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Avant de jeter son dévolu sur l’OGC Nice, la société détenue par le milliardaire britannique Jim Ratcliffe a plongé dans le monde du foot en reprenant le club helvétique, fin 2017.
LAUSANNE (SUI) – Sur les hauteurs de Lausanne, en surplomb du lac Léman, avec les Alpes en fond d’écran, des grues viennent briser le majestueux panorama. Juste à côté de l’aéroport de Blécherette, le chantier du stade de la Tuilière bat son plein. L’enceinte, qui sera livrée au terme de cette saison, avec un an de retard, est devenue le symbole du nouveau Lausanne Sport (LS). Elle sent le neuf avec ses larges baies vitrées qui dessinent des loges de luxe, de futurs restaurants ou cellules commerciales.
L’écrin esquisse un petit bijou de 12 000 places pour un investissement estimé à 70 millions d’euros. Ce stade marque aussi la toute-puissance du nouvel actionnaire, Ineos, ce géant de la pétrochimie qui s’est plongé avec ses gros moyens dans le monde du sport. Il y a eu, entre autres, le rachat de l’équipe cycliste Sky, la création d’un team de voile pour la Coupe de l’America et l’acquisition à finaliser de l’OGC Nice. Mais sa porte d’entrée dans le football est bien suisse.
“M. Ratcliffe est un véritable amoureux de sport, de foot, mais il n’y a pas un côté “no limit” dans son investissement. Malgré l’échec de la remontée, il n’a pas tout voulu bouleverser,,
PABLO IGLESIAS, DIRECTEUR SPORTIF DU CLUB
Jim Ratcliffe, soixante-six ans, le patron milliardaire du mastodonte britannique, avec une fortune personnelle estimée à 12 milliards d’euros, a mis la main sur le LS en novembre 2017 en le rachetant pour environ 7 M€. Dans la foulée, le club vau-dois est descendu de la Super League à la D 2 suisse (10e sur 10). Ineos avait pourtant donné le ton dès son premier mercato. Début janvier 2018, la multinationale injectait environ 3 M€ avec quatre renforts majeurs, dont Enzo Zidane (Real Madrid). Ces emplettes n’ont pas empêché la relégation et le départ de l’entraîneur Fabio Celestini, l’ex-milieu marseillais. « Mais Ineos n’était pas arrivé pour le foot à ce moment-là, explique Stéphane, un supporter qui s’est battu (sans succès) dès le début contre le changement de logo de son club de cœur pour les couleurs d’Ineos. La société et Ratcliffe sont venus chercher un statut fiscal avantageux en installant une partie de leur siège social à Rolle, dans le canton de Vaud. Ils ont alors économisé près de 130 M€ d’impôts par an. Pour renvoyer l’ascenseur, les politiques leur ont demandé d’investir dans le sport local. Ineos est devenu mécène du club de hockey et a d’abord aidé les jeunes avec le Team Vaud (sorte de sélection régionale) dans le foot. Puis il s’est penché sur le LS. Après, il y a eu le projet du stade. On parle même d’un futur naming Ineos. Je pense que Jim Ratcliffe et son frère Bob, qui est le patron (président) du club, se sont pris au jeu.»
Malgré cette relégation, la multinationale aux 55 milliards d’euros de chiffres d’affaires a continué à soutenir son club suisse. Le discours du début s’est fait moins ambitieux. À l’automne 2017, David Thompson, numéro 2 d’Ineos et président du Lausanne Sport d’alors, visait « la Coupe d’Europe dans les trois à quatre ans ». Le côté rationnel de Jim Ratcliffe a repris le dessus. Son frère Bob et lui sont déjà allés débaucher Pablo Iglesias à la Fédération suisse. Le sélectionneur des moins de 20 ans helvétiques, reconnu être un spécialiste de la formation dans son pays, est devenu le nouveau directeur sportif. «Ineos a voulu remettre en avant une politique de jeunes, souligne-t-il. Le canton de Vaud est l’un des principaux viviers de la Suisse. Ineos est une chance extraordinaire dans ce domaine, avec notre club comme support. La formation vaut pour un quart environ de notre budget (2 M€ sur 8,3 M€). M. Ratcliffe est un véritable amoureux de sport, de foot, mais il n’y a pas un côté “no limit” dans son investissement. Malgré l’échec de la remontée, il n’a pas tout voulu bouleverser. Mais si les résultats arrivent, on sent qu’il peut aussi vite passer à la vitesse supérieure. Il y a déjà une vraie volonté de poser des structures avant de mettre une grosse équipe dedans. »
Le club suisse, dont le dernier titre de champion de D 1 remonte à 1965, s’est donc cassé les dents sur la montée en juin. L’entraîneur, Giorgio Contini, n’a pas sauté mais sent bien la pression monter d’un cran cette saison. « La stratégie est claire, surtout avec l’entrée dans le nouveau stade en fin de saison, confirme ce dernier. On a revu et redynamisé l’effectif en le rajeunissant. Nous n’avons pas fait de recrutement clinquant. Après, cela ne nous empêche pas d’être l’équipe à battre de notre Ligue. Nos supporters sont tout aussi exigeants. Pour eux, on devrait également survoler le Championnat. On sent une réelle impatience. »
Vers un partenariat Nice-Lausanne ?
Depuis les bords du Léman, les 3 000 spectateurs du vieux stade olympique de la Pontaise regardent de très loin le rachat de Nice par la famille Ratcliffe. Au club aussi, même si cela peut créer un pont aérien entre les deux entités à l’avenir. «Il n’y a rien d’établi pour l’instant, certifie Pablo Iglesias. Je suis déjà allé visiter les installations niçoises, prendre des premiers contacts, mais rien de plus stratégiquement. Des synergies sont possibles, notamment chez les jeunes. La culture football et de formation de la France peut nous apporter beaucoup. C’est quand même le pays des champions du monde ! »