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RICHARD CAILLAT, MEMBRE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ASSOCIATION OM; "Frank McCourt a eu une inspiration géniale"
Entrepreneur marseillais et producteur à succès, patron du Théâtre de Paris et du Théâtre de la Michodière, Richard Caillat (58 ans) accompagne l'OM depuis plus de 20 ans, notamment sur l'aspect du business. Membre du conseil d'administration de l'association depuis 2017, il éclaire pour La Provence les débuts de Pablo Longoria, qu'il a accompagné à sa nomination à la présidence du club olympien.
Comment avez-vous vécu la nomination de Pablo Longoria à la tête de l'OM le 26 février 2021 ?
Quand il y a eu l'épisode de La Commanderie et que ça commençait à chauffer, j'ai rencontré Frank McCourt. Il m'a annoncé qu'il allait nommer Pablo, puis il m'a demandé de le rencontrer et de l'aider. Je ne le connaissais pas. J'ai accepté car il y avait beaucoup de choses à l'époque qui ne collaient pas et qui avaient abouti aux émeutes qu'on a connues. J'ai posé deux conditions : la première, que Pablo, qui était un très jeune garçon par rapport à moi, ait envie de me rencontrer et que je ne lui sois pas imposé ; la deuxième, que ce soit à titre bénévole.
Comment s'est passée votre rencontre ?
Cela a été un vrai coup de foudre. J'ai découvert quelqu'un de passionné, tout le monde le sait, mais surtout quelqu'un d'une écoute, d'une humilité et d'une intelligence incroyables par rapport à la ville, au club et à ce qu'on appelle plus largement l'institution. J'ai été très touché. Il avait beaucoup d'envie et de respect. On a vu passer des dirigeants qui sont arrivés, qui n'étaient pas marseillais, et je ne pense pas forcément à Jacques-Henri Eyraud d'ailleurs, et qui croyaient qu'ils avaient compris Marseille et l'OM. Or, ce n'est pas simple, même pour nous Marseillais. La ville est complexe et le club encore plus. On a commencé à beaucoup parler. Il se retrouvait à la tête du club dans un contexte très compliqué. Il devait gérer ses fonctions, mais il devait aussi découvrir la ville, son histoire. On a passé beaucoup de temps chez moi, il était en demande. On a construit une belle relation. Je lui ai donné mon sentiment, mon avis, ce qui n'avait pas une grande valeur, mais je devais lui expliquer ce qu'était le club. Ce n'était pas uniquement ce qui venait de se passer, et ce n'est pas seulement 1993. Je lui ai parlé des Minots, de l'épopée de Skoblar dans les années 70, il ne connaissait pas tout ça. Je lui ai parlé de Furiani, il n'était pas au courant non plus. Je l'ai emmené dans Marseille, on est allé aux Goudes, on a mangé Chez Étienne... Je voulais qu'il sente la ville. Je l'ai prévenu en lui disant qu'il allait rencontrer beaucoup de présidents et d'entraîneurs qui allaient tous lui expliquer ce qu'il fallait faire (rire), mais au moins, il a compris où il était. Il a beaucoup écouté. La seule condition que j'avais posée, c'était qu'il accepte de rencontrer Bernard Tapie. C'est quelqu'un qui a beaucoup marqué, mais qui a aussi beaucoup appris. Le fait d'aller le voir serait une sorte de masterclass. On a donc rendu visite à Bernard à Paris. Il y avait Jacques-Antoine Grangeon, le patron marseillais de Ventes Privées, qui est aussi un ami de Bernard. Il était diminué, mais il était toujours passionné et animé par l'étincelle de l'OM. Il lui a donné beaucoup sur son ressenti avec la presse, les supporters, les joueurs, les entraîneurs. C'était un grand moment. Ce sont les six premiers mois.
Le choix de McCourt vous a-t-il surpris ?
Complètement. Et je n'arrête pas de le dire à Frank : ce jour-là, il a eu une inspiration géniale. Franchement, Pablo était très jeune, il n'était pas expérimenté pour ce poste et le contexte était pourri. Et puis, même s'il apprend très vite et qu'il a une capacité intellectuelle remarquable, il ne connaissait pas le pays ni la ville. Je suis entrepreneur depuis 35 ans, quand je le vois piloter et manager, je suis impressionné. J'ai passé des moments compliqués auprès de lui, notamment après Tottenham. Mais il m'a bluffé dans sa gestion, sa sérénité. Il a réussi à garder du recul et à prendre la bonne décision. Beaucoup dans la presse, sur les réseaux sociaux, dans les tribunes du stade ou dans les bars de la ville, et même des agents, réclamaient par exemple la tête de Tudor. Il a gardé beaucoup de lucidité. Il a consulté quelques personnes aussi, il a beaucoup écouté. Le lendemain, on est parti marcher dans le Garlaban pour être au calme, c'était le seul endroit dans la ville où ça ne gueulait pas, puis on a déjeuné à la Treille tous les deux. Il était K.-O., comme tout le monde, mais il a fait preuve d'une maturité managériale que peu de dirigeants auraient eue. Il a pris le temps de dormir, de se calmer, de laisser les choses se décanter. Dans le monde du football, beaucoup de dirigeants auraient craqué ou surenchéri, mais lui a gardé le silence et réservé ses premiers mots pour le coach et les joueurs, deux jours après.
Quelques mois avant, il y avait déjà eu l'événement Sampaoli. Sa capacité à gérer le départ de Sampaoli et de rebondir sur Tudor, en remettant un système qui n'avait rien à voir... (Il coupe, et enchaîne) Il a une capacité d'entrepreneur phénoménale, au-delà de sa connaissance du foot qui est hors norme et de sa passion. C'est difficile d'être passionné comme il l'est, tout en gardant ce sang-froid. À la tête de l'OM, dans cette ville bruyante où tout est amplifié, c'est impressionnant. J'ai un énorme respect pour lui, pour son humilité, sa capacité de travail et sa sincérité dans le projet. Il apprend, il voit les choses, il sent les gens.
Il a su aussi repenser l'organigramme du club et s'entourer de proches, comme Pedro Iriondo et Javier Ribalta. Qu'en pensez-vous ?
C'est la preuve de son intelligence en tant que chef d'entreprise. Il a constitué un staff autour de lui, il a donné leur chance à des gens, que ce soit au commercial ou à la com'. Et quand ça n'a pas collé, ils sont repartis. Il agit de la même façon avec les joueurs. Quand ça ne colle pas, il n'attend pas. Il ne fait pas durer des situations alors que, souvent, on prend trop de temps à changer les choses. C'est parfois dur, et je ne minimise pas la difficulté pour ceux qui partent, mais il a une capacité à s'entourer.
Pour ce qui est des arrivées de Pedro (Iriondo) et de Javier (Ribalta), il en avait besoin. Il lui fallait constituer un staff de confiance, des gens sur qui il peut s'appuyer, et surtout qui peuvent le suivre. Il va tellement vite que ce n'est pas facile, il demande beaucoup de travail, de vivacité, d'efficacité. Au-delà du foot, il est impressionnant.
Quelles sont les principales réussites de son mandat selon vous ?
Il a fait deux choses fantastiques : il a remis le foot au coeur du projet et il a reconnecté le club avec la ville. Quand il est arrivé, on avait rarement connu un tel divorce entre le public et les dirigeants. McCourt ne comprenait plus, il se demandait ce qui se passait. On lui faisait remonter des choses, mais il se passait d'autres choses. Pablo a pris le bébé. J'ai des souvenirs chez moi, à Marseille, où il m'expliquait le projet de jeu qu'il avait, le style de joueurs qu'il voulait, les entraîneurs qui lui plaisaient... Il écrivait tout sur de grandes feuilles sur ma table, puis on allumait la télé et il me montrait sur Youtube des joueurs dont je n'avais jamais entendu parler. Il me disait : "C'est ce genre de mec qu'il nous faut. Lui c'est un 2004, lui c'est un 2002..." Il connaissait des joueurs aussi bien en Asie qu'en Afrique, en Europe et en Europe de l'Est... C'était incroyable. En fait, il n'est pas arrivé en disant : "Je laisse la compétence à d'autres".
Le voyez-vous s'inscrire dans la durée à la tête de l'OM ?
Je pense qu'il est lié au projet McCourt et qu'il s'inscrit dans la durée. En tout cas, il construit. Il fait comme s'il allait rester. Après, des présidents qui sont restés longtemps à l'OM, il n'y en a pas beaucoup. Mais je pense qu'il est là pour durer.
La Provence