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La folle ascension de Longoria
Arrivé sur la pointe des pieds en juillet, le directeur sportif a été nommé président sept mois plus tard. VINCENT GARCIA (avec M. Gr.)
Avec son air juvénile et sa petite moustache d’adolescent, on lui donnerait le bon dieu sans confession. Et pourtant, le redoutable André Villas-Boas et le redouté Jacques-Henri Eyraud sont passés à la trappe avec lui. Pablo Longoria n’est pas l’unique responsable de ces départs, celui de l’entraîneur portugais et celui du désormais ex-président marseillais. Les deux hommes n’ont eu besoin de personne pour se mettre en difficulté. Mais le directeur sportif espagnol a bien manœuvré dans cet aquarium aux requins et se retrouve aujourd’hui propulsé, à 34 ans, président de l’OM, une fonction qu’il n’a jamais occupée par le passé.
« Cette nomination est pour moi un grand honneur, auquel je me prépare depuis que je suis entré dans le monde du football », a-t-il dit hier dans un communiqué. Recruteur (Newcastle, Atalanta), responsable du recrutement (Huelva, Sassuolo, Juventus), directeur sportif (Valence CF), le voilà promu sept mois à peine après son arrivée à Marseille, en juillet, comme « Head of Football ». Avec « AVB », les choses ont dégénéré petit à petit, surtout à cause du mercato, et le pouvoir a changé de main. L’été dernier, Longoria s’était fait discret, laissant l’entraîneur en place impulser le recrutement. Tout juste avait-il osé ramener Luis Henrique du Brésil, pour 8 M€ hors bonus, quand même.
McCourt est tombé sous le charme
Cet hiver, le rapport de force s’est inversé. L’Espagnol n’a pas laissé une miette à son entraîneur, qui a claqué la porte début février après le prêt du milieu Olivier Ntcham, qu’il ne voulait pas. « AVB » a pu parler mal, très mal de Longoria, surtout sur la fin de son mandat. Le directeur sportif, lui, n’est pas dans ce registre, frontal. Mais il n’en demeure pas moins redoutable et il a fini par avoir la peau du Portugais, dont il cherchait déjà un successeur avant même son départ. Pour anticiper disait-il… Jorge Sampaoli, l’entraîneur argentin qui a signé jusqu’en 2023, est son dossier.
Eyraud l’a suivi et lui faisait une entière confiance. Mais « JHE » était fragilisé par le conflit avec les supporters et, en parallèle, Longoria a su bien mener sa barque avec le vrai patron, Frank McCourt, qu’il a convaincu d’investir sur Luis Henrique cet été ou sur Arkadiusz Milik cet hiver (prêté avec une option d’achat de 8 M€ + 4 M€ de bonus). Les réunions en visio se sont faites plus fréquentes avec le boss de Boston. Et l’Américain est tombé sous le charme.
Longoria a vendu Bouna Sarr au Bayern Munich (10 M€) ou Morgan Sanson à Aston Villa (environ 17 M€), s’est débarrassé de Kostas Mitroglou (certes en lui payant une bonne partie de ses derniers mois de contrat) et a réussi à refiler Kevin Strootman, le plus gros salaire du club, pour quelques mois voire plus en Italie, au Genoa. Ce n’est peut-être pas grand-chose mais c’est déjà beaucoup pour McCourt, pas habitué, avec Andoni Zubizarreta, à un directeur sportif autant investi sur les départs, l’allégement de la masse salariale et le recrutement de « prospects ».
Longoria avait-il connaissance des projets de son patron ces derniers jours ? Il n’a rien laissé transparaître en tout cas, calant des rendez-vous comme si de rien n’était, et gérant les derniers détails de l’arrivée de Sampaoli. Une déclaration, pourtant, est troublante. Après la victoire contre Nice (3-2, 17 février), Longoria s’était élevé au-dessus de la mêlée, dans le conflit qui opposait les supporters à Eyraud. « L’OM sans ses supporters, c’est inconcevable, avait-il estimé. On a besoin d’eux. On doit trouver la façon de travailler avec unité et le bon état d’esprit. Il faut que tout le monde se parle, qu’on trouve la meilleure des solutions. C’est la volonté du club, ça le sera. L’OM ne peut pas vivre sans ses supporters. »
Cette déclaration semble, avec le recul, sonner le glas d’Eyraud. « Nous souhaitons contribuer à la construction d’un style de jeu qui corresponde à la passion de nos supporters, a expliqué hier un Longoria très connecté avec le monde des agents et celui des transferts, contrairement à JHE, qui n’aimait pas ça. Je serai attentif à ce que tous les joueurs adhèrent à notre projet. Ce sera une condition préalable pour nos recrutements à venir. » Le nouveau boss à l’OM, c’est lui, et on doute qu’il ait besoin d’un directeur sportif pour mener sa politique.
L'Equipe