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Argentine : Gallardo, Coudet, Heinze, Beccacece, le carré d’as
Nombreux sont les entraîneurs argentins à avoir marqué nos esprits. De Menotti à Sampaoli en passant par Simeone, Pochettino, et Bielsa. La liste étant interminable nous vous laissons le plaisir d’ajouter les grands noms qui vous viennent à l’esprit. Dans le football local, la Superliga, et à force de travail et de conviction, de jeunes entraîneurs attirent les regards en imposant leur style. Et si l’Argentine sortait de la crise par le jeu.
Marcelo Gallardo, la synthèse
Le premier d’entre eux est Marcelo Gallardo. Incontournable en Argentine et sur le continent. El Muñeco s’est construit un palmarès incroyable, neuf titres en seulement quatre ans : deux Copa Argentina, une Supercopa Argentina, une Copa Sugura Bank, une Copa Sudamericana, deux Recopa Sudamericana et surtout deux Copa Libertadores dont la dernière face à son meilleur ennemi, Boca. À coup sûr, Napoleón aura droit à une statue ou à une tribune (voire le stade) à son nom. Mais plus que les titres, c’est le style Marcelo Gallardo qui marque. Un amoureux du beau jeu à la tête d’une équipe qui en a produit tout au long de son histoire, les Millonarios ne pouvaient rêver mieux. Son travail se base sur un jeu de possession, très technique et tourné vers l’avant, il est de ce fait dans l’ADN du club. Mais la grande qualité d’el Muñeco, ce qui le rend unique, est sa capacité à s’adapter à son adversaire, à le surprendre, à le déstabiliser constamment. Quand les circonstances l’y obligent, Marcelo Gallardo n’hésite pas à abandonner le ballon pour s’appuyer sur une défense solide et placer des contres assassins, sans jamais perdre de vue son identité footballistique. Ses joueurs ont acquis la faculté à changer d’organisation et de plan plusieurs fois par match, leur permettant de trouver de nouvelles solutions et de débloquer des situations. Marcelo Gallardo a construit une équipe caméléon, à la fois joueuse, équilibrée et pragmatique. Pour résumer, Marcelo Gallardo est l’aboutissement d’une greffe impossible entre menottisme et bilardisme qui réconcilierait enfin toute l’Argentine. Aucun doute, Marcelo Gallardo est bien le maître des tables de jeux sud-américaines. Une fois rassasié, il se laissera certainement convaincre par une offre européenne et écrira très certainement, un jour, un nouveau chapitre à la tête d’une sélection qui l’attend.
Eduardo Coudet, le Simeone offensif
Bien moins médiatisé en Europe, Eduardo Coudet est lui aussi un entraineur séduisant en Argentine, où il occupe la première place cette saison avec le très bon Racing. Sa réussite actuelle prouve que ses premiers pas comme entraineur à Rosario Central n’avaient rien à voir avec la chance d’un débutant. Car ce Chacho Coudet n’est plus une surprise tant la ressemblance entre ses performances à Avellaneda et son travail à Central est frappante. Le jeu offensif proposé est une merveille. L’ancien joueur de River Plate semble aimer asphyxier ses adverses par des vagues qui submergent toutes les défenses sur leur passage. Un schéma tactique audacieux en 4-1-3-2 avec des latéraux qui participent aux assauts et trois milieux très offensifs. Chacho vit les matchs intensément, il donne tout depuis la ligne de touche où il se mue en douzième joueur. Une excitation qui nous rappelle un autre entraîneur aux liens étroits avec le Racing, un certain Diego Simeone. Chacho est une sorte de Cholo à tendance offensive. Il est du genre à faire tapis avec deux pauvres cartes, mais par son attitude, il obligera certainement tous les joueurs autour de la table à se coucher. N’attendez pas de lui qu’il se calme, à dix journées du terme de la Superliga, l’ancien Canalla compte bien glaner son premier titre comme entraîneur.
Gabriel Heinze, le nouveau Bielsa
Impossible de ne pas mentionner Gabriel Heinze quand on évoque les jeunes entraîneurs qui réussissent en Argentine. Son Vélez est une magnifique surprise. El Gringo avait déjà attiré les curieux lors de ses débuts à Mendoza en débutant sa carrière de coach sur le banc de Godoy Cruz. Des débuts compliqués qui ne pouvaient laisser espérer une carrière dans ce nouveau rôle. Mais Gaby a de la ressource et a su rebondir en 2016 en prenant les commandes d’Argentinos Juniors alors en Primera B Nacional (deuxième division). Son arrivée est marquée par un manque de soutien (pour ne pas dire plus) de la part de dirigeants comme des hinchas. Ceux-ci n’acceptant pas que le destin de leur club soit confié à un entraîneur sans expérience et qui sort d’un échec à Godoy Cruz. Les débuts sportifs sont eux aussi compliqués. Heinze doute, peu de points au classement, une hinchada réfractaire et une relation qui se dégrade avec le président Malaspina. Mais vous connaissez le caractère du Gringo Heinze, peu importe ses cartes, il ne se couche jamais. Tout au long de sa carrière de joueur, il a toujours supporté la pression et ce n’est pas les insultes reçues à Argentinos qui le feront plier. Petit à petit, avec les premiers résultats positifs, les insultes laissent place à une affection de la part du public. Car c’est bien à ce moment que le style Heinze s’impose aux yeux des observateurs. Un jeu alléchant mêlant les nombreuses passes aux attaques en nombre (n’hésitant pas à finir les actions avec sept joueurs), une grande confiance accordée à ses jeunes qu’il connaît parfaitement et qu’il prépare au haut niveau grâce un travail rigoureux. Gabriel Heinze terminera son expérience à la Paternal en faisant remonter le Bicho en Primera au terme d’une saison 2017 maîtrisé de bout en bout (meilleur attaque, meilleur défense, plus grand nombre de but marqués). Les doutes laissés derrière lui, c’est fort de certitudes que Gaby Heinze rejoint Vélez. Une première Superliga d’adaptation, le temps de prendre ses marques et le voici, cette saison, à la cinquième place du classement avec l’une des équipes les plus jeunes du championnat. Son équipe type compte cinq joueurs de moins vingt-deux ans. Plus encore, l’ancien joueur de l’OM ou du PSG, fait régulièrement appel au jeune Thiago Almada, auteur de trois buts en neuf matchs à dix-sept ans. Le jeu technique de son équipe, fait de relances propres, d’une grande verticalité, d’une intensité constante et d’enthousiasme, sublimé par la célèbre garra d’Heinze, a attisé l’intérêt des concurrents. A la recherche d’un remplaçant à Guillermo Barros Schelotto parti aux Los Angeles Galaxy, Boca Juniors a sondé l’ancien joueur du Real Madrid et de Manchester United, mais celui-ci a immédiatement déclaré qu’il souhaitait rester du côté de Liniers jusqu’en juin 2019, date de la fin de son contrat. Les dirigeants d’el Fortín, convaincus de la qualité de son travail, ont six mois pour le convaincre de prolonger l’aventure. Dans le cas contraire, les offres devraient rapidement arriver entre les mains d’el Gringo. Sur quel continent s’écrira son avenir immédiat?
Sebastián Beccacece, la nouvelle vague
Dernière carte à jouer, celle de Sebastián Beccacece. Si Defensa y Justicia, avec des moyens plus que limités, se retrouve à la deuxième place de la Superliga cette saison, c’est forcément que son entraineur réalise des miracles. Car il est fort à parier que l’ensemble des joueurs composant son équipe vous sont inconnus. Et pour cause, si certains membres de l’équipe sont aujourd’hui courtisés par les géants d’Argentine, c’est avant tout au travail du Kurt Cobain du ballon rond qu’ils le doivent. BKCC n’a pas une grande carrière de joueur derrière lui. Latéral sans grand talent, il se consacre rapidement au métier d’entraineur. C’est ainsi qu’il devient, à seulement vingt-deux ans, l’assistant d’un entraineur ambitieux, un certain Jorge Sampaoli. Beccacece restera longtemps fidèle à Sampa, c’est grâce à ce dernier qu’il est entré dans le monde fermé du football professionnel. Il sera son assistant au Pérou, en Equateur puis au Chili où ils seront courronnés de titres à la tête de l’Universidad de Chile comme de la sélection. Les premières tensions entre le maître et son poulain naissent avec la sélection argentine pendant le dernier mondial en Russie. Le binôme est en désaccord sur la manière de rectifier le jeu d’une sélection d’Argentine sans repère. Assistant c’est bien, mais entraineur principal c’est mieux. C’est avec cette idée en tête que Sebastián Beccacece, fort de son expérience auprès de Sampaoli, aborde son futur. Si son bizutage sur un banc se déroule à la U de Chile c’est bien du côté de Varela qu’il affine son style. Un savant mélange entre Sampa et Marcelo Bielsa. Si le personnage est moins exubérant que ces confrères, il reste plus excité que la moyenne (ça doit être dans les gènes argentins). Son travail à la tête de Defensa est incroyable. Son équipe joue avec une intensité folle, un jeu direct et souvent au sol, une prise de risque importante, des frappes lointaines, du jeu à une touche, des passes qui cassent des lignes. Le danger sur le but adverse est constant. Deuxième à dix journée de la fin derrière le Racing, Defensa compte bien tout donner pour s’offrir un titre inespéré. El Halcón a, parmi les clubs de haut de tableau, l’effectif le plus limité, mais comme au poker, le plus important est de savoir bonifier sa main et d’en tirer le maximum. Car même avec des cartes dépareillées et sans valeur, Sebastián Beccacece arrivera en faire une quinte flush.
Espérons que ces entraineurs, par leurs réussites, influencent la façon d’appréhender le football en Argentine. Qu’ils servent d’exemple aux autres équipes et qu’elles aussi proposent du jeu. C’est, sans doute, le meilleur moyen pour la sélection nationale d’avoir des joueurs de qualités dans ses rangs, à tous les postes, et prêts à jouer un football audacieux. Certes, il n’y a pas de recette miracle pour être couronné de succès mais mieux vaut tenter le all-in avec du jeu plutôt que de se faire déplumer sans idée.