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C’ÉTAIT L’OLYMPI-CHAUD
Des incidents majeurs ont émaillé la dernière rencontre entre les deux Olympiques. Tout y était passé : claques, suspensions, appels et sorties virulentes des présidents Aulas et Eyraud. MATHIEU GRÉGOIRE ET HERVÉ PENOT
En ce dimanche 18 mars, Lyon se pointe au Vélodrome la tête en vrac, le moral fracassé par le passage du CSKA Moscou (2-3), le jeudi précédent, au Groupama Stadium. Une élimination en huitièmes de finale de la Ligue Europa, cinq points de retard sur l’OM : tout concourt à rendre saignant cet affrontement, d’autant que les supporters marseillais ont trouvé dans cet autre Olympique leur nouvel ennemi intime. Un face-à-face version boxeur, juste avant la pause, entre Rafael et Lucas Ocampos, deux Sud-Américains au sang chaud et au cœur de guerrier, confirme que ce n’est pas tout à fait une soirée comme une autre…
Le scénario, stressant, voit l’OL se relancer dans la course à la Ligue des champions, au bout du bout (3-2, Depay, 90e), alors que les Marseillais estiment qu’un hors-jeu de Kostas Mitroglou, sur l’action précédente, a été abusivement sifflé. Le juge de touche assumera totalement cette décision dont Rudi Garcia parlait encore en août dernier, estimant qu’elle avait changé la face du Championnat.
Revenons à la fin de cette rencontre, dans un stade incandescent et frondeur. Adil Rami et Marcelo se chauffent, et le Marseillais envoie bouler le Brésilien d’un coup d’épaule à quelques secondes du coup de sifflet… À peine la fin sifflée par M. Buquet, les véritables hostilités débutent. Mouctar Diakhaby, le remplaçant, veut en découdre avec Rami, avant d’être freiné par Ferland Mendy et Gérald Baticle, l’entraîneur adjoint de l’OL.
La gifle de Lopes, Mandanda retenu par Pelé
Luiz Gustavo et Mitroglou bloquent, eux, leur défenseur central, qui a entendu Diakhaby lâcher des jurons fort désagréables. Rani Berbachi, le robuste intendant marseillais, s’interpose. Ce champion de K 1, boxe pieds-poings, ne manque pas d’arguments mais a du mal à contenir la colère de Rami dans le couloir qui mène au vestiaire.
Marcelo, juste avant de quitter le terrain, montre son maillot au banc marseillais et au public. Début de la mêlée. Au pied de la tribune officielle, sous les yeux du président Jacques-Henri Eyraud, des dizaines de personnes s’agglutinent. Anthony Lopes, entouré de Grégory Coupet, l’entraîneur des gardiens, et de Chérif, le pendant de Berbachi à Lyon, gueule après avoir exfiltré Marcelo : « Calmez-vous ! » Puis il envoie une baffe à un intendant marseillais, Oualid Baaloul ! Ça explose en tribunes, où les gobelets contenant des breuvages en tout genre s’abattent sur le gardien. Dans le tunnel, l’échauffourée continue de plus belle, Steve Mandanda, en colère contre Lopes, doit être retenu par Pelé, sa doublure. Difficile de distinguer les coupables des victimes dans ce maelström.
La commission de discipline de la LFP, après plusieurs ajournements étonnants, se réunira finalement le 24 avril. Après avoir ébauché une stratégie de rapprochement, classique, avec l’OL pour des sanctions minimes, le directeur juridique de l’OM Alexandre Miahle, tout comme l’avocat Olivier Grimaldi, sont sommés par JHE de monter un dossier virulent. Aulas dénonce cette méthode en quittant les instances : « Je regrette une chose : c’est l’ambiance qu’a mise l’OM. D’une part, en communiquant avant un certain nombre de données démoniaques et surtout pendant d’avoir réclamé une rétrogradation des points acquis sur le terrain. Ils voulaient en fait préparer la fin du Championnat. » Le premier round tourne en faveur de l’OL, Lopes et Rami écopent chacun de trois matches ferme, Marcelo de deux rencontres avec sursis.
JHE fulmine. « La tactique de Lyon a été celle de deux écoliers pris en flagrant délit dans un coin de la cour de récréation après avoir eu des échanges un peu trop violents et qui finalement se mettent d’accord ensemble en disant au maître qu’il ne s’est rien passé. Ma tactique à moi était différente », détaillera le président de l’OM dans nos colonnes, le 28 avril, avant de prendre la posture de Zola dans l’affaire Dreyfus : « Pourquoi ? Parce que j’ai un collaborateur qui ne s’appelle pas Dimitri Payet ou Florian Thauvin ou Adil Rami, qui s’appelle Oualid Baaloul, quelqu’un de remarquable, qui s’est fait frapper au visage par le capitaine de l’Olympique Lyonnais. Oualid Baaloul, je ne l’ai pas acheté 30 M€, il est peut-être un peu moins important que Dimitri Payet sur la pelouse, mais Oualid Baaloul, mon collaborateur, s’il est frappé au visage par qui que ce soit, et encore plus le capitaine de l’équipe adverse, alors je vais aller jusqu’au bout pour le défendre. Jusqu’au bout. Il n’était pas question de mettre un mouchoir sur une situation et de ne pas rendre justice à Oualid. C’est une question d’éthique personnelle, de valeurs, et je suis fier d’avoir eu cette attitude. C’est ça la différence entre l’OL et nous. »
“À un moment donné, il fallait qu’il affronte Aulas
Un proche de Jacques-Henri Eyraud
L’OM fait appel, l’ensemble des faits sont rejugés par la commission de discipline de la FFF, et le verdict tombe le 7 mai, à deux journées de la fin d’un Championnat serré, irrespirable : Lopes prend cinq matches ferme, Marcelo et Diakhaby une rencontre ferme, Rami restant à trois. « Le résultat est incompréhensible, le club qui a fait appel est venu obtenir la pénalisation du club qui n’avait pas fait appel. Je suis très déçu, surpris et triste », souffle Aulas. Qui ne reste pas sans ressource. Son équipe travaille discrètement en demandant une conciliation au CNOSF, instance supérieure aux deux précédentes, qui est acceptée. Cette décision suspend la sanction contre Diakhaby. L’OL a remporté la belle ? Sur le papier. Sur le terrain, à Strasbourg (2-3), le défenseur coule, le club perd, sa seule défaite lors des dix derniers matches…
Dans les coulisses européennes, l’OM soupçonne aussi le boss de l’OL d’avoir intrigué pour que le club soit durement sanctionné par l’UEFA après les débordements en marge de la finale de la Ligue Europa, le 16 mai au Groupama Stadium (0-3 contre l'Atlético de Madrid). Comme ses prédécesseurs, Eyraud s’est aussi fait les dents : « À un moment donné, il fallait qu’il affronte Aulas , confie un proche. Il s’est vraiment mis en première ligne, il a poussé pour la réforme de la commission de discipline de la LFP, un sujet brûlant cet automne. » En public, les deux hommes disent n’avoir plus de griefs et chacun vante les mérites de l’autre. En attendant le prochain round.
L'Equipe