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La force de l’ombre
Discret et méconnu, le directeur général adjoint juridique de l'Olympique Lyonnais est souvent considéré comme le personnage le plus important du club derrière Jean-Michel Aulas, son président, qui lui témoigne une confiance totale. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
BILEL GHAZI (avec M. Gr.) LYON – « Il est intransférable. » Prononcés par Jean-Michel Aulas, ces mots résonnent étrangement. Bannie ou presque du langage du président lyonnais, qui aime rappeler qu'il ne retient jamais un joueur contre son gré, l’expression ne concerne pas l’un de ses éléments à crampons. Dans l’institution établie par « JMA », Vincent Ponsot est un pilier. Sûrement le plus important derrière le « boss ». Directeur général adjoint juridique, l’homme de quarante-trois ans est de tous les dossiers, toutes les décisions ou presque. Il est celui qui régule, négocie, applique, analyse et contrôle. Omniprésent en coulisses et très discret lorsqu’il en sort. « Dans le milieu, il est identifié et redouté pour ses compétences, apprécie Aulas. C’est sûrement le meilleur juriste du football français et je ne pense pas trouver de positions contradictoires à ce sujet. »
Méconnu du grand public, Vincent Ponsot est devenu incontournable à l’OL, où il est arrivé en 2009 en provenance des services juridiques de la Ligue de football professionnel (LFP), comme pour les interlocuteurs du club. À l’exception des journalistes. Volontairement distant avec les médias, l’homme cultive même une froideur qui rend toute approche vaine. « Cette attitude, je l’adopte uniquement par protection de ma fonction », consentait-il en substance, il y a quelques mois, comme pour s’en excuser.
Au cœur des négociations de contrats ou de partenariats, impliqué dans le développement à l’international de l’OL, du football féminin ou du centre de formation, et toujours en première ligne lorsqu’il faut défendre les intérêts de son club devant les institutions, l’homme a bâti sa réputation sur sa parfaite maîtrise des textes. La pertinence comme l’efficacité de ses lignes de défense ont même sorti Lyon de suffisamment de mauvaises passes pour alimenter, chez certains, la suspicion d’un club qui bénéficierait d’une supposée indulgence. « Quand certains nourrissent le doute erroné d’un club protégé, je vois surtout quelqu’un de trop performant devant les commissions de discipline », oppose Aulas. « Aucun club n’est probablement aussi bien défendu que Lyon, estime un membre de la LFP. Par sa droiture, il force même le respect de ceux qui peuvent s’opposer à l’OL. »
“Quand il dit quelque chose, c’est comme s’il l’avait écrit. Dans l’époque où on vit, ça vaut de l’or
FRÉDÉRIC GUERRA, agent de joueurs
Travailleur acharné, il lui arrive souvent de « fermer » le stade quand il n’y passe pas des nuits blanches. Notamment en période de mercato, un des domaines où il a bâti sa réputation. Dans l’année, seules deux semaines l’éloignent du club. Une passée à l’étranger pour une coupure familiale – il est marié et père de deux filles – et l’autre au ski. « Il fait partie de ces personnes disponibles jour et nuit, apprécie Bruno Genesio, l 'entraîneur lyonnais. Il est impliqué à 100 % dans sa fonction. C’est quelqu’un de calme, avec beaucoup de recul et de sang-froid. »
Également directeur des ressources humaines d’OL Groupe, dont il est le seul non-administrateur autorisé à siéger au conseil d’administration, Vincent Ponsot jouit même d’un « droit » rare dans le milieu. « Il a cette capacité à cadrer le président avec assez de fermeté pour être entendu, mais également assez de forme pour ne pas l’offusquer, sourit un membre du club. Je pense que très peu ont la méthode pour se le permettre dans le milieu. Si ce n’est personne. »
Sur le sujet, « JMA » corrige la forme, mais ne dit pas autre chose sur le fond. « Sa crédibilité fait que je l’écoute, nuance le président lyonnais. L’ambition que je nourris pour mon club m’incite à être extrêmement innovant et à prendre des risques. Vincent m’évite de commettre des bêtises concernant le respect du droit et me permet de respecter à la lettre le règlement sans rester statique. Il est là pour ça : pour faire et empêcher de faire ce qui n’est pas admis. »
Dans l’entourage des joueurs, certains en ont déjà été avisés. Vincent Ponsot refuse, officiellement, de négocier avec les personnes qui ne sont pas détentrices de la licence ou, à défaut, ne sont pas accompagnées d’un avocat. « C’est quelqu’un de très droit qui se veut irréprochable, explique Frédéric Guerra, agent lyonnais. Il a une intégrité hors normes et une discrétion qui inspire. Et quand il dit quelque chose, c’est comme s’il l’avait écrit. Dans l’époque où on vit, ça vaut de l’or. » Lors de la conclusion du transfert de Moussa Dembélé dans les dernières heures du mercato, le 31 août, Ponsot a ainsi exigé, malgré l'urgence, qu'un agent possédant une licence en France soit présent pour finaliser le dossier, ce qui n'était pas le cas des représentants de l'international Espoirs.
“Le jour où il voudra acheter un joueur à Nice, il sera bien reçu aussi, ne vous inquiétez pas
Julien Fournier, directeur général du gym
Mais cela ne protège pas de toutes les zones grises. En juin, l'OL a ainsi été assigné devant la commission des agents sportifs de la FFF par l'ancien représentant de Ferland Mendy, Laurent Menestrier, qui reproche au joueur et à Lyon de ne pas avoir respecté le mandat qui le liait selon lui à l'ancien Havrais, au moment de son départ du HAC, en juin 2017 (*).
Originaire de Toulon, Ponsot y possède un restaurant. Cet amoureux du rugby et du RCT, dont il a été salarié, s’interdit toutefois de s’épancher sur le sportif, même si Bruno Genesio pense « qu’il a une vraie culture foot ». Tout comme il laisse peu de prises sur qui il est dans la sphère privée, étanche par rapport à sa vie professionnelle. « C’est plus qu’un ami, raconte Julien Fournier, le directeur général de l’OGC Nice. On s’est connus à l’époque des soirées toulonnaises, nous étions à la faculté de Toulon, puis on a fait ensemble le DESS droit et économie du sport au CDES de Limoges. Malgré notre amitié, quand il bossait à la LFP ou maintenant dans les relations entre l’OL et l’OGCN, il ne me fait pas de cadeaux. Je me souviens de l’épineux dossier Ben Arfa, et de son passage de Lyon à Marseille, à l’été 2008, quand j’étais secrétaire général de l’OM. Lyon nous avait donné un accord par écrit pour le transfert, puis s’était rétracté et avait demandé plus d’argent. L’affaire a été portée devant la commission de discipline, il instruisait le dossier pour la LFP, il a été impitoyable. Pour (Alassane) Pléa en 2014 ou dernièrement (Myziane) Maolida, je savais qu’il serait une barre de fer dans les négociations. Mais le jour où il voudra acheter un joueur à Nice, il sera bien reçu aussi, ne vous inquiétez pas ! » Ponsot ne devrait pas s’en offusquer.
(*) En avril 2017, Ferland Mendy avait résilié unilatéralement ce mandat : « J'étais sans nouvelle de lui depuis six mois, expliquait-il à « L'Équipe » le 12 septembre. (...) J'avais découvert qu'il travaillait avec des gens qui n'avaient pas le droit d'être agents sportifs en France ». Laurent Menestrier a aussi assigné l'OL devant le tribunal de grande instance de Lyon, qui examinera l'affaire début décembre.