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L'OM est-elle vraiment l'équipe la plus sanctionnée de Ligue 1 ces dernières années ?
Une nouvelle fois pointé par André Villas-Boas après la défaite à Rennes (1-2), mercredi, l'arbitrage de l'Olympique de Marseille est-il si sévère et différent des autres clubs, comme suggéré par l'entraîneur portugais ? Nous avons vérifié.
En ce moment, André Villas-Boas dévoile sa face sombre. Celle qui se manifeste par des intimidations verbales et physiques envers un journaliste, mais aussi par des critiques sur l'arbitrage, entre autres. Interrogé sur les conséquences de l'expulsion de son milieu - et buteur - Pape Gueye après la défaite à Rennes (1-2), mercredi, le technicien a lâché : « Je suis très déçu de la décision de l'arbitre, cela ne mérite pas un rouge. Il ne veut pas faire de mal. Si on ne peut pas sauter pour jouer un ballon, qu'est-ce qu'on peut faire ? [...] Il n'y a pas de volonté d'agresser l'adversaire. Je ne comprends pas tous ces cartons. Il n'y en avait que dans un sens, déjà à Nîmes (2-0, le 4 décembre), la dernière fois, cela s'était passé comme cela avec un premier carton (jaune) pour Amavi au bout de trente secondes (Villas-Boas avait finalement été expulsé, comme le Nîmois Cubas). On est l'équipe la plus cartonnée du Championnat. C'est le cas avec moi et cela l'était déjà avant. »
Villas-Boas a en partie raison
Alors, vrai ou faux : l'OM est-elle vraiment l'équipe la plus sanctionnée de Ligue 1 ces dernières années ? Prenons dans l'ordre, et commençons par cette saison. D'abord, d'un point de vue global, il faut dire que les avertissements (621 contre 560) et les expulsions (53 contre 39) sont en hausse en 2020-2021 par rapport à 2019-2020, au même stade de l'exercice. Plus particulièrement, l'Olympique de Marseille a écopé de 42 cartons jaunes, de loin le total le plus élevé du Championnat (Angers suit avec 37). Avec deux matches en retard, qui plus est.
Le club phocéen tourne à une moyenne de 3,23 cartons jaunes par match. Il n'y a pas débat. Quant aux cartons rouges, il en est à 4 reçus en 13 journées. Là aussi, le ratio est dans la fourchette haute (0,31/rencontre), mais ce n'est pas le plus important (le PSG, l'OL, Montpellier et Reims en sont à 0,33).
Ainsi, oui, Marseille reçoit le plus de cartons jaunes, mais pas le plus de cartons rouges. Et si l'on fait la moyenne de ces deux indicateurs, c'est effectivement l'équipe la plus sanctionnée de l'élite cette saison. « AVB » a donc raison sur ce point.
Quid de l'exercice précédent, le premier du Portugais sur la Canebière ? En 28 journées, sa formation avait écopé de 67 avertissements, soit 1,76/match. Encore un record. Mais de nombreux concurrents ont fait pire concernant les expulsions (0,79/rencontre à Marseille ; autant que Lille et Saint-Etienne, et moins que Reims, Nice, Lyon, Montpellier, Monaco, Strasbourg, Metz, Nîmes, Amiens, Toulouse...). L'affirmation du technicien portugais n'est donc pas exacte. Certes, l'OM était déjà plus averti que les autres, mais voyait moins rouge. Il y a une nuance.
Villas-Boas a également expliqué que ce constat était valable avant son arrivée. Sous Rudi Garcia (automne 2016-été 2019), les Marseillais ont également été bien « cartonnés ». En 2018-2019, la dernière saison de l'actuel entraîneur de l'OL, ils avaient obtenu le plus haut ratio de cartons rouges par match (0,21) et le deuxième de jaunes (2,16 ; assez loin derrière Monaco, 2,37). En 2017-2018, ils étaient la troisième équipe la plus avertie (derrière Toulouse et Nice), mais une de celles qui avaient subi le moins d'expulsions. C'était même, et enfin, en 2016-2017, l'équipe avec le plus petit nombre de rouge (un seul) et « seulement » la septième avec le plus de jaunes (1,84/rencontre).
En valeurs absolues, sur les cinq dernières saisons, il faut, en revanche, dire que personne ne fait pire que Marseille : 344 jaunes et 19 rouges - dont 4 pour un second avertissement - en 155 journées de Ligue 1. Loin devant Lyon (273 + 19) ou Paris (266 + 19), par exemple. Si l'on ramène ces données au nombre de matches disputés, les Marseillais ont le troisième plus mauvais bilan (2,3 cartons/match), derrière Lens (2,7) et Bastia (2,4), deux écuries qu'on a bien moins vues dans l'élite ces derniers temps. Seul Toulouse (2,3 également, en 142 rencontres) rivalise réellement.
Que retenir de ces statistiques ? Déjà, elles montrent, sur la base brute des cartons reçus, que l'OM a souvent - et de plus en plus - fait partie des clubs les plus avertis du Championnat depuis 2016-2017, avec ce pic actuel en 2020-2021. Le bilan est plus contrasté au niveau des expulsions. Villas-Boas a en partie raison dans sa remarque et dans les faits, et sur son mandat notamment, mais il n'est pas juste dans son analyse à propos de ses prédécesseurs.
Ensuite, comment le vérifier, au-delà des chiffres ? Cela consisterait à visionner les sanctions une à une, dans leur contexte, et, parfois, remettre en cause l'interprétation des arbitres. La réalité du terrain diffère toujours. À partir de quel moment, s'il en existe un, faudrait-il penser qu'une formation, Marseille en l'occurrence, est défavorisée dans ce domaine ? Les officiels sont-ils devenus plus sévères ? Moins pédagogues ?
« Ils ont tendance à distribuer des avertissements très tôt dans les matches, parfois même dès le premier quart d'heure, regrettait déjà « AVB » fin octobre. C'est exagéré et cela se fait au détriment du dialogue. » L'OM a, en effet, été sanctionné de 7 avertissements dans le premier quart d'heure depuis août. Le nombre de cartons reçus peut aussi refléter une trop grande agressivité, un manque de maîtrise, de la maladresse ou une tendance à râler des joueurs (et du staff). Il ne faut pas oublier, non plus, que Marseille a écopé de sept jaunes et deux rouges au Parc des Princes (1-0, le 13 septembre), ce qui biaise un peu le calcul.
Ce qui est certain, c'est que, comme l'a déjà affiché le club phocéen sur ses médias jeudi, l'OM est l'équipe de L1 la plus souvent pénalisée cette saison. C'est-à-dire qu'elle a reçu un carton toutes les 4,2 fautes. Mais, sur les cinq dernières saisons, elle est quatrième de ce classement, derrière notamment Nice (pour un volume comparable).
Pour cette année, cela ne semble pas lié à la tenue du ballon, puisque les Marseillais n'affichent cette saison que la huitième possession moyenne (50,3 %). D'ailleurs, quand ils avaient une meilleure possession (55,6 % en 2016-2017, par exemple, quatrième meilleure moyenne), ils n'étaient sanctionnés d'un carton que toutes les 7,3 fautes. Preuve que les raisons de ces hausses et baisses sont multiples, diverses et compliquées à saisir, dépassant le dilemme entre simple coïncidence ou véritable acharnement...