Information
Ça sent le roussi. L'OM, naguère vecteur de rassemblement et d'enthousiasme, est devenu sujet de moquerie et de morosité. Il y a un an, résonnait ce chant : "Jean-Michel Aulas, on va tout casser chez toi !". Aujourd'hui, le président lyonnais a cassé lui-même une partie de sa vaisselle, mais il a de grandes chances de retourner en Ligue des champions, alors que l'OM va sans doute se résoudre à limiter sa saison prochaine à la France.
Un club qui s'est mué en escadron de pyromanes ayant brûlé l'acquis de la saison dernière, le statut de finaliste européen, l'enthousiasme, l'espérance. Pour constater, tout penauds, les dégâts d'une défaite contre Nantes, qui, comme Angers ou Bordeaux, ne nourrit d'autre ambition que de finir honorablement. Honorablement, un adverbe devenu rarissime dans le paysage olympien, depuis un recrutement raté jusqu'au divorce avec les supporters et au futur éparpillement d'un effectif à bout de souffle.
Les ambitions ont rétréci au fil des mois. Celle de finir deuxième et de se qualifier pour la Ligue des champions s'est vite muée en possibilité de finir troisième et d'arracher le ticket en barrages ou en comptant sur le règlement. Et puis, finalement, quatrième, à défaut de Ligue des champions, ça permettrait d'exister en Ligue Europa. Et pourquoi pas cinquième si le PSG gagne la coupe de France ? Le PSG a perdu et les supporters de l'OM n'auront peut-être même pas à regretter cette occasion perdue, ils pourront savourer le petit plaisir de la défaite parisienne, en imaginant que même la cinquième place finira par échapper au club marseillais.
Retour sur les diverses raisons d'une saison ratée.
UN EFFECTIF installéet pas assez renouvelé
La stabilité a souvent du bon, elle est le socle des bâtisseurs. À condition de maintenir les hommes au même niveau. Dans le passé, plusieurs saisons ont démarré avec des groupes de joueurs quasiment identiques à ceux d'avant. À l'arrivée d'Alain Perrin, Élie Baup ou Marcelo Bielsa. Mais ces joueurs-là avaient soif de revanche après un exercice raté et certains ont été transfigurés. À l'inverse, l'OM champion de 1989, 90, 91, 92, a toujours été largement remodelé pour injecter des ambitions nouvelles, éviter de voir des joueurs s'endormir dans leur confort. Si l'OM n'avait rien gagné l'an passé, la finale européenne, puis l'aventure en coupe du monde de plusieurs cadres les a installés. Trop pachas et passez morts-de-faim.
Le recrutement n'a pas non plus démontré de capacité à trouver des pépites comme Boksic, Mandanda, Valbuena (ou, chez les voisins, Pépé, Ndombelé, Terrier, Mollet...), des révélations, des coups, ce que Radonjic n'est pas parvenu à devenir. Ce que l'on pensait Zubizarreta capable de faire avec de petits Espagnols. Et comme Strootman n'a pas justifié son prix comme avaient pu le faire Waddle ou Lucho Gonzalez, c'est que le mode de fonctionnement du club, la prééminence des choix en matière de recrutement est un échec. Un gros échec, en dépit de la réussite finale de Duje Caleta Car.
Le fantôme du grantaTAkan
Inutile d'ironiser sur le terme "grantatakan". On a vu la différence, depuis l'arrivée de Mario Balotelli entre un OM avec un avant-centre et l'OM avec Mitroglou, gros flop du recrutement de l'été 2017. Mais aussi 2018, car il aurait fallu s'en débarrasser plus vite.
Rien ne dit que le Balotelli de l'été aurait été aussi efficace que celui de l'hiver. Mais il n'était pas seul au monde et l'absence de numéro 9 a fait du mal à Valère Germain, trop souvent maltraité par le public et elle a trop fait reposer sur les épaules de Thauvin la responsabilité de marquer des buts. Il n'y a pas gagné au change dans son jeu. Et le même problème va se poser encore en juin...
L'effet néfaste de la coupe du monde
Situons aisément à Nîmes le péché originel de cette saison. Lors de la deuxième journée, Rudi Garcia fait le mauvais choix de titulariser à la fois Mandanda, Rami, Caleta Car et Thauvin, tous plus mauvais les uns que les autres, malgré le but de ce dernier. Certes, il fallait bien les faire rejouer un jour, mais tous d'un seul coup, c'était trop car la coupe du monde n'avait pas été digérée. Rami ne l'a jamais digérée d'ailleurs. Et le jeune Croate, complètement paumé ce soir-là, a mis six mois à s'adapter. On peut se demander aussi si Payet a surmonté sa déception de ne pas avoir été de l'aventure. Sans cet objectif, il n'a jamais retrouvé l'allant qu'il avait entre février et mai 2018...
les tergiversations de garcia sur sa charnière centrale
Ce match de Nîmes a aussi pointé le doigt sur le point névralgique de l'équipe olympienne : sa charnière centrale. Et le manque de renouvellement d'un effectif où trop de joueurs n'ont servi absolument à rien. Dès la préparation où Abdennour et Hubocan ont affiché leurs limites bien connues, le problème a été posé, sans les Mondialistes ni Rolando, relevant d'une opération au tendon d'Achille. Rudi Garcia a trop travaillé dans l'illusion que Rami reviendrait, que Rolando allait stabiliser l'ensemble, que Caleta Car apprendrait avec eux.
La faillite du duo de l'an passé s'est accompagnée des replacements permanents de Luiz Gustavo derrière, pour donner du corps, de l'expérience, du talent et régler aussi des problèmes de concurrence au milieu. Or, le Brésilien s'est perdu dans ces va-et-vient, souvent doublés de modifications tactiques avec une défense centrale à trois. C'est par défaut que la meilleure formule a été trouvée avec Kamara-Caleta Car, qui ne représentent pas que l'avenir mais aussi le présent. Trop tard pour rattraper le temps perdu. D'autant que ce choix s'est accompagné de la mise à l'écart de Luiz Gustavo d'abord sur blessure, puis délibérément. Une erreur. Pour d'autres, le banc se justifie encore aujourd'hui. Pour lui, c'est un regret d'autant plus grand qu'il a toujours été irréprochable dans l'esprit.
D'autres joueurs ont semblé payer un statut instable, comme Sanson, de moins en moins efficace. À l'inverse, Lopez n'a jamais été aussi bon que lorsqu'il a enchaîné les matches.
La faillite des cadres
Voir à la fois Rami, Payet, Strootman et Luiz Gustavo sur le banc en mars, c'était à la fois un signe fort de la part de l'entraîneur mais aussi la preuve que des erreurs ont été commises dans la gestion de l'effectif.
Certes, les recrues n'ont pas été transcendantes, mais les cadres supposés n'ont surtout pas été à la hauteur. Certains matches ont démarré avec une équipe sans recrue et ce n'était pas mieux. Outre Payet et les Mondialistes, avec un Thauvin dont l'efficacité s'est tarie depuis janvier, même Sakai ou Ocampos n'ont pas été aussi bons entre août et décembre qu'ils le sont aujourd'hui. Eux ne sont pas au bout du rouleau, d'autres oui. L'élimination en coupe de la Ligue, avec les tirs au but ratés de Rami et Payet a été le symbole de cette faillite, même s'ils ont eu le courage de tirer, ce que n'a pas eu Verratti en finale de la coupe de France par exemple. Mais ceux qui, il y a un an, tiraient l'équipe vers le haut, l'ont trop souvent tirée vers le bas.
huis clos de malheur
C'est probablement à Lyon, en finale de la Ligue Europa l'an passé que l'OM a consommé son élimination au premier tour quelques mois plus tard. La sanction de matches dans un stade à huis clos a plombé l'aventure dès le départ contre Francfort. Certes, l'OM menait aussi 2-0 à Limassol, avec du public, avant de faire 2-2 ; et auparavant, 1-0 face aux Allemands avant de perdre. Mais l'apport du public avait été si important lors des matches à élimination directe que le contraste a pesé lourd. Peut-être que l'OM avait eu tout simplement de la chance en 2017-2018, de se qualifier à Konya, mais la dynamique européenne avait entraîné tout un club vers le haut. La noyade de l'automne dernier l'a asphyxié.
LA communicatioN MALADROITE DE JACQUES-HENRI EYRAUD
Quand des joueurs apprennent par voie de presse, dans la bouche de leur président, que la porte est ouverte, qu'on ne les retiendra pas, ils ne s'en trouvent pas vraiment surmotivés pour finir la saison en boulet de canon et qualifier leur équipe pour une coupe d'Europe qu'ils joueront peut-être ailleurs. On a noté depuis fin mars, plus de comportements individualistes et un éparpillement mental. Certains ne sont plus tout à fait là, tout en annonçant qu'ils se battront jusqu'au bout et qu'ils ne lâchaient pas l'entraîneur. Auront-ils encore le temps de le prouver ?
Quand ça sent le roussi, c'est sans doute déjà trop tard.
La Provence