à procéder à de nombreux changements et l'annonce du départ d'Igor Tudor, avant même la fin de saison, a véritablement lancé les grandes manoeuvres. Le technicien souhaitait s'arrêter et même la proposition en or de Monaco, dont il était le premier choix pour succéder à Philippe Clement, ne l'a pas fait replonger quelques semaines plus tard. Il a d'ailleurs averti ses anciens dirigeants de cette approche et de sa volonté de ne pas y répondre aussi par respect pour l'avoir laissé partir.
Une bonne connaissance du marché et de ses opportunités
Avec l'arrivée d'un nouvel entraîneur, Marcelino, des mouvements insoupçonnés quelques semaines auparavant ont été envisagés parce que Longoria croit en une idée : la nécessaire adaptation des joueurs à la philosophie du coach, et non l'inverse.
Chaque piste a alors dû passer par trois étapes successives avant d'entamer réellement les négociations : la validation de la cellule de recrutement, son inscription dans une stratégie sportive plus large et enfin une discussion tripartite avec l'entraîneur. Le cas d'Iliman Ndiaye illustre bien le processus. Les scouts de l'OM qui travaillent au quotidien avec Ribalta ont suivi l'attaquant de Sheffield United pendant près d'un an. L'international sénégalais avait le profil (un joueur de moins de 25 ans) recherché dans la politique du club : dépenser de l'argent uniquement pour un jeune afin de créer de la valeur. Et enfin, Marcelino a validé cette piste puisqu'il désirait l'arrivée d'un deuxième attaquant en plus de Pierre-Emerick Aubameyang.
Un intermédiaire qui a déjà effectué plusieurs dossiers à l'OM explique : « Pablo a un réseau très important donc dès qu'il y a une opportunité de marché, il ne passera pas au travers. Cela ne veut pas dire qu'il réussira forcément à faire le joueur mais il sera au courant, au minimum. Sa grande force, c'est sa capacité à avoir les informations souvent avant les autres. »
Ce qui lui permet parfois de devancer la concurrence comme dans le cas d'Ismaïla Sarr, qui était sur le marché à un an de la fin de son contrat à Watford. L'AC Milan suivait l'attaquant, mais Pablo Longoria savait de son côté que le joueur n'avait pas les papiers nécessaires pour valider son transfert en Serie A. L'OM s'est rapidement positionné et ses bonnes relations avec les dirigeants de Watford, malgré l'affaire Pape Gueye, ont facilité les choses.
Le président marseillais a des entrées dans des clubs à travers l'Europe et il les a utilisées dans différents dossiers lors des derniers mercatos pour s'ouvrir des opportunités comme ce fut le cas notamment pour Cengiz Ünder, Pau Lopez et Jordan Veretout (avec la Roma) ou encore William Saliba, Mattéo Guendouzi et Nuno Tavares (avec Arsenal).
Un duo complémentaire avec Ribalta
S'il a des connexions privilégiées avec certains clubs, il entretient aussi des relations étroites avec des intermédiaires (Eugenio Botas, Epic Sport, Base Soccer ou Meissa Ndiaye), qui font souvent jaser la concurrence. L'intéressé explique toujours avoir besoin de cette relation de confiance et se défend d'un quelconque favoritisme alors que tous les dirigeants de club fonctionnent de la même manière, avec une poignée d'agents dont ils sont sûrs.
Quoi qu'il en soit, certains observateurs disent le duo Longoria - Ribalta ouvert aux opportunités à condition de ne pas leur proposer un joueur prometteur venu d'Australie via un message sur WhatsApp. La connaissance quasi encyclopédique des joueurs de Longoria, capable de retracer le parcours d'un jeune gardien surdoué de Poitiers (Nicolas Tié) débauché par Chelsea à l'adolescence, lui permet de faire le tri dans toutes les sollicitations.
« Avec Pablo, c'est facile : tu allumes la mèche et ça pète ! assure un habitué du dirigeant espagnol. Tu lui parles d'un joueur et s'il lui plaît, il commence déjà à imaginer toutes les possibilités pour le recruter, pense à quel poste il pourrait jouer etc. Avec Javier, c'est différent. Il est plus posé, plus froid. Les deux ce sont le feu et la glace. » Ils surjouent parfois ce petit numéro du « bon flic - mauvais flic » qui les sert dans les négociations mais leurs tempéraments sont bien profondément différents.
En fonction de leurs affinités, de leurs connaissances, ils pilotent seuls tel ou tel dossier (Ribalta s'occupait par exemple de l'arrivée de Joaquin Correa). Stéphane Tessier, lui, n'intervient généralement qu'à la discussion du contrat avec le joueur et ses représentants. Mais le directeur financier peut, au cas par cas, être également associé aux échanges entre clubs, que ce soit pour des achats ou des ventes.
Des difficultés à générer des rentrées financières
Les ventes sont le point noir des mercatos olympiens et il ne date pas du mandat de Pablo Longoria. C'est un sujet qui irrite en interne et le président de Marseille s'étonne souvent de ce modèle économique franco-français où les clubs doivent absolument vendre des joueurs. Il répète souvent en privé : « Je fais des mercatos pour gagner des matches, pas pour gagner de l'argent. » Il doit pourtant surveiller les comptes, et le propriétaire américain, Frank McCourt, après avoir dépensé beaucoup d'argent, souhaite désormais que les mercatos s'autofinancent.
Le duo Pablo Longoria - Javier Ribalta a bien réussi quelques coups, comme le transfert de son attaquant Cengiz Ünder à Fenerbahçe pour 15 M€ (moins le pourcentage à la revente dû à la Roma), alors que les gros clubs turcs paient rarement de telles indemnités. Mais ces montants ne sont pas à la hauteur des énormes plus-values réalisées par certains clubs français de Lille à Rennes, en passant par Lyon ou Monaco. « L'OM a les défauts de ses qualités, juge un observateur du marché français. C'est un club où les joueurs doivent être prêts tout de suite et où les jeunes n'ont donc que peu de chance de jouer. Or, tous les clubs français qui vendent bien le font d'abord grâce à tous les jeunes qui sortent de leur centre de formation. »
La refonte totale de ce secteur, initiée à l'automne dernier avec notamment l'arrivée d'un nouveau directeur (Marco Otero), s'inscrit peut-être dans ce cadre-là avec la volonté d'enfin réaliser des ventes capables de faire saliver Frank McCourt.
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