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Pourquoi l’Arabie saoudite achèterait-elle l’OM ?
Corentin Lesueur le 06/02/2021 à 11:17
La rumeur d’un rachat du club marseillais par le royaume a encore agité les réseaux sociaux, vendredi 5 février. L’actuel propriétaire, Frank McCourt a dénoncé des « campagnes répétées de désinformations » et « manipulations ».
Pourquoi l’Arabie saoudite achèterait-elle l’OM ?
La Boutique de l'OM du Stade Vélodrome, en 2018. / Frédéric Speich/Photopqr/La Provence/MAxppp
L’affaire semblait tellement pliée que certains spéculaient sur le contenu d’un communiqué en cours de rédaction. Ne restait plus qu’à officialiser les rumeurs envoyant l’Olympique de Marseille dans l’escarcelle d’un fonds souverain saoudien.
Mais le propriétaire du club, Frank McCourt, est sorti de son silence, vendredi 5 février en fin d’après-midi, pour siffler la fin de ce qu’il range parmi les « campagnes répétées de désinformations » et autre « manipulations ». « Mon engagement vis-à-vis de l’OM, de ses salariés, de la Ville et de l’ensemble des Marseillais est total », a assuré l’Américain, qui a déjà investi plus de 300 millions d’euros dans le champion d’Europe 1993, prix d’achat en 2016 compris.
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À l’été dernier, déjà, des rumeurs de passage sous pavillon saoudien avaient agité Marseille jusqu’aux démentis de l’état-major du club. Mensonges ou ébruitements de vraies négociations, ces feuilletons questionnent l’intérêt du royaume pour l’actuel neuvième de la Ligue 1.
Arme de soft power
Une telle acquisition, valorisée à plusieurs centaines de millions d’euros, consacrerait les jeunes ambitions sportives de la monarchie pétrolière. « L’intérêt du pays pour le sport date vraiment de 2017, avec l’arrivée [du prince héritier] Mohammed Ben Salman aux portes du pouvoir et l’élaboration du grand plan de diversification de l’économie “Vision 2030” », analyse Carole Gomez, directrice de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Dans le Golfe, une réconciliation dictée par la raison
Championnat du monde de boxe, rallye Dakar, course cycliste : l’Arabie saoudite privilégie pour le moment l’accueil de compétitions internationales, précieux coups de projecteur sur un pays pariant sur l’industrie touristique. En mettant la main sur l’OM, elle rejoindrait sur les terrains européens certains de ses voisins du golfe Persique et se doterait d’une solide arme de soft power.
« C’est un club historique doté d’un vrai palmarès, d’une solide réputation de sa formation et de son public, et d’une image forte à l’étranger », présente Carole Gomez. Un tableau alléchant pour un pays souhaitant polir une réputation entachée par un respect tout relatif des droits de l’homme.
« Image positive, dynamique et non polémique du sport »
« L’un des objectifs de la diplomatie sportive de l’Arabie saoudite est de profiter de l’image positive, dynamique et non polémique véhiculée par le sport, poursuit la chercheuse. Si le football est un investissement dans lequel vous n’êtes pas certain de retrouver vos billes sonnantes et trébuchantes à la fin, vous bénéficiez de retombées en termes de marketing et de place sur la scène internationale. »
Les Saoudiens pourraient aussi être séduits par la rivalité historique entre Marseillais et Parisiens ; l’occasion de poursuivre sur la pelouse plusieurs années de tensions avec le Qatar, propriétaire du Paris-Saint-Germain depuis 2011. Les deux équipes s’affrontent dimanche 7 février, et c’est peu dire que les Phocéens ne partent pas favoris.
Acheter l’OM en même temps que son stade ?
Englué dans le milieu de classement, l’OM a subi en quelques jours l’attaque de son centre d’entraînement par ses propres supporteurs et le départ de l’entraîneur André Villas-Boas, démissionnaire puis mis à pied dans la même journée. Le tout sur fond de pertes financières causées par la situation sanitaire et la défaillance du principal diffuseur, Mediapro.
Accord sur les droits TV : le football est-il tiré d’affaire ?
De quoi refroidir de potentiels acquéreurs ? Dubitatif sur la « crédibilité » d’une vente immédiate aux Saoudiens, Christophe Lepetit, directeur d’études au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, voit dans la déliquescence actuelle du football un levier possible. « Les investisseurs internationaux fortunés vont pouvoir acquérir des clubs ou parties des capitaux à moindres coûts et espérer des plus-values à la revente », avance l’économiste.
Dernier élément à prendre en compte en cas de négociations : la nouvelle majorité à Marseille a confirmé sa volonté de vendre le stade Vélodrome. Le prix de cession n’a pas été fixé, mais l’opportunité de récupérer le club en même temps que son enceinte fait miroiter des sources supplémentaires de revenus. « Si demain il y a un repreneur et qu’il veut acheter le stade, nous nous mettrons autour de la table avec lui, promet la maire-adjointe Samia Ghali dans L’Équipe. Si c’est un argument pour vendre le club, tant mieux. Mais je rappelle qu’on ne vient pas à l’OM pour faire du business, on y vient parce qu’on aime le foot, la ville, son club et ses supporteurs. Sinon, ça ne fonctionne pas. »
Corentin Lesueur