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Ribalta, bon oeil pour bons pieds
Le nouveau directeur du football de l'OM, Javier Ribalta, s'est bâti une solide réputation dans le recrutement, au fil d'une carrière déjà riche. Costume sombre, chemise blanche, lunettes de soleil et sourire facile, Javier Ribalta (41 ans) prend parfois le temps pour un selfie avec les fidèles supporters de l'OM postés devant les grilles de la Commanderie, mais il ne s'arrête vraiment pas longtemps. L'homme est pressé, et n'aime pas s'exposer non plus, préférant le calme de son bureau ou le vert des terrains d'entraînement, où il lui arrive d'assister aux séances menées par Igor Tudor. Depuis mi-juin, le Catalan est le nouveau directeur du football de l'OM, choisi par son président et ami de longue date Pablo Longoria.
Son nom est inconnu du grand public et il n'a pas voulu de conférence de presse de présentation mais, jusqu'ici, il n'a pas eu besoin de tant de lumière pour se faire une réputation : Ribalta a déjà connu huit clubs en quatorze ans de carrière.
D'abord simple scout, puis chief scout, puis directeur sportif. D'abord des clubs modestes, puis la Juventus Turin (2013-2017) ou Manchester United (2017-2018). Il a noirci les lignes d'un CV solide, qui en font un dirigeant respecté du panorama européen.Javier Ribalta.« J'ai commencé à aider un ami, qui était entraîneur en Troisième Division, je l'ai conseillé un peu pour le recrutement, et c'est là que je suis entré dans le foot pro. »
Né à Barcelone, où il a une sympathie pour l'Espanyol plutôt que pour le Barça, Ribalta tombe très tôt dans le football. Il y joue, déjà, à un petit niveau, « mais je n'étais pas bon », tranche-t-il sans détour. Il aime le jeu, pourtant, et s'implique dans la vie de son club, devenant éducateur puis responsable des catégories de jeunes. Il regarde tellement de matches, déjà, qu'il aiguise son oeil sur les joueurs. « J'ai commencé à aider un ami, qui était entraîneur en Troisième Division, je l'ai conseillé un peu pour le recrutement, et c'est là que je suis entré dans le foot pro », raconte-t-il.
C'est là, encore, qu'il commence à croiser Pablo Longoria, lui aussi à ses premiers pas de scout derrière les mains courantes des petits stades espagnols. Et c'est là, surtout, qu'il trouvera son premier mentor, l'Italien Mauro Pederzoli, actuel directeur sportif de Parme (Serie B), où Ribalta était directeur du football la saison dernière. À l'époque, Pederzoli habite à Barcelone et travaille comme recruteur pour Rafael Benitez à Liverpool. Il est bluffé par le jeune Ribalta. Et quand l'Italien est nommé directeur du football du Torino, en juillet 2008, il emmène l'Espagnol avec lui.
C'est en Italie que le jeune recruteur lancera sa carrière et se fera une belle réputation, entre le Torino, donc, le centre de formation du Milan, le promu Novare (2011-2012) puis la Juventus, surtout, au fil de cinq saisons de réussite sportive totale, dans le palmarès comme dans la politique de recrutement. Chapeauté par le tandem Beppe Marotta-Fabio Paratici, la Juver réussit quelques beaux coups et Ribalta est souvent impliqué.
Un grand rôle dans la vente de Paredes
Il insiste sur l'opportunité de se pencher sur le cas de Kingsley Coman, qui n'a toujours pas signé pro avec le PSG, et accompagne Paratici pour superviser le jeune Français jusque dans le froid glacial de Lübeck, tout au nord de l'Allemagne, où l'actuel ailier du Bayern joue avec l'équipe de France des moins de dix-huit ans. Il est décisif dans la venue d'Alvaro Morata, menant les discussions avec le joueur et ses proches. « Il a un oeil incroyable pour voir les joueurs et sentir le talent, et il a une grosse capacité de travail », apprécie un de ses anciens collaborateurs.
« Mais moi, je n'ai recruté personne », tempère-t-il, insistant sur le travail collectif : « J'étais une petite part d'une organisation où je me sentais important. À la Juve, c'est tout le club qui travaillait très bien, ce n'est pas moi. Ils ne m'ont pas attendu pour savoir gagner et recruter », rappelle-t-il, évoquant sans doute le cas de Pogba, arrivé dans le Piémont à peu près en même temps que lui, à l'été 2012. Pourtant, Ribalta a bien recruté quelqu'un, à Turin : Pablo Longoria, débauché de Sassuolo en 2015.
À force de se croiser autour des terrains, les deux Espagnols sont devenus proches et, quand on lui demande d'étoffer la cellule de recrutement, Ribalta n'hésite pas et choisit son compatriote.
Après cinq saisons à la Juve, il s'envolera pour Manchester United, où il ne restera qu'un an avant d'accepter une offre juteuse du Zénith Saint-Pétersbourg. Là-bas, il réalisera une belle plus-value sur la vente de Leandro Paredes, acheté 23 M€ à l'été 2017. En janvier 2019, le Zénith est en stage de préparation à Doha (Qatar), dans un hôtel du parc Aspire ; le PSG y est aussi, dans un autre hôtel, à quelques centaines de mètres. Antero Henrique, alors directeur sportif du club parisien, appelle Ribalta, convient d'un rendez-vous, lui explique que Paredes l'intéresse. L'Argentin signera au PSG pour 47 M€.
Une belle opération comptable, à l'évidence, toujours plus valorisée à l'époque du foot business où les lignes de compte priment parfois sur les lignes du 4-4-2. « Ribalta est un excellent dirigeant et il connaît le foot parfaitement, témoigne un dirigeant. Mais il n'est pas forcément là pour construire une grosse équipe, c'est une vision du foot d'abord comme un business. »Javier Ribalta.« Je suis sûr de ce que je sens, de ce que je vois, et je n'ai pas peur de prendre une décision. »
Lui balaye le débat : « On sera jugés sur les résultats sportifs, encore et toujours. » Et il a mesuré le chemin parcouru quand il a retrouvé Longoria à l'OM dans son costume de président : « C'est un grand dirigeant, je le vois dans sa communication, dans son leadership, c'est du haut niveau pour son âge. »
Ceux qui les ont côtoyés ensemble les jugent assez complémentaires : « Longoria avait toujours besoin de voir et de revoir le joueur, il pouvait hésiter, se souvient un ancien scout. Ribalta, lui, il fonce. »
« Pablo est très méthodique, moi je suis sans doute plus instinctif, reconnaît l'intéressé. Je suis sûr de ce que je sens, de ce que je vois, et je n'ai pas peur de prendre une décision. » Et quand il a une idée dans la tête, il peut insister longtemps, comme avec Bruno Fernandes, qui n'était encore qu'un adolescent avec les moins de 19 ans de Boavista, en 2012.
Ribalta, persuadé de son talent, fait plusieurs fois le voyage, l'attend dans les halls d'aéroport et le convainc de signer à Novare. « Honnêtement, je le trouvais bon, mais je ne m'attendais pas à le voir un jour à Manchester United non plus, sourit le Catalan. Je trouvais simplement qu'il pourrait faire du bien à Novare ! »
Reste à faire du bien à l'OM, maintenant, dans une ville qu'il apprécie déjà, même s'il n'a pas encore trouvé sa future maison : « Le climat, la mer, cela me rappelle Barcelone. » Dans le foot, il y a pire, comme référence
L'Equipe