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Manchester United : Paul Pogba, de diable à ange rouge
Face à Huddersfield, Paul Pogba a réalisé une performance remarquable, inscrivant un doublé. En quelques jours, le Français a fait disparaître une partie de la défiance qui l'entourait.
Que ce soit en club ou en sélection, Paul Pogba présente une fascinante capacité à délivrer des prestations de haut vol au moment même où il semble au bord du précipice. Avant la dernière Coupe du monde, le milieu de terrain (25 ans) était ainsi critiqué pour son irrégularité en équipe de France, avant de mettre tout le monde d'accord, en s'affirmant comme l'un des leaders des Bleus en Russie.
Et voilà que, alors qu'il avait déjà contribué, avec deux passes décisives, à la promenade (5-1) des Red Devils à Cardiff samedi, il a de nouveau réalisé un doublé mercredi, mais de buts cette fois, face à Huddersfield Town, lors de la victoire de MU (3-1) à Old Trafford.
Or ce « double-double » intervient à l'issue d'une séquence où il avait aligné des matches cataclysmiques, au point d'être devenu la cible de consultants influents, à l'image de Jamie Carragher (« C'est le joueur le plus indiscipliné de tous les temps »). Dans la foulée, le Sun affirmait que le Français avait fanfaronné dans le vestiaire en apprenant le licenciement de José Mourinho, le 18 décembre.
Même si cette version des faits a été démentie depuis, l'image de « la Pioche » en avait grandement pâti outre-Manche, et ce même au sein des supporters de MU, dont certains le considéraient comme le responsable n° 1 du renvoi du Portugais. Dans un tel contexte, il n'avait d'autres choix que de briller avec son nouveau coach, Ole Gunnar Solskjær. Et c'est ce qu'il a fait.
Cette fois, il évoluait en meneur de jeu
Après, donc, une prestation très convaincante à Cardiff, il y a quatre jours, pour la première de l'entraîneur norvégien, Pogba a encore élevé son niveau de jeu mercredi, à Old Trafford. Si, au pays de Galles, il avait été aligné comme milieu gauche au sein d'un 4-3-3, ce qui est généralement considéré comme son poste préférentiel, le champion du monde a été positionné contre Huddersfield en meneur de jeu, au coeur d'un 4-2-3-1. Un pari rarement tenté par Mourinho qui, à la fin de son règne, alignait Jesse Lingard comme numéro 10.
Dans son nouveau rôle, « Pogboom » a livré mercredi un de ses meilleurs matches depuis qu'il a rejoint Manchester United en 2016, face, il est vrai, à un adversaire assez faible, qui occupe la dernière place de la Premier League. Déchargé d'une grande partie de ses obligations défensives, il a pu apporter le surnombre offensivement, son positionnement entre les lignes mettant la défense adverse au supplice. Il a essayé d'en faire profiter Marcus Rashford, en lui adressant une transversale frappadingue qui a survolé en un éclair tout le terrain (48e), puis en lui délivrant une passe en profondeur limpide (75e).
Le jeune avant-centre anglais n'étant pas dans un grand jour, Pogba s'est résolu à faire la différence lui-même. S'il n'est pas impliqué dans l'ouverture du score, signée Nemanja Matic, à la suite d'un corner de Rashford repris de la tête par Victor Lindelöf (1-0, 28e), il a donc inscrit les deux buts suivants de son équipe, de deux frappes chirurgicales du droit. La première a été déclenchée à l'entrée de la surface, après un service d'Ander Herrera (2-0, 64e). La seconde a été armée de 25 mètres, après un centre en retrait de Jesse Lingard (3-0, 78e). La Pioche a célébré cette réalisation en restant immobile, en hommage peut-être à un autre Français de MU, Éric Cantona, qui avait fêté ainsi un but marqué contre Sunderland, le 21 décembre 1996. Solskjær a sans doute saisi la référence car, ce soir-là, United s'était imposé 5-0 et le Norvégien y était allé de son doublé.
Après la rencontre, le nouveau manager de MU a rendu hommage à l'attitude de Pogba, qu'il a comparée à celle que celui-ci affichait en 2010, lorsqu'il le dirigeait en équipe réserve des Red Devils. « J'ai retrouvé le Paul que je connais. Il a toujours été un garçon heureux et, là, il affichait un grand sourire après avoir marqué ses buts. De toute façon, quand tu joues pour Manchester United, tu te dois d'être heureux, parce que c'est une responsabilité, mais surtout un honneur et un privilège. Paul sait bien ce que cela signifie de jouer pour ce club. »
Dans cette déclaration à tiroir, on peut lire à la fois une critique souterraine de Mourinho, accusé d'avoir rendu ses joueurs moroses, une légère mise en garde de Pogba (aucun état d'âme ne sera toléré à l'avenir), mais aussi un message adressé aux supporters d'United, sur le thème : « Ne doutez pas de l'attachement de Paul au club. » Une grande partie d'Old Trafford en semblait déjà persuadée mercredi : désigné homme du match par les fans, l'ancien Turinois a été ovationné, lorsque, au coup de sifflet final, il a donné son maillot à un spectateur. Et tout au long de la rencontre, il a été célébré, ainsi que Rashford et Fred, à travers un chant repris en boucle par le public, sur l'air de Waterfall, un bijou des Stone Roses, groupe mancunien par excellence.
Dans le même temps, tous les médias anglais ont souligné sa performance face à Huddersfield, le Manchester Evening News lui accordant un 8/10. En deux matches, le champion du monde est donc parvenu à redorer son image, même s'il sait qu'il doit confirmer son rebond face à des grosses écuries comme Tottenham (où MU se déplacera le 13 janvier) ou le PSG, en huitièmes de finale de la C 1 (aller le 12 février, retour le 6 mars). Et ne plus attendre d'être couvert de critiques pour redresser la tête.