par ruby » 17 Fév 2020, 17:44
Sauf que ...
Le Monde - Manchester City sanctionné : « Le Tribunal arbitral du sport pourrait considérer qu’il y a une inégalité avec le PSG »
Le club anglais a été exclu par l’UEFA de toute compétition européenne pour non-respect du fair-play financier. Le dossier « pourrait remonter jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne », estime Antoine Duval, chercheur en droit européen du sport.
Le club anglais a été exclu par l’UEFA de toute compétition européenne pour non-respect du fair-play financier. Le dossier « pourrait remonter jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne », estime Antoine Duval, chercheur en droit européen du sport.
L’entraîneur de Manchester City Pep Guardiola, face à Manchester United, le 29 janvier.
L’entraîneur de Manchester City Pep Guardiola, face à Manchester United, le 29 janvier. Dave Thompson / AP
Le match judiciaire commence, et il s’annonce aussi crucial qu’un match à élimination directe de Ligue des champions. Vendredi 14 février, Manchester City, l’un des clubs de football les plus riches du monde, a été exclu pour les deux prochaines saisons de Coupes d’Europe, par le « gendarme » financier de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Motif ? Avoir commis de « sérieuses violations en surévaluant les revenus issus des contrats de sponsoring dans ses comptes portant sur la période 2012-2016 ». Et avoir ainsi enfreint les règles du fair-play financier, un mécanisme introduit en 2010 en vertu duquel les clubs ne doivent pas dépenser plus qu’ils ne gagnent.
Pour Antoine Duval, chercheur en droit européen du sport à l’Institut Asser, aux Pays-Bas, cette décision constitue « le début d’une histoire judiciaire », l’équipe championne d’Angleterre en titre ayant saisi le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour faire annuler cette sanction.
Comment décryptez-vous la décision prise par l’UEFA ? A-t-elle voulu envoyer un message à d’autres clubs ?
Tout part des « Football Leaks » [publiés depuis novembre 2018 dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel et mettant notamment au jour le système frauduleux mis en place par le club anglais pour gonfler artificiellement ses recettes]. Ils ont révélé la faiblesse de l’UEFA et ses difficultés : le fair-play financier était facilement contournable, et même quand l’instance avait des informations, elle n’était pas prête à agir fortement.
Cette fois, elle a eu besoin de montrer qu’elle prenait ce sujet au sérieux. Surtout, les « Football Leaks » ont montré des forts soupçons de manipulations des comptes de la part de Manchester City pour contourner les règles, et c’est la première chose que l’UEFA a voulu sanctionner.
Lire aussi: Ligue des champions : Manchester City dans la tourmente des « Football Leaks »
D’autres clubs, qui ont été visés par non-respect du fair-play financier, comme le PSG, ont-ils des raisons de s’inquiéter au vu de cette sanction ?
Le message qui est adressé à tous les clubs est que si vous trichez, si vous ne donnez pas votre véritable situation financière et que l’UEFA arrive à mettre la main sur les informations, la sanction sera très sévère. Si, au contraire, vous coopérez, l’UEFA est prête à discuter et à trouver des sanctions plus douces et adaptées à votre situation. C’est ce qu’il s’est passé avec le PSG [en juin 2018, la chambre d’instruction de l’Instance de contrôle financier des clubs avait décidé de ne pas poursuivre le club, après une enquête lancée à la suite des recrutements de Neymar et de Kylian Mbappé, à l’été 2017].
Lire aussi la tribune : « Le PSG vient de faire imploser le fair-play financier »
Avec le recours devant le TAS, quelle chance cette sanction a-t-elle d’être appliquée ?
Le TAS devrait, dans un premier temps, suspendre provisoirement l’exclusion en attendant de se prononcer sur le fond de l’appel. Il serait judicieux, au vu de l’affaire et des conséquences, que les débats des parties se tiennent au printemps et que la décision intervienne assez vite. Mais ce ne sera pas avant l’été.
Sur le fond, le TAS a déjà conclu que le fair-play financier était compatible avec le droit de l’Union européenne dans une décision contre Galatasaray [en 2016, le club turc avait contesté son exclusion de toute compétition européenne pendant un an et avait été débouté par le tribunal]. Un renversement de jurisprudence serait très improbable. Ce ne sera sans doute pas un test au niveau du TAS.
Le recours de Manchester City est-il donc sans espoir ?
Pas nécessairement, il est possible que le TAS considère que la manière dont les règles ont été appliquées est problématique. Par exemple, il pourrait considérer qu’il y a une rupture d’égalité en comparaison avec le traitement du PSG par l’UEFA [une enquête du New York Times avait montré que l’instance n’avait pas fait beaucoup de zèle lors de l’enquête].
Si le TAS rend une décision favorable au club anglais, ce serait plus sur l’application des règles que sur leur compatibilité avec le droit de l’Union. C’est difficile à évaluer car on ne connaît pas les détails des affaires dans ces deux cas. Il y a un manque de transparence dans la manière dont les affaires sont traitées. Ce serait d’ailleurs une bonne chose si l’audience au TAS pouvait être publique.
Le fair-play financier est-il assez solide juridiquement ?
Manchester City a déjà affirmé [dans des e-mails internes, publiés lors des « Football Leaks »] qu’il serait prêt à investir « 30 millions de livres sterling [36 millions d’euros] pour recruter les cinquante meilleurs avocats » pour contester la décision devant les instances européennes. Si le TAS donne raison à l’UEFA, l’affaire pourrait se retrouver devant les instances européennes, comme la Commission et la Cour de justice à Luxembourg.
Ce serait une bataille juridique ouverte pour poser la question fondamentale de la compatibilité avec le droit de la concurrence et le droit de la liberté d’entreprendre prévus dans les traités européens. Ce serait là le vrai test pour le fair-play financier. A titre personnel, je pense que l’UEFA peut le démontrer. La décision de vendredi est loin d’être la fin d’une procédure, mais bien plutôt le début d’une histoire judiciaire
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