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Longoria, faim de règne
Arrivé dans ses petits souliers, plein de déférence pour son entraîneur, le directeur sportif s’est lancé dans sa stratégie de refonte du groupe sans un regard sur le passé. À l’OM, un club où le temps s’accélère en période de crise, une mode en chasse une autre. L’été dernier, André Villas-Boas était un entraîneur puissant et régnait sur le club avec sa voix de stentor. Six mois plus tard, un ancien recruteur de 34 ans arrivé au club en juillet, à l’allure frêle et aux yeux cernés à force de scruter des statistiques sur ses nombreux écrans, donne le tempo d’un mercato hivernal marseillais effréné, et il commencerait déjà à chercher le successeur d’AVB, à moyen terme.
Il anticipe, Pablo Longoria, l’homme qui a « un plan », selon son expression. Cette quête donne parfois le tournis au sein du club olympien, et se heurte parfois à la réalité sportive. Samedi soir, pour un déplacement important à Monaco (1-3) en vue de la course au podium, Villas-Boas n’avait que deux relayeurs (dont Pape Gueye, convalescent) pour composer son trident du milieu. Valentin Rongier et Boubacar Kamara (déchirure musculaire) blessés, Kevin Strootman prêté au Genoa (où il s’est signalé hier avec une passe décisive face à Cagliari, 1-0), AVB a dû se passer de Morgan Sanson, en instance de départ à Aston Villa, pour près de 16 M€ (voir notre édition d’hier).
Les affaires sont les affaires, répliquera Longoria, dont l’une des missions, lors de son embauche, était justement de dégraisser et de placer quelques lingots dans le coffre. La résiliation à l’amiable de Kostas Mitroglou comme le prêt de Strootman jusqu’en juin (avec la prise en charge de son salaire majoritaire de l’OM) rentrent dans ce cadre.On constate cependant deux époques, deux stratégies, entre un coach qui a progressivement laissé les rênes du mercato à Longoria et un directeur sportif qui devait débuter les grandes manœuvres à l’été 2021, mais les a finalement lancées en janvier.
“Aujourd’hui, JHE ne jure que par Pablo
Un intime du président
Adepte d’une vision patrimoniale du groupe, avec des retouches mais pas de chamboulement, AVB s’était aussi adapté aux moyens financiers restreints de son club l’été dernier, en ajoutant des joueurs libres (Gueye, Yuto Nagatomo) ou en prêt (Leonardo Balerdi, Michael Cuisance), principalement des promesses. S’il réfute le simple concept de trading, Longoria est lui dans une optique de valorisation de l’effectif, sportive et financière, et il a commencé en convainquant Frank McCourt du bien-fondé du recrutement de Luis Henrique, attaquant de 18 ans, acheté à Botafogo pour une base fixe de 8 M€.
Une première divergence est apparue sur le profil du jeune Brésilien, un pur ailier pour AVB quand Longoria évoquait un joueur polyvalent et capable d’évoluer en pointe. Si l’Espagnol a ensuite répondu à des besoins du coach sur les dossiers du latéral droit (Pol Lirola, en prêt) et de l’avant-centre (Arkadiusz Milik), la vraie différence de philosophie apparaît sur la gestion des fins de contrat. AVB aurait aimé sécuriser Florian Thauvin et Jordan Amavi. Longoria, coincé sur le sujet Dimitri Payet, décrété marseillais à vie avant son arrivée, a laissé la main du marché œuvrer, et elle pousse les deux cadres vers des offres mieux-disantes à l’étranger. Cette situation ne dérange pas Longoria, au contraire ; construire un effectif depuis une feuille blanche (ou presque) lui offre des possibilités inouïes pour appliquer ses idées. Parmi elles, une espèce de salary-cap, comme à Valence, avec trois tranches de joueurs : les stars, avec des revenus autour de 2,7 M€ net annuels ; les intermédiaires entre 1,2 et 1,5 M€ ; les pépites entre 600 et 800 000 euros à la saison.
Milik est au-dessus du premier palier, mais l’occasion a fait le larron. Les quelques voix au sein du club qui se sont étonnées de ce mouvement onéreux, alors que la situation financière de l’OM est très délicate, ont vite été calmées par Jacques-Henri Eyraud. « Aujourd’hui, JHE ne jure que par Pablo », confie un intime du président. V. G. et M. Gr.
L'Equipe