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Vendra ? Vendra pas ? Et d’abord à vendre ou pas ? On se croirait revenu...
France Football
7 juillet 2020
Vendra ? Vendra pas ? Et d’abord à vendre ou pas ? On se croirait revenu quelques années en arrière, époque Louis-Dreyfus, Robert puis Margarita, lorsque les rumeurs revenaient comme le muguet chaque 1er mai. L’OM de retour en Ligue des champions redevient attirant, les finances en difficulté et les maladresses de com de Jacques-Henri Eyraud fragilisent le club, et certains investisseurs – sérieux ou moins – pourraient en profiter pour se positionner. D’autant que la crise du Covid-19 tire vers le bas la valeur du club et de ses joueurs. Frank McCourt n’a d’autre choix que de remettre la main au portefeuille, quand il a déjà sorti près de 300 M€ depuis son arrivée, en attendant des jours meilleurs, ou de vendre. Lui seul a la réponse. Lionel Maltese, maître de conférence à l’université d’Aix-Marseille, avait travaillé sur l’audit du club lorsque Robert Louis-Dreyfus cherchait à vendre. « C’était clair. On cherchait à sécher les finances, à rendre le club vendable.
Aujourd’hui, je ne vois aucun signal de ce genre, au contraire. L’entraîneur a été prolongé (NDLR. André Villas-Boas a en fait choisi d’aller au bout de son contrat, en 2021), les joueurs cadres également, comme (Dimitri) Payet qui a accepté de revoir son salaire à la baisse et en attendant peut-être (Steve) Mandanda, le centre de formation se met en ordre de marche, etc. On ne sent pas a priori de volonté de partir. Mais la période est particulière... » D’où la nécessité de se demander si l’Olympique de Marseille est une bonne affaire à saisir aujourd’hui.
Les finances
Pas au niveau du sportif
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La question, la première, conditionne tout le reste : l’OM est-il vendable ? Autrement dit, un club qui accusait près de 100 M€ de déficit en juin 2019 et a peu de chance d’avoir amélioré l’état de ses finances avec la crise du Covid, peut-il intéresser un investisseur sérieux ? « Tous les clubs sont vendables », affirme Lionel Maltese. Mais certains peut-être plus que d’autres ... « Le principal handicap de l’OM est ce déficit structurel, estime Maltese. La masse salariale (qui a doublé entre les saisons 2017 et 2018) a d’autant plus plombé les comptes qu’elle n’était pas en adéquation avec les résultats et le club s’est retrouvé sous la menace du fair-play financier (FPF). »
Pas de quoi attirer d’éventuels repreneurs. Mais l’OM a préservé l’essentiel en étant autorisé à participer à la Ligue des champions malgré une amende (3 M€ et une retenue de 15 % sur ce qu’il percevra grâce à sa qualification). « La participation à la C1 et l’arrivée du nouveau contrat télé sont des arguments essentiels pour un acheteur, poursuit Vincent Chaudel, fondateur de l’Observatoire du Sport Business. Et à cela, il faut ajouter le stade totalement refait. L’outil est là. Même s’il n’est pas la propriété du club, l’OM a su négocier une convention qui lui permet de l’exploiter, ce qui n’était pas le cas à l’arrivée de McCourt. Enfin, il y a le potentiel public. Quand les résultats sont là, le stade se remplit naturellement. On parle là d’une jauge de 60 000 places, ce qui place le Vélodrome dans les standards des grands clubs européens. Un acheteur peut toujours se dire qu’en améliorant la partie business, il y a là des perspectives intéressantes, même si le FPF oblige à rester dans les clous et empêche d’investir massivement quelle que soit la fortune du repreneur. »
L’OM a d’autres atouts. Que McCourt se soit pris de passion pour le club, ça peut s’entendre, mais l’Américain est avant tout à la tête d’un groupe immobilier, et diriger une telle institution vous fait entrer dans les cercles de décideurs économiques et politiques d’une région dynamique et attractive. « Étonnamment, l’OM ne semble pas avoir été un acteur de lobby pour les investissements du groupe, du moins jusqu’à présent, remarque Lionel Maltese. Mais les interactions sont généralement efficaces, voir Jean-Michel Aulas avec la CEGID et l’Olympique Lyonnais ou Florentino Pérez, dont les activités dans le BTP ont su profiter de la marque Real Madrid. » Enfin, l’OM présente le profil idéal pour intéresser un acteur désireux de développer son soft power, à l’image de ce qu’a réussi le Qatar à Paris. « Les Qataris sont entrés dans de nombreuses structures françaises, ils organiseront la Coupe du monde, de quoi donner des idées aux rivaux, explique Maltese. Or, quel est le principal concurrent du PSG ? Quel club bénéficie d’un exceptionnel impact médiatique ? L’Olympique de Marseille. C’est d’autant plus crédible aujourd’hui que la crise du Covid a fragilisé bon nombre de grands groupes et en font des proies plus faciles. L’OM a peut-être une occasion à saisir. »
L’effectif
Plus cher que rentable
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Racheter l’Olympique de Marseille reviendrait, entre autres, à se porter acquéreur d’un effectif de premier plan en Ligue 1, suffisamment en tout cas pour avoir conquis la deuxième place du Championnat. Reste que, contrairement au LOSC 2019, précédent dauphin du Paris-Saint-Germain qui regorgeait de valeurs marchandes bien établies, l’escouade phocéenne n’apparaît pas aussi bankable que cela. Court quantitativement, le groupe olympien ne déborde pas de joueurs susceptibles de faire sauter la banque. Bien évidemment, l’un des noms qui revient le plus souvent quand on évoque le sujet est celui de Boubacar Kamara, jeune pousse du club (20 ans) dont le contrat a été prolongé jusqu’en 2022, évalué sur le marché à environ 30-35 M€. Ça, c’est pour la théorie, car entre un transfert dans un club européen « moyen plus » et jouer la Ligue des champions avec son club de cœur, le choix pourrait être vite réglé.
L’autre valeur sûre de l’équipe, Morgan Sanson, semble déjà plus « transférable ». Sa valeur oscillerait aux alentours de 25 M€ (alors qu’il avait failli partir à West Ham pour 35 M€ l’an dernier). Mais, là encore, il faudra quand même compter avec la volonté du joueur, à l’image d’un Bouna Sarr (28 ans, sous contrat jusqu’en 2022) auteur d’une belle saison, coté aux alentours des 12 M€ mais qui, fort de la confiance de Villas-Boas qui voit en lui un possible capitaine, n’imagine pas vraiment quitter Marseille à ce point-là de l’histoire. En vérité, le joueur qui préfigure le deal le plus jouable se nomme Dujan Caleta-Car. Son âge (23 ans), son CV (vice-champion du monde), sa progression, son gabarit (1,93 m sous la toise) et son envie de goûter le plus vite possible à un top Championnat, en font une cible idéale pour le marché anglais. Au sein de l’état-major marseillais, on imagine facilement l’affaire se jouer au-dessus des 25 M€.
Valentin Rongier (25 ans, sous contrat jusqu’en 2024), lui, pourrait avoir des prétendants aux alentours de 20 M€. Mais pour le reste, c’est le néant, ou presque. Maxime Lopez (22 ans), par exemple, a fortement décoté à un an de la fin de son contrat (en dessous des 10 M€). Et même si Jordan Amavi (26 ans) a repris du poil de la bête, avec un contrat qui expire le 30 juin 2021, aucun gros billet n’est vraiment à prévoir de son côté, surtout pour un joueur qui peut désormais aller au bout de son contrat et envisager de signer libre dans un an. Soit la même stratégie que celle de Florian Thauvin (27 ans), évalué aux alentours des 20 M€, mais qui peut désormais rêver d’une belle prime à la signature dans un an. En clair, même si une étude du centre international d’étude du sport (CIES) chiffre l’ensemble de l’effectif de l’OM à 288 M€ (à peine plus que celui de Rennes, 277 M€, dont la masse salariale annuelle est pourtant deux fois moins importante, 63 M€ contre 127 M€ à l’OM), dans les faits, peu de joueurs pourraient véritablement être transférés.
La formation
De l’espoir mais du temps
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Il y a quelques jours, quand Isaac Lihadji (18 ans) a préféré signer à Lille, on s’est dit que l’Olympique de Marseille n’était vraiment pas verni question formation. Déjà pas réputé pour sortir des cracks en pagaille, le club phocéen voit en plus son joyau le plus prometteur prendre la tangente vers le Nord. Un mauvais signal pour l’OM à un moment où il a décidé de faire de gros efforts depuis que le club a récupéré fin 2017 la gestion du centre de formation, auparavant chapeauté par l’Association OM. « Oui, c’est décevant et triste, car, quand on forme un jeune, on a toujours envie de le voir grandir au club, nous confie Nasser Larguet, directeur du centre de formation depuis un an. N’empêche, Isaac a été formé, et bien formé, à l’OM. C’est ça, le signal qu’il faut retenir ! » Le club olympien veut d’ailleurs combattre l’idée que Marseille et la formation seraient incompatibles, n’hésitant pas à communiquer sur les onze joueurs issus du centre présents dans le groupe professionnel cette saison, dans le sillage de Boubacar Kamara. « Le projet aujourd’hui est de réussir à former des jeunes pour le très haut niveau, reprend Larguet. On doit franchir un palier pour atteindre l’excellence. Ça commence par la nécessité de développer le niveau de recrutement. » Longtemps, en effet, les autres clubs de la région venaient piocher dans le vivier local largement négligé par l’OM. Désormais, les vice-champions de France tissent des partenariats avec les clubs locaux sous forme d’aides financières et de formations d’éducateurs contre une détection des talents les plus prometteurs en faveur du champion d’Europe 1993.
« Au centre, les dirigeants ont mis ce qu’il faut en termes de structures et de moyens humains pour placer la formation au niveau de ce qui se fait de mieux, poursuit Larguet. Mais ça passe aussi par un état d’esprit. Que les jeunes sachent que l’on exige l’excellence. Ceux qui n’ont pas cet état d’esprit n’ont pas leur place dans notre projet. Ça vaut d’ailleurs pour les formateurs qui doivent pousser au plus haut le niveau d’exigence. Être bon ne suffit plus, on vise l’excellence. » Pourtant, le directeur du centre en convient, il va falloir être patient pour récolter les premiers fruits de ce travail au long cours, témoin la très faible représentation du club dans les sélections de jeunes, même si quelques garçons nés en 2004 font leur apparition en équipe de France U16. « On se met la pression, moi le premier, conclut Larguet. Et même si le chantier est important et que c’est un long projet, l’objectif est vraiment de sortir d’ici à deux ou trois ans des joueurs pour l’équipe première. »
La marque
Toujours aussi forte
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Des dettes, un effectif pas vraiment bankable, une formation en devenir, pas de quoi provoquer des files de clients à la porte d’entrée de la boutique. Oui mais c’est l’OM et son irrésistible pouvoir d’attraction. « L’OM, c’est un feu de broussaille, insiste Lionel Maltese. Une petite mèche, un coup de vent et ça s’embrase. On l’a vu avec Bielsa alors que le club n’a fini que quatrième, avec la finale de la Ligue Europa (2018) alors que le club avait bénéficié d’un parcours très favorable et a reçu une fessée par l’Atletico Madrid (0-3 en finale), avec cette deuxième place cette saison alors que, sur le papier, nombre d’équipes étaient meilleures... Ici, ça booste plus vite. » L’OM est une marque puissante et son instabilité sportive chronique n’y change rien. Si les réseaux sociaux sont un indicateur, ils témoignent du potentiel du club, dauphin du PSG, au coude-à-coude avec Monaco, notamment à l’international, ce dont ne peut se prévaloir l’OL qui a pourtant longtemps dominé le football français sans agrandir son cercle. L’OM cumule 11 millions de followers (Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Souce IQUII Sport, juin 2020), certes loin derrière le PSG (80,6 millions) mais devant l’OL (7,3), ce qui place Marseille au dix-huitième rang européen. Et cela alors que l’OM a écrit les plus belles pages de son histoire quand le web n’existait pas !
« À la différence du PSG ou de l’OL qui ont des publics premium, l’OM est et restera un club populaire, estime Maltese. Comme un club argentin, qu’on ne pourra jamais “américaniser’’. C’est la marque la plus passionnelle du foot français et il faut en tenir compte quand on dirige ce club. On peut, on doit développer le business, mais on ne communique pas à coup de PowerPoint et de “head of business’’ sur LinkedIn. Depuis l’arrivée de McCourt, beaucoup de choses positives ont été accomplies mais Jacques-Henri Eyraud patine là où on ne s’y attendait pas : la com et l’organisation même du club, où trop de turnover dans les services administratifs et commerciaux (déjà trois directeurs généraux) fragilise l’ensemble. On sait que c’est compliqué de diriger ce club. » Et ce n’est forcément pas un bon argument de vente. « Quand on est propriétaire de l’OM, on ne l’est jamais totalement, considère Vincent Chaudel. Car il faut tenir compte de la pression populaire et médiatique, comme on peut le voir en ce moment avec l’offensive (Mourad) Boudjellal qui joue justement cette carte. Et ça, ça peut refroidir d’éventuels repreneurs intéressés. C’est à la fois la force et la faiblesse de ce club. » C’est surtout ce qui renforce son pouvoir d’attraction.