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Nicolas Pépé « Jʼai un plan de carrière »
Approché par Lyon cet été, l'international ivoirien, meilleur joueur lillois en 2018, a préféré prolonger sa progression dans le Nord. Un choix dont profite le LOSC en ce début de saison. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
JOËL DOMENIGHETTI CAMPHIN-EN-PÉVÈLE (NORD) – Jeudi, 14 h 15, ancienne salle de presse du Domaine de Luchin, autrefois réquisitionnée par Marcelo Bielsa pour ses séances vidéo. Nicolas Pépé (23 ans) vient de terminer son repas du midi et rompt plusieurs mois de silence médiatique qu’il s’était imposé « pour laisser couler et rester concentré » sur son travail. Souriant, détendu et attentif, l'attaquant lillois (23 ans), qui habite toujours avec ses parents, vit sereinement sa décision de ne pas avoir quitté le Nord cet été. Conscient des attentes qu’il suscite, l’ancien Angevin, recruté par Luis Campos en 2017, entend faire une grande saison avec le LOSC.
« Pensez-vous être dans la plus grande forme de votre carrière (4 buts) ? Disons qu’en termes d’efficacité, je suis sur une grosse progression. À un très bon niveau. Mais j’estime que je peux faire encore mieux.
Avez-vous ressenti une forme de plénitude dans le jeu lors de votre première période contre Nantes (2-1, le 22 septembre) ? À l’image du début de saison, j’étais en pleine confiance. Quand on arrive à marquer et à faire marquer, à produire des accélérations et des gestes décisifs, on évolue relâché. Mais c’est aussi une réussite collective. Parce que je reçois de bons ballons.
Mais vous êtes plus décisif, ce qui relève d’un registre plus individuel… Je suis un joueur de percussion. J’essaie assez souvent d’éliminer mes adversaires dans les trente derniers mètres.
Quelles raisons expliquent votre progression ? J’ai un peu plus de responsabilité. Je cherche en permanence la justesse dans mes derniers gestes. C’est ce qui fait cette force. Quand j’étais jeune, j’étais persuadé que je pouvais le faire. Parce que je réussissais les gestes que je fais à l’heure actuelle. Je suis donc dans la continuité.
Quand avez-vous su que vous pourriez devenir professionnel ? J’aimerais parler de deux personnes qui ont fait beaucoup pour moi. D’abord Philippe Leclerc, un ami de Stéphane Moulin (le coach d’Angers). Il est venu me voir en premier. Il a fait en sorte que j’arrive au SCO. Il m’a fait comprendre que j’avais le potentiel. J’étais à Poitiers. Je ne pensais pas au foot pro. C’est pour ça que j’ai du recul aujourd’hui. Mais je joue depuis tout petit. C’est ma passion. J’arrive donc à Angers. Je ne connaissais pas la formation. Je tombe sur le directeur du centre, Abdel Bouhazama. J’arrive avec une coupe de cheveux…
Un peu style branleur ? On peut dire ça (rires). Et la première fois que je vois Abdel, il me recadre directement. Pendant deux ans, il ne m’a pas lâché. Il m’a énormément apporté, surtout humainement. Je ne connaissais pas le monde du travail, ses contraintes. Ça me sert encore à l’heure actuelle.
“Ce peut être la L 1 ou l'étranger. Pour l'instant, je suis dans le projet lillois
On ne comprend pas toujours pourquoi le LOSC a autant changé cette saison… Nous avons la complicité que nous n’avions pas. De nouveaux joueurs sont arrivés. José Fonte, Rémy, Pied, Ikoné, Bamba. Jonathan, en plus, c’est un ami. Il connaissait déjà Ballo (Ballo-Touré), Soumaré (du PSG). Cela crée des liens. Avec Thiago Mendes et Thiago Maia, bien sûr il y a la barrière de la langue. Mais avec des signes, on arrive à bien rigoler et à nous rapprocher tous. La saison dernière, on ne gagnait pas. Cela crée des tensions. Les victoires donnent le sourire. Ça nous pousse à aller vers l’autre.
Vous aviez choisi depuis longtemps de rester à Lille. Pourquoi ? Je n’ai pas terminé ce que j’ai à faire ici. J’ai un plan de carrière bien défini. Malgré son offre (*), Lyon est normalement un club qui ne se refuse pas.
Eden Hazard, parti en 2012, avait dit qu’il ne quitterait pas Lille pour un autre club français. Vous êtes dans ce registre-là ? Ce n’est plus pareil aujourd’hui. Je ne suis pas dans cette optique. On verra. Ce peut être la L 1 ou l’étranger. Pour l’instant, je suis dans le projet lillois.
Quels sont vos objectifs personnels et collectifs ? On veut finir dans les dix premiers. Beaucoup disent que l’on peut être dans le top 5, le top 3. Mais on reste concentrés sur cet objectif. Sur le plan personnel, je veux faire beaucoup mieux que la saison précédente.
Bielsa vous faisait évoluer dans l’axe. Christophe Galtier à droite. Cette confiance explique-t-elle votre niveau ? Bielsa avait pleinement confiance en moi. Il essayait des systèmes différents. Il m’avait un moment remis à droite. Le coach Galtier m’a vraiment dit que j’évoluerai au poste où je pouvais exprimer le mieux mes qualités. Et pour le moment, ça fonctionne.
Est-ce aussi votre sentiment ? Oui. Au début de ma carrière, je jouais plus excentré côté gauche, avec des débordements puis des centres. Maintenant, je suis à droite, où je peux profiter de l’appel du latéral droit ou entrer vers la surface. Quand je suis plus à gauche, il est plus facile de lire mes intentions. Le défenseur va forcément bloquer mon pied gauche. À droite, si j’entre intérieur, je suis face au but sur mon pied fort. Le défenseur ne sait pas si je vais y aller ou à droite. Ou si je vais donner au latéral. Je travaille aussi la frappe du pied droit mais c’est compliqué.
La défaite à Bordeaux (0-1, mercredi) est-elle liée à un manque de maturité ? On doit apprendre à gérer les équipes qui jouent bas. Quand les Girondins ont ouvert le score, ils voulaient conserver le résultat. On a essayé de jouer rapidement vers l’avant. Il faut apprendre à être patient pour exploiter la faille.
Vous avez aussi amélioré le placement de vos pieds… J’ai bossé ma manière de courir. Je voulais et pouvais gagner en vitesse. Je cours un peu n’importe comment. Je continue à le travailler. Comme à surveiller ma nutrition, mon sommeil.
Que peut-on espérer du LOSC face à Marseille ? La victoire. À domicile, on est sur un très bon début (9 points sur 9). La saison passée, on avait perdu (0-1). C’est le bon moment pour les prendre. Ils encaissent beaucoup de buts (13 en 7 matches). Mais ils ont un potentiel offensif très important. C’est excitant de se comparer à des top players.
Avez-vous envie de confirmer ? Je ne suis pas obnubilé par le fait de rester dans la lumière. Je pense avant tout à l’équipe. Il y a déjà des cadres au LOSC. On a un champion d’Europe (le Portugais José Fonte). Ces joueurs expérimentés expliquent notre saison. En 2017-2018, on découvrait la L 1. Moi, c’était ma première saison pleine.
Avez-vous de bonnes ondes avant l’OM ? On a un signal, la défaite à Bordeaux. Ce sera peut-être un mal pour un bien. Si on y avait gagné, on se serait peut-être trop relâchés à Pierre-Mauroy. Là, on est en état d’alerte. »
(*) En fin de mercato, l’OL était prêt à miser 30 M€ sur lui.
L'Equipe