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GENESIO Chronique d’un emballement
Impliqué dans une échauffourée en boîte de nuit, samedi dernier, l’entraîneur de l’OL a été défendu par le monde du foot, outré que « des supporters » s’attaquent à lui dans sa vie privée. Mais les faits sont plus complexes. HUGO GUILLEMET
D’habitude, du moins depuis qu’il est entraîneur principal de l’OL et figure publique à Lyon, Bruno Genesio fête ses anniversaires chez lui, autour d’un bon barbecue, avec famille et amis, et personne n’en parle, à part peut-être les voisins. Samedi dernier, jour de ses cinquante-deux ans, le technicien lyonnais a préféré s’offrir une virée en ville, ce qu’il a immédiatement regretté après la fuite, dimanche sur les réseaux sociaux, d’une vidéo le montrant en pleine altercation avec un autre homme. L’extrait a été publié sur Twitter par un compte très vite supprimé, mais il avait été copié et diffusé sur WhatsApp. Il a donc été publié de nouveau sur le site à l’oiseau bleu, et il est très rapidement devenu viral.
Influencé par le contexte (voir par ailleurs) de la contestation d’une partie du public du Groupama Stadium contre l’entraîneur lyonnais, le monde du foot s’est emballé, dès lundi matin, afin d’apporter un soutien sans faille à Genesio, sur les réseaux ou par le biais de communiqués. L’UNFP, le syndicat des footballeurs professionnels, regrettait ainsi « que les exactions de supporters se multiplient, y compris en dehors des stades . » Anciens de l’OL, institutions, personnalités du monde du foot, médias (dont L’Équipe) ont alors laissé entendre que Genesio, l’entraîneur, avait été importuné voire agressé par des supporters de l’OL. Mais les faits qui se sont déroulés dans la nuit de samedi à dimanche à Lyon ont pourtant peu à voir avec le statut de Bruno Genesio à l’OL.
Il convient donc de rembobiner le samedi soir de l’entraîneur lyonnais. Ce dernier, accompagné de sa famille et de ses amis, dîne dans un restaurant où il a ses habitudes. Le groupe se scinde ensuite en deux et Genesio, embarqué par le patron des lieux dont il est proche, se rend, avec quelques amis, à la Maison, un restaurant qui fait aussi office de boîte de nuit, dans le quartier de Gerland, près de la Halle Tony Garnier. Là, à l’étage de l’établissement, l’entraîneur de l’OL fête son anniversaire jusqu’à la fermeture, aux alentours de 4 h 30 du matin.
Comme le font souvent une partie des clients de la Maison à cette heure-là, du moins ceux qui ne sont toujours pas fatigués, Genesio et ses amis choisissent de traverser le Rhône afin de rejoindre une adresse à la mode des nuits lyonnaises, le Azar Club, situé à environ un kilomètre sur le bord de la Saône, dans le quartier des Confluences, où aiment se rendre pendant leurs congés certaines personnalités rhodaniennes comme Alexandre Lacazette, Samuel Umtiti ou Karim Benzema. La veille, Grégory Coupet y a fêté les dix-huit ans de son fils. La fille de Bruno Genesio, qui a insisté auprès de son père par texto pendant la soirée afin qu’il la rejoigne, se trouve déjà sur place avec des amis.
Le refus d’une photo,
puis une référence
à sa fille, motif
de l’altercation
C’est là, au Azar Club, que la soirée tourne rapidement au vinaigre. Selon quatre témoignages que nous avons pu recueillir, Genesio discute près du bar avec un homme d’une quarantaine d’années (que nous n’avons pu retrouver). L’entraîneur de l’OL, décrit par plusieurs de ses proches comme très accessible par les gens qui souhaitent l’aborder dans les lieux publics, explique à son interlocuteur, après plusieurs minutes, qu’il souhaite poursuivre la soirée avec son entourage et notamment sa fille. L’autre homme, se voyant refuser une photo, lance alors qu’il va la prendre « avec ta (sa) fille », ce qui fait sortir de ses gonds l’entraîneur de l’OL. Les esprits s’échauffent et les insultes fusent. Puis des bousculades, la cohue. Les videurs doivent alors intervenir pour sortir de l’établissement les deux hommes, ce qui nous a été confirmé par du personnel sur place. Mais l’altercation se poursuit à l’extérieur de la boîte de nuit. Deux autres témoins, qui préfèrent également conserver leur anonymat, alors en train de fumer devant l’établissement, décrivent l’entraîneur de l’OL comme hors de lui. C’est à ce moment-là qu’est filmée la courte séquence vidéo qui sera ensuite diffusée sur les réseaux et où on entend notamment Bruno Genesio lancer « je vais lui n***** sa mère ». Ces images seront ensuite interprétées comme la conséquence de l’acharnement de supporters anti-Genesio, mais l’homme visé par l’entraîneur lyonnais n’a pas été identifié comme supporter de l’OL, alors que Genesio, qui a fréquenté trois établissements différents, a croisé des dizaines de supporters lyonnais tout au long de sa nuit d’anniversaire, sans incident à signaler.
Dès lundi matin, les réactions se sont multipliées, mais l’Olympique Lyonnais ne s'est exprimé que mardi après-midi, dans un très bref communiqué qui condamnait « l'incident survenu samedi (...) avec la plus grande fermeté », un timing qui n'est pas dans les habitudes locales. « Le club n'a pas tenu à s'exprimer plus tôt pour ne pas entretenir le buzz que certains s'efforçaient de créer », justifiait l'OL.
Le club a-t-il aussi été gêné par l’attitude de son technicien, même si elle s’est déroulée dans un cercle privé ? Ou bien a-t-il jugé dans un premier temps, comme son entraîneur, qu’il n’avait pas à se positionner sur une affaire justement d’ordre privé ? Contactés, l’OL et Bruno Genesio n'ont pas souhaité réagir.
L'Equipe