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Les joueurs de l'OM seuls face à Jacques-Henri Eyraud
Le départ probable du populaire entraîneur André Villas-Boas inquiète et contrarie l'effectif marseillais, en très grand froid avec son président.
Comme pour chasser les mauvaises nouvelles, Steve Mandanda s'est éloigné de son téléphone ce week-end, fatigué et agacé, à l'image de ses coéquipiers, par la tournure des événements à l'OM. Entre le conflit avec sa direction au sujet des baisses de salaires, le départ d'Andoni Zubizarreta, le directeur sportif, et celui, fort probable, d'André Villas-Boas, le capitaine olympien a été en première ligne. Son entraîneur, avec lequel il entretient des rapports privilégiés, l'a tenu informé, comme d'autres cadres de l'équipe, de la situation encore jusqu'à vendredi. Depuis, le silence s'est installé. Et le climat, déjà pas très serein, s'est considérablement alourdi chez les joueurs, qui ont eu à peine le temps de savourer la qualification en Ligue des champions avant d'être rattraper par la crise, comme souvent à Marseille.
« Le sentiment général, c'est l'incompréhension, résume un proche du groupe. Ils se sentent impuissants. Tout va bien et le projet se saborde. Ils veulent travailler avec cet entraîneur. Ils ont trouvé un équilibre après (Rudi) Garcia, avec lequel ça s'était mal fini. » Un autre abonde, en parlant de Villas-Boas au passé, même si son départ n'est pas encore acté : « Ils kiffaient tous le coach. Il avait créé un bon "mood" dans l'équipe et il a eu des bons résultats. S'il s'en va, ils seront tous dégoûtés, même ceux qui jouent moins ». La déception est immense et l'inquiétude n'est pas feinte, alors que Dimitri Payet ou Mandanda, en cours de saison, avaient tenu plus ou moins le même discours que leur entraîneur, c'est-à-dire la nécessité de renforcer l'équipe en vue de la C1. Et c'est plutôt l'inverse qui est en train de se passer.
Aux yeux de beaucoup de joueurs, qui ont pris fait et cause pour leur entraîneur, un coupable aux secousses actuelles est tout trouvé : leur président Jacques-Henri Eyraud. Dans une publication sur les réseaux sociaux, un ancien de la maison, Adil Rami, a posté samedi : « En tant que supporter de l'OM, j'aimerais voir votre [...] quitter cette institution ». Sans le dire, l'ancien défenseur marseillais ciblait évidemment « JHE », qui l'a licencié l'été dernier, une affaire qui se réglera aux prud'hommes. Dans le groupe actuel, la cote du dirigeant est aussi au plus bas. Et ça ne date pas d'hier. Sa sortie médiatique sur les buts à l'extérieur de la surface qui devraient compter double, il y a un an, continue à être sujette aux moqueries en interne et symbolise pour beaucoup d'Olympiens sa méconnaissance du foot.
L'argent, l'autre sujet de discorde
Mais d'autres sujets sont moins légers et même sources de grande tension, que ce soit donc l'avenir d'« AVB », les salaires, les primes de qualification en C1, individuelles (de 200 000 à 600 000 € pour certains) ou collectives (100 000 € par tête). Depuis fin 2019 déjà, Eyraud n'était plus le bienvenu dans un vestiaire où il s'était accroché avec Payet, notamment au sujet des primes de victoires, gelées depuis l'été dernier (voir L'Équipe du 11 mai). La question financière est encore plus d'actualité, alors que les joueurs, passés au chômage partiel depuis fin mars, touchent 84 % de leur salaire net.
La direction, dans le contexte de crise lié au covid-19, fait le forcing depuis plusieurs semaines pour que le groupe accepte une baisse salariale. Certaines propositions ont pu aller jusqu'à -50 % et, surtout, le deal est assez ambigu concernant la durée de cet effort. D'abord organisées collectivement en visioconférence, ces négociations sont maintenant individuelles. Le président marseillais essaye de convaincre au cas par cas mais il perd patience. Agacé, il a laissé entendre aux joueurs récalcitrants qu'ils n'auraient plus jamais de primes. Ce à quoi certains auraient rétorqué que cela ne changerait pas beaucoup de d'habitude, finalement.
La direction de l'OM espère que certains gros salaires partiront avec AVB
Dans l'impasse, Eyraud s'en est même remis au populaire Villas-Boas pour l'envoyer en première ligne convaincre le groupe d'accepter la baisse salariale, ce que l'entraîneur a refusé. En remerciant Zubizarreta et en mettant AVB dans une situation où il n'a pas vraiment d'autre choix que de partir, la direction espère peut-être que certains gros salaires quitteront le navire avec lui, alors que JHE va devoir vendre pour au moins 60 M€ le plus rapidement possible pendant le mercato (L'Équipe de dimanche).
Mais ce n'est pas la tendance. Ils sont peu nombreux, malgré le contexte incertain, à vouloir s'échapper, à l'image d'Alvaro Gonzalez, inquiet que le club n'ait pas encore levé son option d'achat. Et Florian Thauvin, lui, a d'ores et déjà annoncé sa volonté de rester à l'OM cet été, alors qu'il ne lui reste qu'un an de contrat. « Il y a une bonne ambiance dans l'équipe, ils croient en eux », affirme un proche du groupe. C'est déjà ça. Car avec le départ de « Zubi » et celui de Villas-Boas qui se profile, il n'y aura plus de fusibles entre les joueurs et la direction.