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Thilo Kehrer, futur ministre de la Défense
Buteur décisif lors de son premier derby de la Ruhr avec Schalke 04, Thilo Kehrer, défenseur polyvalent de seulement vingt ans, a déjà tout d'une star. Il continue néanmoins à bosser tranquillement, la tête sur les épaules. Conscient de ce qu'il lui reste à accomplir pour faire partie de la classe des plus grands.
Par Sophie Serbini lundi 3 avril 2017
« Je n'ai pas besoin de cacher mon visage sous un masque. » À seulement vingt ans, Thilo Kehrer n'a pas peur de dire ce qu'il pense, même lorsqu'il s'agit de tailler avec humour un certain Pierre-Emerick Aubameyang. Il faut dire que ce samedi, en marquant un but décisif lors de son premier Revierderby, le jeune défenseur de Schalke (passé par l'académie du club) a gagné le droit de se la raconter un peu. « Lorsque j'ai tiré, j'ai tout de suite senti que ça rentrerait. Ensuite, je me rappelle être allé voir les supporters de la Nordkurve. C'était l'extase, le genre de moment qui te file la chair de poule » , a-t-il déclaré en zone mixte après le match. Pour son premier but en Bundesliga, Thilo Kehrer n'aurait sans doute pas pu rêver meilleur scénario. Et alors que l'Allemagne semble révéler dix jeunes bourrés de talent à la minute, l'international espoir a rejoint, en l'espace d'une minute, le rang de ceux qui n'ont pas d'autre choix que de devenir des stars.
Droite, gauche et centre
Comme pour la plupart des autres espoirs allemands, la réussite actuelle de Thilo Kehrer n'a rien d'un hasard. Sûr de ses capacités, le défenseur a toujours envisagé une carrière en pro. Et lorsqu'en 2012, l'occasion s'est présentée de rejoindre le meilleur centre de formation d'Allemagne, la Knappenschmiede de Schalke 04, il n'a pas hésité une seconde. « Tout comme Schalke, Stuttgart a de très bonnes équipes de jeunes. Mais la perspective de passer des U19 aux pros était plus grande pour moi ici. Ça faisait 3-4 ans que j’étais au VfB, et parfois, les gens ont une image de toi qui ne bouge plus. Et c’est pas facile de la changer. Du coup, j’ai décidé de venir ici, et je pense que j’ai fait le bon choix. J’ai eu l’occasion de plus montrer, avec un nouvel entraîneur, une nouvelle équipe, un nouveau club » , racontait-il à So Foot quelques semaines avant le derby, l'air détendu.
Schalke et Dortmund se quittent bons ennemis
Au sein de l'académie, Thilo Kehrer empoche le titre de champion d'Allemagne U19 en 2015, mais surtout progresse à une vitesse folle. S'il se fixe au poste de défenseur central, sa polyvalence lui permet de dépanner un peu partout derrière. Lors du match contre Dortmund, il a notamment remplacé Sead Kolašinac en tant qu'arrière gauche, avec la réussite que l'on connaît. « Thilo peut jouer n'importe où en défense. Il pourrait même jouer au poste de 6 à vrai dire. Il fait partie de ces joueurs qui n'arrivent pas à savoir s'ils sont droitiers ou gauchers » , révèle avec humour Christian Heidel, le directeur sportif des Knappen, juste après le Revierderby. Du reste, cette polyvalence lui a permis d'être titulaire à trois postes différents lors des six derniers matchs de Schalke, toutes compétitions confondues.
Un mec sérieux
Thilo Kehrer affirme qu'il a toujours eu en lui cette capacité d'adaptation, qu'elle fait partie de son caractère. « Quand quelque chose ne fonctionne pas comme je le veux, tac, je passe à autre chose, et je me concentre sur un autre truc. » Contrairement au système français, il est assez rare en Allemagne d'être formé dans un club loin de chez soi. Beaucoup de jeunes déracinés explosent donc en vol. Doté d'une grande force de caractère, Thilo Kehrer ne fait pas partie de cette catégorie. « Ce n’était pas facile au début, surtout que c’est une période de ta vie où tu peux avoir beaucoup de très bons amis chez toi. Seulement, j’avais toujours mon objectif en tête : devenir pro. Du coup, je savais que je devais me concentrer là-dessus. Et en vrai, cela m'a appris à être plus indépendant » , confie-t-il.
Schalke se cherche un nouveau destin
Dans ses études, Thilo Kehrer a aussi fait preuve de sérieux en ayant passé un bac général. À vingt ans, il parle déjà trois langues. L'anglais, qu'il a appris à l'école, et ses deux langues maternelles : l'allemand et le français (la langue de sa mère, originaire du Burundi). Si certains joueurs allemands issus de deux cultures comme Leroy Sané ou Sami Khedira ont rapidement laissé tomber une de leurs deux langues maternelles, Thilo Kehrer met un point d'honneur à montrer que, oui, il parle parfaitement la langue de Benjamin Stambouli. « J'ai passé le français à l'oral lors du bac » , ajoute-t-il même rapidement, sans pour autant se la jouer. Sûr de ses capacités et fier de son parcours, pour le moment sans faute sur comme en dehors des terrains, Thilo Kehrer sait par ailleurs que tout excès de confiance pourrait vite se retourner contre lui. Il compte donc suivre les conseils donnés par Benedikt Höwedes : « Je dois avoir confiance en moi, mais je ne dois en aucun cas être arrogant. » Pour le moment, la méthode fonctionne. Thilo Kehrer s'impose sans en faire des tonnes. Avec juste son talent et son humour.
Par Sophie Serbini Tous propos recueillis par SS (sauf mentions)