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Le stade comme rampe de lancement
Jean-Michel Aulas a choisi de construire son enceinte pour permettre à Lyon de passer dans une autre dimension. Le président de l'OL espère qu'il rapportera 100 M€ par an très bientôt. HERVÉ PENOT
Au départ était un rêve, presque une utopie. Quand Jean-Michel Aulas évoque au début des années 2000 la création d’un stade capable de générer ses revenus propres, il prêche dans un désert. Ou presque. Il est l’un des rares à croire à ce projet. Sa construction (l’idée finalisée date de 2007) débute en 2012, en raison des multiples recours, et se termine en 2015 à Décines, à l'est de Lyon, pour une inauguration le 9 janvier 2016 contre Troyes (4-1).
Quand d’autres ont choisi ou ont été contraints de se lancer dans un partenariat public-privé peu rémunérateur, le président de l’OL a toujours pensé que la possession de cette enceinte et de ses infrastructures (terrains d’entraînement, centre de formation…) serait le premier étage de la fusée pour relancer son club vers les sommets. « Parler d’un stade privé de près de 60 000 places à l’époque (59 186 plus 105 loges et 6 000 places VIP), ce n’était pas crédible, explique Aulas. Si on prend cette année (2017-2018), on a fait 37 M€ sur la billetterie sans la Ligue des champions. Si on est en C 1, sauf s’il y a un huis clos… (*), ça doit représenter 50 M€ régulièrement (44 en 2016-2017 grâce à la C 1). En plus, nous avons eu 16 M€ d’événements supplémentaires (concert de Céline Dion, phase finale du Top 14, finale de Ligue Europa, « Monster Jam », un événement de sport motorisé). Donc ça peut faire en gros du 66 M€ annuels. »
Bientôt des activités extérieures au foot vont s'ajouter à l'offre
S’ajouteront à l’avenir le parc OL espéré en 2021, avec un centre de loisirs (2020), des nouveaux immeubles de bureaux (2019) et un pôle médical (2019). « Il y aura aussi le centre commercial, le musée de l’OL et les séminaires qu’on organise, ajoute le président rhodanien. On estime qu’en dehors de la billetterie et des événements spéciaux, ça va représenter entre 10 et 20 M€ par an. »
On est loin des bonnes années de Gerland qui amenait « environ 20 M€ », dixit Aulas. Qui ajoute : « L’objectif était de récolter 80 M€ mais maintenant, on espère atteindre les 100 M€. Avant, on avait à Gerland moins de 500 000 spectateurs par an. Là on en est à plus d’un million et l’objectif OL City est d'en drainer 3 millions sur le site. » Christophe Lepetit, économiste du sport, confirme : « Certains ont choisi des partenariats public-privé mais ces ménages ne fonctionnent pas bien. Aujourd’hui, des clubs ont voulu renégocier les conditions de leur stade, comme le PSG ou l’OM. Mais il fallait avoir une force de caractère au début car il a fallu faire face à des recours en série. Le club a pu lever l’argent grâce à l’entrée en bourse aussi. Aujourd’hui, l’OL arrive à gagner 15-16 M€ net par an car il ne faut pas oublier les frais de fonctionnement. C’est un modèle durable, en plus, qui valorise le club. C’est moins volatil qu’un capital joueur. Et l’avantage de l’OL, c’est qu’en plus, ils n’ont pas lâché la formation. » Ce qui le valorise encore plus. « La valeur de notre stade est de 465 M€, rappelle Aulas. Mais si Chelsea veut aujourd’hui construire un stade équivalent, c’est entre 1 et 1, 2 milliard. Et puis, on pense qu’il y a une valeur subjective aussi : je suis persuadé que les joueurs sentent que c’est leur stade, il y a un sentiment d’appropriation. » Reste à payer aussi des charges, qui ont contraint Lyon à hiberner, comme Arsenal un temps, pendant des années sur le marché des transferts. Aulas : « On a un endettement qui est de 265 M€ et on pense qu’à la fin des sept ans du premier emprunt (en 2020), on aura remboursé entre un quart et un tiers du stade. »
L’OL a donc, en creux, une obligation de résultats, de présence en Ligue des champions. « Mais ça va s’inverser. Certes on rembourse mais on dégage une force économique qui va nous permettre de monter en puissance. Les résultats démontrent que le modèle qui repose sur la propriété d’un stade est durable, que c’est une activité pérenne. Quand on voit ce qui est arrivé sur le partenariat public-privé. Regardez Bordeaux, la vente a failli ne pas se faire à cause du stade car la mairie demandait une garantie sur trente ans à l’acquéreur pour payer le loyer. » Lyon a choisi une autre voie, celle du privé. Il ne s’en plaint pas.
(*) Sanctionné par l'UEFA, l'Olympique Lyonnais a disputé son match de Ligue des champions contre Donetsk à huis clos (2-2, le 2 octobre).
L'Equipe