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Bouna Sarr « On a perdu certains principes »
Au lendemain de la défaite à Lille, le latéral droit de l’OM analyse les maux de son équipe. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE MARSEILLE – Pas de silenzio stampa à l’OM. L’entretien était programmé depuis quelques jours et Bouna Sarr, conforté par le service presse et le staff, a honoré son engagement, débriefant avec tact et franchise la défaite à Lille, dimanche (0-3). Son équipe se voyait déjà en haut du classement, son jeu s’est flétri depuis plusieurs semaines, mais Sarr (26 ans) ne se laisse pas aller à la fatalité.
« À Lille, vous connaissiez la cavalerie adverse (Bamba-Ikoné-Pépé)… Il faut leur laisser le moins d’espaces possible, éviter qu’ils prennent de la vitesse. L’idéal est de les gêner sur leur pied fort, de les prendre à deux. On l’a plutôt bien fait jusqu’à ce premier but, qui les a libérés, ils nous ont alors posé de sérieux problèmes.
Latéral droit, comment avez-vous géré votre apport offensif ? Face à Bamba, qui défend plus que Pépé, à l’opposé, c’était difficile pour moi de monter. J’ai quand même eu plusieurs opportunités, qui ne se sont pas concrétisées, des centres pas forcément repris. C’est dommage.
Sur la fin, vous êtes impliqué sur les deux derniers buts. Ça fait chier. Tout est allé très vite, en cinq minutes. Je perds le ballon haut, dans leurs trente derniers mètres. J’effectue un dribble, je pense obtenir la faute sur une légère obstruction que certains arbitres vont siffler, d’autres non. Les Lillois se projettent très vite vers l’avant, obtiennent un penalty. Sur le troisième but, dans notre camp, ils font deux ou trois passes aux abords de notre surface, un ballon arrive dans mon dos, j’essaie de mettre mon corps en opposition, je ne vois pas spécialement le joueur (Ballo-Touré) venir, il gagne son duel physique et centre…
L’OM semble en rodage, pour le moins… Collectivement, on a perdu certains principes montrés la saison dernière. Il va falloir vite les retrouver, pouvoir s’appuyer dessus, et réussir à gagner ce type de matches. Cette année, on a montré une force de caractère pour revenir dans certaines rencontres (Rennes, 2-2, Monaco, 3-2, Strasbourg, 3-2). Ce n’est pas négligeable, mais on ne sera pas capables de le faire tous les week-ends, il faudra mieux gérer nos rencontres.
Quels sont ces principes ? On dit qu’on est moins bien défensivement. Mais il faut raisonner globalement, avant tout. Les quatre joueurs alignés derrière en début de match ont montré qu’ils pouvaient être très solides pendant une heure. On l’a moins été ensuite, mais ça part du collectif. Je ne parle pas des attaquants ou des milieux, je parle de cohésion : se déplacer ensemble, faire les efforts ensemble. Cela nous a manqué.
Connaissez-vous la place de l’OM au classement des défenses de L 1 ? Dernière, ou avant-dernière (devant Guingamp). Seize buts encaissés… c’est énorme. Et assez étonnant par rapport à ce que le coach veut nous enseigner. Il est très à cheval sur l’aspect défensif. Il nous dit toujours : “On commence un match à 0-0, et il faut mettre un but de plus que l’adversaire pour le gagner.” On doit rectifier le tir.
On voit parfois des défenseurs centraux livrés à eux-mêmes… Ils se déplacent en fonction des autres. Peut-être que les autres ne sont pas assez bien positionnés et que les centraux vont devoir réagir avec un comportement qui n’est pas forcément le bon. On en revient à la cohésion : on ne va pas forcément faire la bonne intervention car le coéquipier n’a pas le bon déplacement et ne va pas bien nous soutenir. On manque de liant entre défenseurs et milieux, entre milieux et attaquants.
“ Luiz Gustavo ? Il va être au top d’ici peu
Avez-vous eu des échanges constructifs dans le groupe depuis dimanche soir ? On a fait un point avec le coach, mais on savait sur quels points il insisterait. Cela fait un petit moment qu’on en parle, on prenait des buts avant Lille. Le coach connaît la qualité de son groupe, qui n’a pas été révolutionné cet été. Il sait de quoi on est capables. Si on est moins bons cette année, c’est tout simplement qu’on en fait moins. Il n’y a pas de secrets pour retrouver notre niveau. Il ne faut pas s’affoler. Chaque joueur doit garder confiance dans le groupe.
Vous n’êtes pas inquiet ? Je ne suis pas inquiet. C’est un grand mot. Mais je suis conscient de nos lacunes.
Après une saison dernière haletante, vivez-vous sur vos acquis ? On ne s’est pas endormis sur ce qu’on a pu produire en 2017-2018. Après, vu ce qu’il se passe et les buts qu’on prend, les gens ont tendance à penser le contraire. C’est une mauvaise passe. On manque de concentration. On est plus attendus, les gens ont plus d’exigence avec nous. Il faut tous en faire un peu plus. Se dire qu’on est l’Olympique de Marseille et qu'on n'a pas le droit de perdre un match. Un deuxième match de suite encore moins, alors un troisième… On reste sur trois défaites en quatre matches, le public est forcément mécontent.
Que pensez-vous de l’intégration des recrues ? J’ai le souvenir de Luiz (Gustavo), la saison dernière, au début, il a dû s’adapter, il a eu un match référence à Nice (4-2, le 1er octobre), puis contre le Paris-SG (2-2, 22 octobre), il a eu ce déclic. Il a lancé sa saison, et vous connaissez la suite. À titre personnel, les gens ont dû être patients avec moi, je ne vois pas pourquoi ils ne le seraient pas avec des recrues qui sont là depuis quelques semaines.
Votre ami Luiz Gustavo est en souffrance. Il est intelligent, responsable. Il rend service à l’équipe en évoluant derrière, mais le poste qu’il affectionne le plus, c’est au milieu. Le coach en a conscience aussi, mais il est obligé de faire comme ça aujourd’hui. Luiz voudrait mieux faire, je le vois, c’est un leader technique, dans la voix. Je le vois bosser, je ne suis pas inquiet. Il va être au top d’ici peu.
A-t-il esquissé un sourire depuis le stade Pierre-Mauroy ? Il n’était pas non plus fermé. J’arrive toujours à le faire sourire, car j’ai la clé. On a regardé les images du match ce matin, lui et moi, on a commenté certaines situations. Il est lucide. Il a conscience de ce que lui doit faire, et les autres joueurs aussi. Il m’a donné des conseils : “Bouna, tu faisais un très bon match, et tu le gâches, tu dois mieux faire sur la perte de balle sur le deuxième but, sur le troisième. Comme quoi, tout peut aller très vite en cinq minutes, on va juger ton match différemment. Tu dois apprendre et rester concentré la totalité d’un match.” »
L'Equipe