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André Villas-Boas ressemble peu à son mentor José Mourinho
Le 30/05/2019, mis à jour le 30/05/2019 à 00:05
Régis Dupont
Le nouvel entraîneur de l'OM, ancien membre du staff de José Mourinho, ressemble assez peu à son mentor, dans le management comme dans le jeu.
Il a écrit une partie de sa légende avant d'avoir le droit de vote, a fait gagner une Coupe d'Europe à des joueurs plus vieux que lui et arrive à Marseille pour relancer sa carrière d'entraîneur à un âge où la plupart des entraîneurs n'en sont qu'au début. On ne peut évoquer André Villas-Boas sans s'arrêter sur cette précocité qui est sa marque. Sans rappeler l'acte originel : ce jour où l'adolescent de seize, dix-sept ans, fan du FC Porto, ose déranger son voisin des beaux quartiers de la ville, Bobby Robson. Il lui reproche de trop peu utiliser l'avant-centre Domingos Paciência. L'argumentaire, appuyé sur des statistiques précises, intrigue suffisamment Robson pour qu'il l'intègre au sein des formateurs du club (l'attaquant retrouvera d'ailleurs, les mois suivants, une place de titulaire).
La vie de Villas-Boas a basculé. Il entre, encore mineur, au centre de la Fédération anglaise de Lilleshall, transite en Écosse et à Ipswich pour obtenir ses diplômes d'entraîneur, son expérience exotique de directeur technique des îles Vierges britanniques complète son cursus. Tout va très vite pour ce fan de course automobile, qui a participé au Dakar 2018, et tout s'accélère encore lorsqu'il croise le chemin de José Mourinho sur les bords du Douro. Il devient les yeux et les oreilles du futur « Special One », au FCP puis à Chelsea (2004-2007) et à l'Inter Milan (2008-2009). Comme son mentor à ses débuts, AVB impressionne par la qualité de ses observations de l'adversaire, détaillées et précises à l'extrême.
Un parcours qui semble au début calqué sur celui de Mourinho
L'ambition l'a poussé à quitter l'ombre. Comme son mentor, il est très ambitieux. Et la rupture intervient en 2009. « Je faisais partie de son staff mais je n'ai jamais été son adjoint, rappellera-t-il dans une interview accordée à L'Équipe, en 2013. C'est l'une des raisons pour lesquelles on s'est séparés. Je pensais pouvoir lui donner beaucoup plus, mais il ne sentait pas le besoin d'avoir quelqu'un à côté de lui. Donc j'ai décidé de m'émanciper et de penser à ma carrière. » Depuis, chacun évite de trop parler de l'autre. Une manière de confirmer la fraîcheur de leurs rapports.
Son émancipation actée, Villas-Boas cherchera à affirmer sa différence. Il n'y parviendra qu'à moitié. Son parcours semble d'abord calqué sur celui de Mourinho : après une excellente première saison dans un club modeste (l'Académica Coimbra pour AVB, Leiria pour le « Special One »), il migre à Porto, en 2010. Un an plus tard, grisé par un exercice presque parfait avec les Dragons (triplé Coupe, Championnat, Ligue Europa), il pousse le mimétisme jusqu'à signer à Chelsea, contre une indemnité de 15 millions d'euros, un record pour un entraîneur. Quelques semaines après avoir évoqué son poste à Porto comme « le travail de mes rêves. J'espère le garder de nombreuses années », il se renie et cède à l'offre vertigineuse de Roman Abramovitch.
Mais, à trente-trois ans, tout lui sourit encore. Son Porto a été « celui qui a pratiqué le plus beau football au cours des vingt dernières années », rappelle André Monteiro, qui a suivi de près pour le quotidien Record cette saison enchantée, durant laquelle les Dragons n'ont pas perdu en Championnat (27 victoires, 3 nuls) et ont enflammé la Ligue Europa (17 buts pour le seul Falcao). Un Porto plus endiablé que celui de Mourinho, à l'image de cette demi-finale aller de C 3 contre Villarreal : le FCP aurait pu être mené de plusieurs buts, avant de tout renverser (5-1). Plus représentatif, sans doute, de la fameuse « périodisation » tactique enseignée par l'universitaire Vitor Frade : un 4-3-3 ambitieux, qui impose ses idées avant de contrarier celles des autres.
«Il est arrivé jeune, peut-être trop jeune, avec un palmarès déjà étoffé, et il a pu être maladroit, sans doute, dans ses façons de faire»
À Chelsea, justement, AVB pense pouvoir appliquer ses préceptes aussi rigoureusement, alors qu'il est venu avec seulement deux adjoints et qu'il dirige un vestiaire rempli de dinosaures. C'est l'accident industriel. « Il est arrivé jeune, peut-être trop jeune, avec un palmarès déjà étoffé, et il a pu être maladroit, sans doute, dans ses façons de faire, se souvient Christophe Lollichon, l'entraîneur des gardiens du club londonien. Il est arrivé plein d'ambition et il aime dire les choses clairement. Mais des Terry, Lampard, Drogba ou Cech, vous ne pouvez pas les attaquer frontalement. »
Il est remercié après un huitième de finale aller de Ligue des champions perdu à Naples (1-3), quatre mois avant le tir au but de Didier Drogba qui a offert aux Blues la première C 1 de leur histoire. Ni sa première saison plutôt réussie à Tottenham (5e du Championnat, en 2013) ni ses mandats à Saint-Pétersbourg (2014-2016) ou à Shangai SIPG (2016-2017) n'ont levé les doutes nés à Chelsea. Après Tottenham, il subira les critiques de William Gallas et Benoît Assou-Ekotto (« Il est très con », a jugé ce dernier sur RMC Sport). À quarante et un ans, Villas-Boas n'a paradoxalement plus l'éternité devant lui. L'un de ses derniers messages sur les réseaux sociaux, pour célébrer « la plus grande joie » de sa carrière d'entraîneur, le titre national obtenu sur la pelouse de Benfica le 3 avril 2011, rappelait cette évidence : le sommet de sa carrière date de huit ans, déjà.
L’Equipe