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PSG, le récit d'une incroyable saison (2/2) : le temps des fractures
De l'élimination contre Manchester à la finale de Coupe de France perdue face à Rennes, le PSG a vu son vestiaire se disloquer, ses leaders s'opposer et ses chefs s'étriper.
Cette fois, il ne rigole plus. Son PSG a beau jouir d'une avance confortable avant de recevoir Manchester United (2-0), ce n'est pas une raison pour ne pas respecter les horaires. Alphonse Areola n'est d'ailleurs pas le seul Parisien en retard à la convocation au Parc des Princes, à deux heures du coup d'envoi. Angel Di Maria pointe également avec quelques minutes de décalage. Thomas Tuchel n'apprécie pas. Son regard suffit à percevoir son courroux. Les explications auront lieu plus tard, après la qualification. En attendant, allons mater ces jeunes Anglais privés de plus de la moitié de leur équipe type.
Edinson Cavani, lui, est sur le banc. Miracle de la médecine ou exploit du kinésithérapeute censé l'accompagner au quotidien ? On verra bien. Mais, dans son cas, une lésion musculaire, un temps de cicatrisation minimum de trois semaines avant de penser à recourir est nécessaire. Et l'attaquant uruguayen s'est blessé il y a un mois seulement... De toute façon, l'affaire devrait être pliée sans lui. Seulement, lors de ce huitième de finale retour, les erreurs individuelles s'accumulent, et la passivité tactique de Tuchel surprend.
Voilà Paris mené 2-1 à la mi-temps. Et il est incapable de se créer une véritable occasion en seconde période, à peine parvient-il à cadrer quatre tirs sur l'ensemble du match. Alors, à la 90e minute, Cavani entre en jeu. Mais c'est Marcus Rashford qui marque sur penalty, quatre minutes plus tard (3-1). Le PSG est éliminé, Cavani rechutera et Neymar, qui n'a pas trouvé mieux que de descendre de sa loge pour insulter les arbitres au coup de sifflet final, écopera de trois matches de suspension à purger lors de la prochaine édition de la C 1. Belle soirée.
Brésiliens et francophones forment deux groupes rivaux
Autant dire que le 6 mars 2019, à 23 heures, la saison du Paris- Saint-Germain est terminée. Il sera champion de France sans sourciller, et il ne lui reste que la Coupe de France à conserver. « C'est un accident », plaidera Thomas Tuchel, en conférence de presse, pour justifier la sortie de route de son équipe en Ligue des champions. Un accident ? Vraiment ? Le problème, à Paris, c'est que les accidents surviennent toujours à la même époque de l'année et que rien n'est fait pour s'en prémunir. À aucun moment, le technicien allemand ne reviendra sur la préparation de ces rendez-vous et cette absence de mise au vert, par exemple, au moins le jour du match. Il ne reviendra pas non plus sur l'attitude de certains joueurs, dont on se demande si une grande partie aime Paris pour son club ou plutôt pour ses établissements nocturnes. Mais Tuchel n'a peut-être pas trop intérêt à s'épancher sur le sujet non plus.
Brésiliens et francophones forment deux groupes rivaux
Autant dire que le 6 mars 2019, à 23 heures, la saison du Paris- Saint-Germain est terminée. Il sera champion de France sans sourciller, et il ne lui reste que la Coupe de France à conserver. « C'est un accident », plaidera Thomas Tuchel, en conférence de presse, pour justifier la sortie de route de son équipe en Ligue des champions. Un accident ? Vraiment ? Le problème, à Paris, c'est que les accidents surviennent toujours à la même époque de l'année et que rien n'est fait pour s'en prémunir. À aucun moment, le technicien allemand ne reviendra sur la préparation de ces rendez-vous et cette absence de mise au vert, par exemple, au moins le jour du match. Il ne reviendra pas non plus sur l'attitude de certains joueurs, dont on se demande si une grande partie aime Paris pour son club ou plutôt pour ses établissements nocturnes. Mais Tuchel n'a peut-être pas trop intérêt à s'épancher sur le sujet non plus.
Il préfère évoquer dans ses points presse le manque de profondeur de son effectif, comme autant de pavés dans le jardin d'Antero Henrique. À plusieurs reprises, Tuchel décide de ne coucher que quinze joueurs sur les feuilles de match. Il a encore en tête ce transfert du jeune Yacine Adli à Bordeaux, en janvier, alors qu'il n'avait pas été prévenu des intentions du club. Il pense aussi à Adrien Rabiot, qui continue de s'entraîner avec une application et une rigueur exemplaires. Mais l'entraîneur du PSG n'a pas le droit de l'utiliser.
Alors, quand il lit l'entretien de Véronique Rabiot dans L'Équipe, le 20 mars 2019, qui ne ménage pas le directeur sportif portugais, l'Allemand se frotte les mains. « Adrien est prisonnier, lance la mère et conseillère du milieu parisien. Il est même otage du PSG. [...] Quand Henrique débarque, jeudi dernier, dans le vestiaire du Camp des Loges en disant à Adrien qu'il manque de respect à l'équipe... Moi, j'ai une autre vision. » Pour ne pas manquer de respect à l'équipe, Rabiot se rend ainsi au Stade de France, le 27 avril, et assiste à la finale de la Coupe de France depuis les loges, à côté de Thiago Silva, blessé. Mais, à la mi-temps, le Français se lève et quitte les lieux ostensiblement. Il ne reviendra pas.
Cette finale perdue face à Rennes (2-2, 5-6 aux tirs au but) aura surtout étalé au grand jour les dissensions entre les Brésiliens et les francophones du vestiaire. Neymar, qui avait signé son retour à la compétition une semaine plus tôt après trois mois d'arrêt, plaça une charge contre les jeunes Parisiens « qui n'écoutent pas » assez à ses yeux. Derrière cette sortie, c'est tout un pan du vestiaire qui était visé, la partie francophone notamment, et pas seulement « les jeunes ». En fait, depuis plusieurs semaines, une rivalité s'est installée entre les deux pôles de l'effectif, l'un étant guidé par Neymar et Dani Alves, l'autre par les champions du monde français, Kylian Mbappé en tête. Avant un match, à un adversaire qui demandait à ce dernier quel était le climat dans le vestiaire, le champion du monde l'invita simplement à « mettre la misère aux Brésiliens » qui le rendaient dingue.
Ce sentiment est ainsi largement partagé par plusieurs autres Français. Presnel Kimpembe, qui a lancé sa marque de vêtements, en avait offert à tout l'effectif. Mais pas grand-monde ne s'est affiché avec. « C'est sûr que si c'était Neymar qui avait donné ses fringues, tout le monde les mettrait », pestait souvent le défenseur central français. Le soir de la victoire contre Dijon (4-0, le 18 mai), dernier match de la saison au Parc des Princes, les joueurs avaient prévu d'arroser officiellement le titre de champion au champagne dans le vestiaire. Bien sûr, ils avaient été sacrés un mois plus tôt, contre Monaco (3-1, le 21 avril), mais certains, dont Kimpembe et Alphonse Areola, voulaient marquer le coup. À peine dix minutes après le retour des joueurs et deux ou trois bouteilles de débouchées, Neymar, qui venait de purger l'un de ses trois matches de suspension, s'éclipsa pour rejoindre des amis sur Paris. Ce qui provoqua quelques remarques acides. Éric Choupo-Moting et Thilo Kehrer tentèrent gentiment de prendre la défense du Brésilien. « Eh bien, si vous avez l'habitude de gagner des titres, vous, tant mieux », s'agaça Kimpembe.
Visiblement, Neymar et ses compatriotes cristallisent chaque jour un peu plus les tensions. Les plombs pètent plus vite, les étincelles fusent au quart de tour. La vive altercation qui a opposé la star brésilienne à Julian Draxler dans le vestiaire de Montpellier (2-3), le 30 avril, juste après la perte de la Coupe de France, en est une nouvelle illustration. Révélée par le Parisien, cette information pourtant exacte fut démentie par un tweet du PSG rédigé par Jean-Martial Ribes, le directeur de la communication : « Drôle de jeu de @le_Parisien : présenter @neymarjr, un phénomène du foot mondial, comme un joueur qui se bat avec ses coéquipiers dans le vestiaire. Comment pouvez-vous inventer de telles choses ? Étiez-vous dans le vestiaire ? » Ce tweet a irrité au plus haut point plusieurs joueurs de l'effectif.
Certains, comme Thomas Meunier, se sont même plaints directement auprès de leur direction : « Pourquoi faites-vous un tel démenti lorsqu'il s'agit de Neymar et pas pour nous ? » a-t-il demandé, en substance. À la mi-temps de la rencontre, Draxler avait pris la parole et demandé à ses coéquipiers de jouer plus simplement parce qu'ils n'étaient pas dans un grand jour. Neymar, qui s'est senti visé, a répondu en anglais que c'était « un joueur de merde » et que c'était sans doute lui qui n'était pas bien. Personne, parmi le staff, n'a pris la défense de l'Allemand.
Seul Zoumana Camara, l'un des adjoints, viendra lui parler pour lui demander de s'expliquer entre eux. En seconde période, quelques signes de désaccord entre les deux joueurs nourriront un peu plus les tensions. Au coup de sifflet final, Draxler viendra vers Neymar pour évoquer l'incident qui les avait opposés. Le ton est alors de nouveau monté, et Daniel Alves a dû intervenir pour séparer les deux coéquipiers.
Quand Neymar énerve Mbappé
Au club, ils sont nombreux à trouver que Neymar jouit d'un peu trop de liberté. Le fait est là. Même le plus admirateur de l'ancien Barcelonais éprouve une certaine lassitude par ces blancs-seings. C'est le cas lorsqu'il demande que les séances d'entraînement, initialement prévues le matin, soient déplacées l'après-midi, ou que les mises au vert soient écourtées. Cela énerve notamment Kylian Mbappé, qui tente de s'affirmer comme une alternative au leadership du Brésilien. Il ne comprend pas que ce dernier soit écouté sur tout, y compris sur les questions de mercato, et pas lui. La sortie du Français, à l'occasion des Trophées de l'UNFP, le 19 mai, au cours de laquelle il réclamait plus de responsabilités, à Paris ou ailleurs, allait ainsi dans ce sens. En fait, tout ce que va entreprendre l'ancien Monégasque, désormais, sera guidé par l'envie de se mesurer à Neymar.
En fin de saison, par exemple, c'était à celui qui sortirait du vestiaire en dernier pour aller s'entraîner. Lors de la séance au Parc des Princes, ouverte au public, le 15 mai, Mbappé s'est un poil attardé dans le vestiaire. Voyant son coéquipier brésilien parti, il décida de se lever pour aller sur la pelouse. En arrivant, il a beau tourner la tête dans tous les sens, pas de Neymar. Celui-ci avait été retenu dans les couloirs pour être présenté à des sponsors du club. Et a même dû commencer la séance en retard...
Pour Thomas Tuchel, la gestion de ces deux ego pose problème. Et quand il déclare, le 23 mai : « Je veux qu'ils soient ici la saison prochaine, mais, si ce n'est pas le cas, on trouvera des solutions », il sème le trouble. Délibérément ? Peut-être. Parce que l'Allemand en a assez d'être le seul interlocuteur des médias dans ce club. Depuis le début de saison, il est questionné sur tout, même ce qu'il ne connaît pas : la tactique, les blessures, le mercato, les adversaires, le fair-play financier, la réforme de la Ligue des champions, bref, tout. Et il répond à tout comme on se débarrasse d'une vérité encombrante. Cela donne lieu, parfois, à une mini-polémique, comme lorsqu'il critique la FFF et son président, Noël Le Graët, qui aurait, selon lui, tenu « des propos non professionnels » au sujet de la réforme de la C1*, justement, et du PSG. Bien sûr, Le Graët a très gentiment fait passer le message au PSG que, tant que ce serait son entraîneur qui lui répondrait, il ajouterait un peu plus de l'eau au moulin...
Au club, tout le monde a conscience que cette situation ne peut pas perdurer, qu'un autre dirigeant doit s'exprimer plus souvent. Certains avancent que c'est à Jean-Claude Blanc, le directeur général délégué, de se lancer, d'autres préféreraient que ce soit à Antero Henrique. Ce qui est sûr, c'est que ce ne sera pas Nasser al-Khelaïfi, le président, un peu plus absent à chaque nouvelle saison. Ce qui est sûr aussi, c'est que le PSG a de gros problèmes à solutionner s'il veut, un jour, rêver plus grand.
(*) Dans des propos rapportés début mai par Le Parisien, le patron de la FFF avait critiqué la position du PSG, favorable à la réforme de la C1. « Je lui conseillerais d'abord de bâtir une équipe pour passer les huitièmes de finale de la Ligue des champions », avait taclé le dirigeant.
L'Equipe