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Enquête : Silas Wamangituka, ancien attaquant du Paris FC, utiliserait un faux nom
Silas Wamangituka, l'ancien attaquant congolais du Paris FC, transféré l'été dernier en Allemagne pour 8 M€, utiliserait un faux nom pour des raisons qui demeurent obscures.
Les supporters du Paris FC n'ont pas oublié Silas Wamangituka, auteur de 11 buts en Ligue 2 la saison passée. L'été dernier, l'attaquant a reçu beaucoup d'offres. Les clubs français intéressés ont finalement renoncé. D'abord à cause du prix, trop élevé. Mais aussi à cause d'un doute sur son identité. Le Congolais, qui a rejoint le VfB Stuttgart (D2 allemande) pour un peu plus de 8 M€, ne serait peut-être donc pas celui qu'il prétend être sur ses papiers.
Alors qui est-il ? S'appelle-t-il Silas Wamangituka ? Ou Silas Mvumpa Katompa, comme le croit un dirigeant de club congolais ? Nos vérifications n'ont pas été simples. Plusieurs personnes ont refusé de s'exprimer, le joueur notamment. D'autres ont accepté avant de se rétracter. Il y eut aussi quelques appels nous faisant comprendre qu'il était « inutile d'enquêter et d'écrire ».
Un tour de passe-passe pour signer un nouveau contrat ?
L'histoire de ce footballeur - en tout cas celle relatée jusqu'ici dans les médias - démarre dans les rues de Kinshasa, où il est repéré à 12 ans par Black Mountain Sport, une académie créée par Nicolas Anelka. Olivier Belesi devient alors son tuteur. Ce juriste d'origine congolaise, proche des frères Pingisi, collaborateurs de Nicolas Anelka, deviendra ensuite son conseiller. C'est d'ailleurs lui qui a géré toutes les offres dont il a fait l'objet l'été dernier. Il a aussi été le conseiller de Youssouf Mulumbu, ex-joueur du PSG qui a porté plainte contre lui pour « faux et usage de faux, et escroquerie », comme révélé par L'Équipe le 18 octobre.
Wamangituka évolue d'abord au FC Matete, le club rattaché à la fameuse académie. Début 2018, Belesi le propose à Montpellier qui le dirige vers Alès, club partenaire. Il y joue six matches et marque un but. Après un test, il rejoint le PFC. En août 2018, il effectue ses débuts en pro. Mais la réalité serait différente. À l'automne 2018, Max Mokey Nza-Ngi, le président du Football Club MK, un club congolais, contacte Belesi et Pierre Dréossi, le manager général du PFC, avec un deal en main. Dans l'un de ses courriels que L'Équipe a pu consulter, on peut lire : « Proposition pour règlement à l'amiable du transfert frauduleux de notre joueur Mvumpa Katompa Silas au club du Paris FC sous le nom de Silas Wamangituka ». Le dirigeant semble persuadé que Wamangituka ne serait autre que Mvumpa Katompa, un joueur qui a rejoint ses rangs en 2015 après avoir évolué dans deux autres clubs de Kinshasa, l'AC Matonge et l'ES Grace. Né le 6 octobre 1998, il a porté le maillot national chez les jeunes. Mais, sous cette identité, le joueur a disparu des radars depuis plus de deux ans.
Wamangituka est né, lui, le 6 octobre 1999. La ressemblance sur des photos présentant les deux joueurs est frappante. Mais qui serait à l'origine de ce changement d'identité ? Et pour quelles raisons ? Selon nos informations, ce tour de passe-passe patronymique lui aurait permis de s'engager libre avec Alès alors qu'il était sous contrat. Quand il signe dans le Gard, début 2018, il possède un passeport au nom de Silas Wamangituka. En revanche, quand il a demandé, en juin 2017, son visa Schengen pour rejoindre l'Europe, il l'a fait au nom de Silas Mvumpa Katompa.
Au fil de multiples courriels entre dirigeants des clubs dans lesquels il a évolué et dont L'Équipe a pu prendre connaissance, il apparaît que Max Mokey Nza-Ngi cherche à tirer profit de cette troublante affaire. En échange de son silence, il exprime le souhait d'être « dédommagé » et veut également « 10 % sur la plus-value nette éventuellement réalisée par le PFC » sur un futur transfert.
Sollicité, Dréossi confirme la teneur de ces échanges. « Mais à aucun moment, le PFC n'a versé de l'argent à ce club. Nous, on a les papiers, le passeport de Silas, le titre de séjour. Tout est en règle pour nous. S'il y a un souci, c'est au Congo que ça se passe. Il faut donc voir là-bas, assure-t-il. Et puis, ce président nous a aussi un peu plus tard envoyé un autre courrier pour nous expliquer qu'il s'était arrangé avec le FC Matete. Certainement un arrangement financier. De toute façon, avec les clubs africains, ça arrive souvent. Dès qu'un joueur brille, tout le monde veut sa part... »
Dréossi devait nous transmettre plusieurs documents en lien avec cette affaire. Il ne répond plus depuis le 20 novembre. Quant à Max Mokey Nza-Ngi, il a refusé de s'expliquer au téléphone. « Je ne vous connais pas. Qui êtes-vous ? Si vous souhaitez avoir des réponses, il faut venir au Congo ! » Dans un mail de réponse au même responsable congolais, en novembre 2018, Belesi, le conseil de Wamangituka, indique que « le joueur et sa famille vont nous faire leur proposition pour le règlement du litige à l'amiable, dans l'intérêt des deux parties ». Sollicité, Belesi a d'abord fait savoir, par son avocat, qu'il ne « souhaitait pas s'exprimer ». Puis qu'il le ferait à la fin du mois de décembre.
Côté terrain, depuis ses débuts en D2 allemande, Wamangituka a marqué 3 buts et délivré 1 passe décisive. Ses performances sont suivies de près au pays mais le sélectionneur, Christian Nsengi-Biembe, ne l'a toujours pas retenu : « J'aimerais bien le prendre, mais je ne peux pas. Il y a un problème administratif, un problème de passeport. C'est ce que m'a dit mon team manager, Dodo Landu... » Ce dernier a reconnu l'existence « d'un problème » : « On a entendu plein de choses, notamment qu'il était demandeur d'asile politique. Mais aussi qu'il y a un problème d'identité. On attend. Une chose est sûre, on n'a jamais entendu parler de ce Silas Wamangituka au pays. » À Kinshasa, c'est Silas Mvumpa Katompa qui a laissé son empreinte.