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« Nos meilleurs clubs doivent pouvoir rivaliser avec l'élite européenne »
A l'occasion du début de la Ligue 1 de football, interview de Bernard Caïazzo, le président du syndicat de clubs Première Ligue et coprésident de l'AS Saint-Etienne.
La saison 2018-2019 de la Ligue 1 de football débute ce vendredi avec le match OM-Toulouse. Si notre championnat a commencé à rattraper son retard sur ces grands voisins, le différentiel en matière de charges sociales demeure un problème de fond, martèle Bernard Caïazzo, le président du syndicat de clubs Première Ligue et coprésident de l'AS Saint-Etienne.
Une deuxième Coupe du monde, un nouvel investisseur pour dynamiser les Girondins de Bordeaux, le droit à l'image individuel pour les joueurs et entraîneurs... en attendant une hausse considérable des droits « télé » en 2020 : la Ligue 1 démarre sa nouvelle saison sous les meilleurs auspices...
Nous avons, c'est certain, des paramètres d'amélioration. Mais nous sommes encore loin des championnats voisins. Sur le plan sportif, le gros problème du football français, c'est comment faire pour que nos meilleurs clubs aient, sur le plan international, des résultats comparables à ceux de l'équipe de France. Au cours des vingt dernières années, les Bleus ont fait cinq finales pour 11 grands événements - Mondial et Euro -, et ont remporté 3 victoires. Sur la même période, 41 coupes européennes ont été disputées. Les clubs français ont été quatre fois en finale, et ce fut quatre échecs. Il y a là un paradoxe, une anomalie. Tout le travail du foot « pro » doit viser à ce que nos meilleurs clubs puissent rivaliser avec l'élite européenne.
Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Nos meilleurs clubs, à l'exception de Lyon avec son stade, relèvent du mécénat. On note toutefois une amélioration depuis quelques années, due à des gens qui investissent lourdement. L'arrivée d'investisseurs étrangers a « boosté » la Ligue 1. Au-delà de Bordeaux, beaucoup d'autres investisseurs s'intéressent aujourd'hui au foot français.
D'où vient la frilosité des investisseurs français ?
Nous avons un historique peu glorieux avec, notamment, le naufrage de Lagardère dans les années 80 avec le Racing. Il y a probablement aussi un phénomène culturel : l'absence de culture football de nos capitaines d'industrie, à laquelle s'ajoute une erreur d'appréciation de leur part, car le football devient un secteur économique comme un autre.
Quels sont les leviers d'amélioration à actionner ?
L'augmentation de nos droits télé à l'international est un enjeu important. Nous sommes à 70 millions d'euros quand les Allemands et les Italiens sont à 400 millions (les négociations par club sont en cours outre-Rhin, et les droits de la Serie A italienne ont été vendus pour 371 millions d'euros, NDLR). Quant aux Anglais, ils sont sur une autre planète avec plus d'un milliard. Ceci étant, le problème du différentiel de charges sociales reste posé. On va encore dire que je fais la pleureuse mais, à niveau égal de salaire, un club comme Saint-Etienne paie plus de charges que l'ensemble des clubs allemands, qui bénéficient d'un forfait. De même, le PSG paie 100 millions de charges sociales par saison, un montant que le Real et le Barça réunis ne paieront jamais ! En Espagne, le forfait c'est 13.000 euros par an par joueur.
La mise en place du droit à l'image individuel ne devrait-il pas réduire les écarts ?
Le droit à l'image sera complexe à mettre en oeuvre, mais c'est une avancée. Ceci dit, cela reste une goutte d'eau.
Après le récent échec d'une négociation avec un fonds d'investissement américain, l'AS Saint-Etienne est-elle toujours en vente ?
La négociation avec Peak6 Investments a perturbé l'équipe lors de la dernière saison et, peut-être, coûté une place européenne. La nouvelle saison est désormais engagée, et nous ne pensons plus à d'éventuels investisseurs. Nous avons doublement changé de stratégie, en procédant à un emprunt auprès de nos banquiers habituels, afin d'investir dans notre effectif pour garder nos joueurs bons et expérimentés, et en anticipant une perte d'exploitation sur l'exercice. C'est un changement radical assumé. Nous avons dû nous aligner sur le marché et, du coup, notre masse salariale augmentera de 25 % cette saison. Après huit années positives, l'AS Saint-Etienne enregistrera donc une perte d'exploitation. Si nous investissons, c'est que les paramètres de développement sont bons. Nous pensons avoir une équipe compétitive, qui aura en outre sur le banc cinq jeunes issus de notre centre de formation.