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Pablo Longoria, président de l'OM : « On doit prendre de la hauteur »
Deux semaines après les incidents à Lyon, le président de l'OM livre un message clair et mesuré, prônant le rassemblement pour le bien du foot français.
On toque à la porte du bureau présidentiel. Bonnet sur le crâne, Jorge Sampaoli ouvre sans attendre de réponse, passe une tête étonnée, s'efface aussitôt et file patienter dans l'open space de la Commanderie. Avant d'aller lui taper dans la main, Pablo Longoria souffle un bon coup, comme soulagé. Une heure d'interview dans le costume du boss de l'OM, le genre de passage obligé qu'il redoute. Il l'a traversée sans se renier, impeccable comme ces paquets de chemises blanches et neuves posées sur son bureau. Une nouvelle et longue semaine peut commencer.
Le sportif : « Il faut insister sur nos principes »
« Vous venez de nous dire que vous avez passé un mauvais dimanche après la défaite contre Brest (1-2). Que pensez-vous de la situation sportive de l'OM (3e), correcte mais fragile ?
Contre Brest, il y a de la déception avec deux mi-temps complètement différentes. Si on contextualise, le niveau a beaucoup augmenté en L1. On le voit dans le classement, qui est serré. Les matches sont très ouverts, difficile de faire des pronostics. Deuxièmement, on développe un projet très marqué, avec une identité de jeu. Il y a toujours des moments qui nous feront douter de nos idées. Mais il faut insister sur nos principes.
Vous accueillez le Lokomotiv Moscou, jeudi. La Ligue Europa Conférence peut-elle devenir un objectif ?
À l'OM, on doit jouer au maximum toutes les compétitions, c'est l'ADN du club.
Quel est votre regard sur la campagne de Ligue Europa ?
On ne peut être ravis, on avait l'intention d'aller loin, on l'a dit dès le tirage au sort. On a connu de grands moments de malchance. Avec quatre équipes (Lazio et Galatasaray en plus du Lokomotiv) qui ont un bon niveau et de l'expérience sur la scène européenne, le groupe s'est joué sur des petits moments, des petits détails. La moindre erreur est pénalisée lourdement. Avec notre jeunesse, cela s'est encore accentué. Le scénario à Moscou (1-1, 16 septembre) détermine un peu la suite. On a le contrôle total de la rencontre, on est sur une belle séquence, entre Monaco (2-0) et Rennes (2-0), et ils marquent un super but. Anjorin, c'est un des meilleurs joueurs du centre de formation de Chelsea, quand tu affrontes des bons joueurs, c'est comme ça, d'une petite action, ils font de grandes choses.
Pour parler de jeu, êtes-vous satisfait de ce que vous voyez sur le terrain ?
Je suis content quand l'équipe suit le projet de jeu pour lequel elle a été construite. Il faut être cohérent, c'est ce qu'on a essayé d'expliquer aux supporters. Il faut toujours balancer entre l'exigence de résultats qui est élevée, car nous sommes l'OM, et l'indulgence pour une équipe toujours en construction et jeune. Une des plus jeunes en Europe.
L'OM flamboyant de Sampaoli, si agréable à regarder cet été, s'est éloigné...
Nous sommes une équipe construite pour avoir le contrôle du jeu, pas pour pratiquer un football de transition. En ce moment, c'est vrai, on manque d'efficacité offensive. Si on analyse toutes les data, on voit que sur beaucoup de matches, on aurait pu marquer plus de buts. Il y a un équilibre à trouver entre notre production offensive et la sécurité défensive. On doit garder le contrôle du jeu et des matches. Car nous ne sommes pas une équipe construite pour jouer physique dans un Championnat qui l'est, lui.
Milik est-il devenu un problème, offensivement ?
La question est plutôt : comment retrouver le vrai niveau de Milik ? Il revient d'une blessure sérieuse. Il n'a pas fait la préparation pendant l'été, à une époque où l'équipe a beaucoup travaillé. C'est moins le cas maintenant. Toutes les formations qui disputent une compétition européenne connaissent ça : l'entraîneur est plus un directeur artistique quand on joue tous les trois jours. C'est difficile, à cette période, de créer des associations individuelles entre différents joueurs.
L'option d'achat en fin de saison est toujours d'actualité ?
On a toujours parlé de l'opération Milik comme d'une opération compliquée. Mais c'est un joueur qui, à la fin, sera la propriété de l'OM.
Qu'en est-il de la levée des options d'achat de Mattéo Guendouzi, Pau Lopez et Cengiz Ünder ?
Guendouzi et Ünder, c'est lié au maintien. Pau Lopez, s'il dispute 20 matches. Ce sont des options pratiquement automatiques.
Les incidents : « L'image du foot français est en danger »
Qu'attendez-vous de la commission de discipline, mercredi ?
Le débat sur la sécurité est devenu public. On parle d'un problème majeur dans le foot français. Il arrive un moment où l'on doit prendre de la hauteur, être responsables, avec les autres présidents. Laissons les institutions prendre des décisions, trouver les meilleures réponses pour régler ce problème. Je souhaite simplement avoir un règlement clair dans lequel les sanctions qui s'appliquent sont actées pour chaque type d'incident. Cela éviterait à tout le monde de se poser des questions à chaque fois. Ça serait cohérent. Ce qui n'est pas responsable, c'est de chercher à préserver chacun nos intérêts individuels alors que c'est un problème collectif.
Qu'avez-vous fait à Marseille cette saison pour améliorer la sécurité ?
On a augmenté les frais de sécurité. On cherche à améliorer toutes les questions de filtrage, d'accès au stade. Il y a eu des filets mobiles. On a la responsabilité de tenir nos tribunes. On vit dans une société bien plus frustrée depuis deux ans.
Les groupes de supporters, que vous rencontrez régulièrement, sont-ils réceptifs ?
Ils sont conscients du problème. Vendredi, nous avons eu une discussion ouverte avec eux. Je demande à tout le monde d'être exemplaire. L'OM est connu pour son ambiance, moi-même j'adore ça. Mais il faut que chacun soit responsable.
Comprendriez-vous que le match contre Lyon soit rejoué ?
C'est une question ouverte. Si c'est le cas, on devra l'accepter. On doit prendre de la hauteur et penser au bien commun, je l'ai dit. C'est une décision qui aura une conséquence pour tous les clubs français, pas seulement pour l'OL et l'OM. Si chaque fois qu'un match est interrompu, on doit le rejouer... Dans le monde du foot européen, la réaction du coeur pour 90 % des gens est de demander match perdu à l'équipe dont les supporters se sont mal comportés. Je ne pense pas que donner le pouvoir à un spectateur d'influer sur le résultat d'un match soit une bonne idée pour l'équité sportive non plus. Est-ce qu'un supporter, individuellement, peut déterminer le résultat d'un groupe de joueurs qui travaille toute une saison pour aller le plus haut possible ?
Vous êtes presque d'accord avec Jean-Michel Aulas, votre homologue de l'OL, qui parle de sanctions individuelles ?
(Sourire.) On doit respecter ce que Jean-Michel Aulas a fait par le passé, il a une expérience extraordinaire. La première question que tu te poses, comme dirigeant de club, c'est de respecter, de protéger tes joueurs, le staff, leurs résultats, le fruit d'un travail très dur pendant toute une saison. Ce sont les gens sur le terrain, joueurs, staff technique, arbitre compris, qui produisent le business, le spectacle. Les protagonistes sont là pour faire plaisir aux gens, ils doivent se sentir en sécurité.
Quelles solutions ont été avancées lors de la réunion avec le ministère ?
C'était un préambule. Les pouvoirs publics, la Ligue et les clubs doivent travailler dans la même direction pour améliorer la sécurité et l'environnement autour du foot. Il faut des sanctions bien claires : identifier les personnes qui posent problème et qu'on ne veut plus voir dans les stades. Pour cela, il faut améliorer le suivi des interdictions de stade, penser peut-être au contrôle biométrique. Et améliorer les systèmes de surveillance et notamment de vidéosurveillance dans les stades.
Faut-il lier les sanctions sportives, le retrait de points, par exemple, et le sécuritaire ?
Je suis plutôt pour des sanctions individuelles. Mais de vraies sanctions, exemplaires. Pour que chacun soit conscient des conséquences de ses actes quand il va au stade. C'est le moment de frapper fort contre ceux qui provoquent des incidents dans les stades. Il faut qu'un règlement soit appliqué à toutes les équipes. On ne peut se demander chaque semaine quelle est la meilleure sanction.
Vous voulez prendre de la hauteur. Vos homologues sont-ils dans le même état d'esprit ?
C'est la nature humaine de chercher à défendre ses intérêts, de défendre les institutions que l'on représente. Mais je crois que ces incidents peuvent affecter tout le monde, dans n'importe quel stade. On doit donc faire front commun, travailler ensemble et donner du pouvoir à la Ligue sur ces questions. L'image du foot français est en danger.
Justement, vous qui avez un réseau développé à l'étranger (Espagne, Italie), quelle est l'image du foot français ?
Dans toutes les conversations que j'ai pu avoir, les gens se posent des questions sur la France et la Belgique. Les problèmes dans les stades français font le tour du monde. En même temps, tous les acteurs européens s'accordent à dire que le niveau de la L1 a beaucoup augmenté, ce qui la rend plus attractive. On a un très bon produit. Il faut garantir la sécurité des supporters mais aussi de tous les acteurs. Si vous aviez parlé avec Dimitri Payet au lendemain des incidents de Lyon, vous auriez vu qu'il était atteint psychologiquement.
Toute cette violence autour de votre équipe a-t-elle eu une incidence sur les résultats ?
Ce serait trouver des excuses et je n'aime pas ça dans la vie. Ce n'est pas ma personnalité et mon caractère. En revanche, nous sommes humains et évidemment que cela nous affecte, même moi en tant que dirigeant. Cela me touche. On ne fait pas du foot pour ça. Les joueurs sont les acteurs les plus importants sur le terrain et ils se posent des questions. Quand le phénomène se répète, en plus, ils ont toujours ça dans la tête.
Comment Frank McCourt a-t-il réagi aux incidents ?
Je parle toutes les semaines avec lui, pour analyser l'actualité et la gestion du club. Il ne peut être content du contexte général actuel, il a été d'un grand soutien pour les joueurs et les salariés du club. Il a demandé comment se sentait le vestiaire après Lyon, l'état psychologique des joueurs... Cet aspect humain de Frank m'a touché.
A-t-il échangé avec Payet lors de sa venue à Marseille, pour OM-Troyes ?
Le soir de Lyon, il était au courant des événements, il m'a demandé de faire passer différents messages à Dimitri pendant toute la soirée.
Le mercato : « Kamara ? Tout le monde doit y mettre du sien »
Parlons du mercato...
(Visage lumineux.) Ah, j'aime beaucoup le mercato !
L'OM va-t-il être actif sur le marché ?
D'ici janvier, je dois trouver des ressources économiques pour améliorer l'effectif, avec les actifs que j'ai dans l'équipe. Cela peut passer par la vente de joueurs et utiliser l'argent de façon intelligente. La vente d'un joueur peut permettre de renforcer une équipe, au final, de gommer ses handicaps. Je considère qu'on a déjà amélioré beaucoup de choses l'été dernier, mais il y a encore du travail. L'équipe est jeune, elle peut manquer de leadership à différentes positions sur certains matches importants. Le leadership, la gestion de ces rendez-vous, cela vient avec le nombre de rencontres disputées au haut niveau. On a pris un virage stratégique général pour rajeunir l'effectif, l'âge moyen de l'équipe a baissé de façon spectaculaire. Mais tu ne peux pas avoir le même niveau d'exigence pour un effectif très jeune. J'en suis le premier conscient.
Est-ce une demande du coach ?
Non. Sampaoli, depuis le premier jour, a adhéré au projet, il aime bien travailler avec les jeunes joueurs. L'énergie déployée sur certains matches est due à la jeunesse de l'équipe, à son ambition. D'un autre côté, tu dois chercher à canaliser cette fougue pour avoir plus d'efficacité dans les différents matches.
Quels sont les postes à renforcer ?
Parler de positions individuelles n'a plus de vraiment de sens. On a une stratégie très claire, un effectif de 21 joueurs polyvalents. On cherche plutôt des profils différents depuis quelques mois sur ce mercato d'hiver. En cas de sortie de différents joueurs, on veut avoir des possibilités de rechange.
Que s'est-il passé pour Jordan Amavi, prolongé au printemps et invité à partir vendredi par Sampaoli ?
Il n'avait pas eu beaucoup de temps de jeu sur la deuxième partie de saison dernière. Un nouveau système, de nouvelles idées ont été mises en place à partir de juillet. À tous les acteurs de s'adapter, au quotidien, à cette nouvelle donne. Parfois, cela se fait facilement, parfois difficilement. On est plutôt sur une question de profil. Le coach a défini Amavi comme un pur latéral, alors que Luan Peres a une position hybride entre défenseur central et latéral. Tout le monde connaît le niveau réel de Jordan, il a un historique de performance.
Croyez-vous encore dans une prolongation de Bouba Kamara ?
Les pourparlers sont ouverts depuis longtemps, ils se sont accentués dernièrement. C'est un actif important pour le club, je souhaite qu'il prolonge. Mais il n'y a pas qu'une partie dans des négociations, cela doit être la volonté générale. Le football est en mutation. Il y a vingt ans, les clubs avaient un pouvoir extraordinaire sur les joueurs, trop même. Ces dernières années, on est passés dans un football où les joueurs ont pris beaucoup de pouvoir.
Pouvez-vous élever encore votre offre ?
On a proposé différentes formules pour trouver un schéma où tout le monde s'épanouirait et se sentirait prêt à continuer. Affirmer que tu as proposé un maximum en négociation, ce n'est pas respectueux avec l'autre partie. Il y a match, le ballon est au milieu du terrain, tout le monde doit y mettre du sien. »