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Le grand manège
17 août 2022
Malgré une place de dauphin la saison passée, l’OM a tout changé cet été, confirmant une habitude récente où la stabilité n’est pas à la mode. MÉLISANDE GOMEZ ET MATHIEU GRÉGOIRE
Y a-t-il un bon et un mauvais moment pour tout changer ? Pour un entraîneur, la réponse est facile : avant un coup de pied arrêté défensif, on ne touche à rien. Et pour un dirigeant ? S’ils sont nombreux à répéter vouloir de la « stabilité », on ne pourra pas faire le reproche de la monotonie à Pablo Longoria, qui expliquait sa philosophie au micro de Prime Video avant OM-Reims, le 7 août : « C’est plus difficile de changer les choses dans les moments où on a besoin de résultats, mais c’est aussi le meilleur moment. »
Et puisque, à l’OM, il y a toujours besoin de résultats, c’est toujours le meilleur moment de changer, même une équipe qui gagne. Deuxième de Ligue 1 la saison passée et, donc, qualifié directement pour la Ligue des champions, le club s’est quand même lancé dans une nouvelle révolution, poursuivant un rythme élevé de turnover depuis l’arrivée de l’Espagnol aux commandes.
Des entraîneurs sous pression
C’est en janvier 2021, au fil d’un mercato qu’il a dirigé lui-même, que Pablo Longoria a véritablement pris les commandes du sportif à l’OM, un mois avant sa nomination officielle au poste de président par Frank McCourt. Et il ne lui a pas fallu longtemps pour voir un premier entraîneur plier bagage : le 2 février, André Villas-Boas décidait de quitter le club. Déjà en froid avec Jacques-Henri Eyraud depuis plusieurs mois, le Portugais avait vu sa défiance envers Longoria monter crescendo pendant le mercato, et l’arrivée d’Olivier Ntcham a été la goutte d’eau de trop dans un vase déjà bien rempli. AVB ne s’estimait pas assez impliqué par son dirigeant sur les options de recrutement, et le scénario de son départ est revenu à l’esprit, début juillet, quand Jorge Sampaoli est parti.
Longoria veut un fonctionnement « à l’italienne »
L’Argentin avait pourtant réussi sa saison et atteint l’objectif prioritaire de sa direction, une qualification directe pour la Ligue des champions, mais les résultats ne suffisent pas toujours : il faut surtout ne pas vouloir s’immiscer trop loin dans le recrutement, et le bouillonnant Sampaoli n’est pas du genre à rester sagement assis en attendant qu’on lui présente ses nouveaux joueurs. Il savait depuis plusieurs semaines qu’il perdrait Boubacar Kamara et William Saliba, il voulait des joueurs d’expérience déjà prêts pour la C1, il a suggéré des noms, et les divergences de vues n’ont pas tardé. Longoria, qui répète qu’il veut un fonctionnement « à l’italienne », vise une répartition claire des tâches : les dirigeants recrutent, l’entraîneur entraîne. Il évite les ingérences dans les choix sportifs de ses coaches et, en retour, il veut pouvoir travailler librement sur le mercato. Bien sûr, il échange avec ses entraîneurs, définit des profils et peut même valider des options, comme avec Gerson ou Luan Peres, réclamés par Sampaoli. Mais la décision finale lui revient.
En choisissant Igor Tudor, un entraîneur encore jeune et novice à ce niveau, il a réglé la question d’une possible lutte d’influence, et tant pis pour la continuité du projet sportif, alors que Longoria a déjà connu quatre entraîneurs en dix-huit mois. Désormais installé à la présidence, une première dans sa jeune carrière, il a aussi redessiné l’organigramme du club, en nommant des hommes de confiance à la direction sportive, Javier Ribalta, et à la tête du centre de formation, Marco Otero. Ils ont rejoint Pedro Irriondo, un proche arrivé comme directeur de la stratégie à l’été 2021.
Des joueurs déboulonnables
Ce changement permanent se prolonge dans l’effectif : alors que la page Sampaoli a été tournée d’un coup sec, il fallait des profils pour les principes de jeu de Tudor, à l’opposé de ceux de son prédécesseur. Le chantier prioritaire a été celui des pistons, primordiaux dans l’esprit du Croate. Jonathan Clauss, Nuno Tavares et Issa Kaboré ont été ciblés pour muscler les ailes. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Longoria a décidé de procéder à une vaste revue d’effectif. Il en est déjà à 9 recrues pour l’équipe première sur ce mercato estival, et ce n’est pas fini (voir chiffre).
Chancel Mbemba, Isaak Touré et Samuel Gigot ont suppléé Saliba, Alvaro et Peres, Ruben Blanco a succédé à Steve Mandanda. Jordan Veretout, courtisé bien avant le départ de Sampaoli, a remplacé Kamara. Alexis Sanchez et Luis Suarez viennent dynamiser une attaque d’où Bamba Dieng a été éconduit.
Milik proposé à l’étranger
Dans les schémas de Tudor, les derniers artisans de la saison dernière (Ünder, Gerson, Milik, Payet) galèrent à trouver une place et ce ne sera pas un problème pour Longoria s’ils n’y arrivent pas. Il commence d’ailleurs à proposer le buteur polonais de 28 ans à des clubs anglais et italiens. Aucun élément, même une star du vestiaire, n’est indéboulonnable et l’Espagnol a toujours une solution de remplacement, via ses réseaux et ses clubs amis. Sur les 4 derniers mercatos de l’OM, il en est à 24 joueurs recrutés pour le groupe pro, et 12 embauchés en post-formation. Dès son intronisation, il ne cachait pas, en privé, sa volonté de balayer certains statuts, et L’Équipe titrait le 6 mars 2021 : « Payet-Mandanda : deux monuments marseillais en péril. » Le gardien a été évincé en finesse après avoir accepté une concurrence pour la place de numéro 1. Protégé par Sampaoli, qui lui avait donné un rôle central, le meneur de jeu est aujourd’hui un remplaçant très exposé. Comme pour Dieng, semi-lofteur depuis un mois, le club phocéen fait état d’une forme physique défaillante pour expliquer le déclassement de Payet, déclaré « Marseillais à vie » par Jacques-Henri Eyraud à l’été 2020. Dans le vestiaire phocéen, aucun joueur n’est dupe, chacun sait la masse graisseuse de l’autre et que le champion du surpoids début juillet ne s’appelait ni Dieng ni Payet.
Le 3 août, Longoria a déclaré, geste à l’appui : « Tout en haut, il y a le club, puis il y a l’entraîneur, et, ensuite, il y a les joueurs. » Certains éléments retors, comme Kamara ou Caleta-Car la saison dernière, lui ont résisté, mais il a encore haussé le ton cet été, envoyant Pol Lirola à Elche, un club où le latéral n’avait aucune envie d’aller, et il a mandaté plusieurs intermédiaires pour exfiltrer Dieng. Le grand manège doit continuer de tourner.
L'Equipe