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LE PSG FICHAIT
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EN ÎLE-DE-FRANCE
La cellule recrutement Paris-Île-de-France du PSG a eu recours, comme son homologue en charge de la province, au fichage ethnique des jeunes joueurs. Un document que « L’Équipe » a pu consulter l’atteste. La semaine dernière, le PSG avait pourtant assuré que ce critère « illégal et inadmissible » était une « intiative personnelle » de Marc Westerloppe. VINCENT VILLA
Nous avons pu consulter une fiche, dont plusieurs recruteurs de jeunes, qui travaillent ou ont travaillé au sein de la cellule Paris-Île-de-France du PSG, nous ont confirmé qu'elle y était utilisée. Un document informatisé dans lequel les recruteurs devaient renseigner plusieurs données sur les joueurs observés. L'ensemble se divise en deux colonnes. À droite, les évaluations physiques (« P ») et techniques (« T ») des jeunes footballeurs sur différents aspects (vitesse, combativité, volume de jeu, prise de balle, vivacité, etc.).
À gauche, une sorte de fiche d'identité du joueur. Nom, prénom, date et lieu de naissance, son club actuel et, si besoin, son club précédent, son poste, sa latéralité (pied gauche ou pied droit), son numéro de maillot. Et puis,une dernière case intitulée « C » pour laquelle un menu déroulant fait apparaître cinq choix possibles : « BC » (pour « blanc »), « BK » (pour « black »), « BR » (pour « beur »), « M » (pour « métis ») et « AS » (pour « asiatique »).
Une classification, dont le Parisien avait révélé, la semaine dernière, l'existence au sein de la cellule recrutement Île-de-France des jeunes au PSG, dirigée par Pierre Reynaud. Et dont ce document témoigne bien qu'elle était utilisée comme un facteur à part entière au moment de rendre compte, dans une fiche écrite, des caractéristiques d'un joueur et d'évaluer ce dernier. Selon nos informations, il existait, au sein de la cellule, plusieurs types de fiches, manuelles ou informatisées, dont celle que nous avons pu consulter. Et cette nomenclature, désignée par la lettre C, était un renseignement qui figurait dans plusieurs d'entre elles. Si elle témoigne tout autant d'un fichage ethnique, interdit par la loi, elle diffère de celle utilisée au sein de la cellule province du club, qui a fonctionné de 2013 au printemps 2018 avec entre dix et quatorze recruteurs vacataires selon les années.
“Il n’y avait pas besoin de sortir de la Sorbonne ou bien d’une grande école américaine pour comprendre les 'BC' ou les 'BK'
Un recruteur du PSG
Dirigée par Marc Westerloppe, celle-ci était placée sous la responsabilité d'Olivier Létang, membre de la direction sportive du PSG de 2012 à 2017. Une concurrence existait entre les deux cellules, qui communiquaient peu entre elles. Comme l'ont révélé Mediapart et l'émission Envoyé Spécial sur France 2, la semaine dernière, la quinzaine de recruteurs dédiés à la province utilisaient, sur leurs fiches, les mentions « Antillais », « Maghrébins », « Afrique noire » et « Français ». À l'été 2017, Antero Henrique, nouveau directeur sportif du PSG , a nommé Joao Luis Afonso à la tête du recrutement des jeunes. Quand la cellule province a cessé de fonctionner (*), plusieurs recruteurs « province » ont été rattachés à la celulle francilienne. L'un d'eux, qui préfère garder l'anonymat, nous a expliqué avoir alors reçu, de la part de ses responsables, un document semblable à celui que nous avons pu consulter.
« Après le départ de Marc Westerloppe, en janvier dernier, une personne (Paulo Goncalves, recruteur) a repris les recruteurs de la cellule province après Pierre Reynaud, raconte-t-il. On devait avoir des réunions qu’on n’a jamais eues. C e responsable nous a envoyé sa fiche interne à remplir. J’ai ouvert la case “C”. J’ai vu toutes les initiales. Il n’y avait pas besoin de sortir de la Sorbonne ou bien d’une grande école américaine pour comprendre les “BC” ou les “BK”. Ensuite, tous les recruteurs en province ont reçu, à un moment donné, un mail précisant que la case “C” ne nous concernait pas, qu’elle était seulement destinée à la cellule interne (francilienne). Mais ça m’a travaillé. En plus, sur les rencontres qu’on était censés superviser, on ne servait à rien, puisqu'on voyait débarquer un membre de la cellule parisienne. »
Ce fichage, reconnu hier soir par le PSG, pourrait avoir débuté en 2002
C'est à l'occasion d'une discussion avec l'un d'entre eux que ce recruteur a eu la confirmation du sens des lettres de la fameuse case “C”. « Lors d'une détection, je tombe sur l’un d’eux (un recruteur francilien) et je lui pose la question, explique-t-il. Je lui dis : “Ce serait bien que tu m’éclaires sur les initiales, même si je ne suis pas tombé de la dernière pluie !” Il m’a répondu : “Ah bon, il (Paulo Goncalves) ne vous l’a pas dit ? 'BC', c’est blanc, 'BK' c’est black…” J’ai dit : “O.K., c’est ce que je voulais savoir, même si je le savais déjà.” E n revanche, je ne sais pas depuis quand ils l’utilisaient en Région parisienne. » Le document que nous avons pu consulter est un rapport d'activité de mai 2017. Et le fichier informatique est daté de 2002. Cette nomenclature pourrait donc être en vigueur depuis longtemps.
En tout cas, ces révélations attestent que la cellule recrutement dédiée à la province et dirigée par Marc Westerloppe n’était pas la seule à collecter ouvertement des informations sur l'origine ethnique des jeunes supervisés, ce que le PSG avait assuré, la semaine dernière, en dénonçant un « critère illégal et inadmissible » ajouté sur une « initiative personnelle » de Marc Westerloppe.
Hier soir, après nos révélations et un rendez-vous avec la ministre des Sports Roxana Maracineanu (voir par ailleurs), le club reconnaissait, dans un communiqué que « des fiches au sein de la cellule Île-de France avec d'autres types de signalement d'origine (que ceux utilisés dans la cellule dirigée par Westerloppe) ont été utilisées sans conséquences discriminantes ».
(*) Marc Westerloppe est désormais en charge de l'individualisation des néo-pros pour le club de Rennes, dont Olivier Létang est le président.
L'Equipe