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Le groupe de médias est entré en négociations exclusives avec un fonds américain pour céder son club de football. La fin d'une histoire de près de vingt ans.
Après presque deux décennies avec M6, les Girondins de Bordeaux vont changer de main. Le groupe de médias a annoncé vendredi être entré, le jour même, « en négociations exclusives » avec le fonds d'investissement américain General American Capital Partners (GACP), en vue de lui céder le club de football.
« L'environnement sportif est devenu de plus en plus concurrentiel avec l'arrivée de gros investisseurs étrangers, à Paris, Marseille, Lyon, Monaco, etc. Pour que les Girondins aillent plus haut, il fallait leur donner des moyens supplémentaires, ce que nous ne pouvions faire seul », explique aux « Echos » Grégory Le Fouler, directeur administratif et financier adjoint de M6 et administrateur des Girondins.
Une telle annonce était attendue alors que Nicolas de Tavernost, le patron de M6, avait dit lors dela présentation des résultats du groupe, il y a quelques jours, que les négociations devaient « aboutir ou non de manière rapide ». De fait, M6 avait indiqué, depuis plusieurs mois, qu'il était prêt à vendre le club, qui a obtenu notamment un titre de champion de France en 2009 depuis qu'il est dans le giron du groupe de médias.
Un peu moins de 100 millions d'euros
« Nous sommes régulièrement et depuis longtemps approchés par des acteurs souhaitant investir dans le club. Mais, nous souhaitions attendre un projet ambitieux sur les plans financier et sportif, et apportant des garanties solides pour le club et pour ses partenaires », reprend Grégory Le Fouler.
GACP, contrôlé par Joseph DaGrosa, a déjà des investissements dans le sport, notamment dans le basket à Miami, même s'il n'a pas d'actifs phares, mondialement connus.
Selon nos informations, la vente devrait se faire à un peu moins de 100 millions d'euros. D'après le magazine « Challenges », M6 en demandait 70 millions d'euros au printemps. Une coquette somme comparée aux 45 à 50 millions qu'aurait déboursés l'homme d'affaires américain Frank McCourt pour s'offrir l'Olympique de Marseille en 2016.
Un pied dans le sport
Dans le giron de M6 depuis 1999, le club bordelais avait permis au groupe de médias d'avoir un pied dans le sport. Et Nicolas de Tavernost n'avait jamais caché que le fait d'en être propriétaire lui avait permis d'avoir une certaine légitimité lors des appels d'offres d'acquisition de droits sportifs.
Toutefois, les Girondins pesaient dans les comptes du groupe, depuis plusieurs années. Au premier semestre 2018, les pertes du club s'élèvent à 17,6 millions d'euros, en raison « du remplacement du staff technique et de la non-réalisation de la cession de joueurs prévue au deuxième semestre ». Le club vient de conclure le transfert du Brésilien Malcom au FC Barcelone pour plus de 40 millions.
En 2017, Bordeaux, qui avait terminé la saison 2016-2017 à la sixième place du championnat de France (il était onzième en 2015-2016), avait affiché des pertes - réduites - à 4,9 millions d'euros sur l'année. « La vente du club devrait être un catalyseur positif pour le titre, en améliorant la rentabilité du groupe », dit un analyste.
La réalisation de l'opération reste suspendue à la finalisation des négociations et à la consultation des instances sociales, mais aussi à l'approbation du Conseil de Bordeaux Métropole (sur les loyers dus à l'occupation du stade). En attendant, elle témoigne de l'intérêt toujours plus marqué des investisseurs étrangers pour les clubs de football professionnel français, en particulier ceux appartenant à la Ligue 1.
Des clubs de ligue 1 plus attractifs
Si l'on prend les dix premiers du classement général de la saison 2017-2018, quatre sont ainsi aux mains d'investisseurs étrangers, ayant débarqués, tour à tour, depuis 2011 : le PSG, détenu par le Qatar via son fonds QSI ; Monaco, propriété du milliardaire russe Dmitri Rybolovlev ; Nice, contrôlé par un consortium d'investisseurs chinois et américains ; enfin, l'OM avec Frank McCourt. Par ailleurs, le fonds d'investissement chinois IDG Capital possède 20 % du capital de l'Olympique lyonnais depuis début 2017. Autre illustration : en mai dernier, les actionnaires de l'AS Saint-Etienne ont momentanément négocié sa vente à un fonds américain avant d'y mettre fin, faute d'assurances sur le devenir des Verts.
S'ils peinent encore à s'imposer sur la scène européenne, les clubs français n'en sont pas moins attractifs avec des prix de rachat relativement bas. En outre, la venue de ces nouveaux investisseurs participe du renforcement du foot tricolore, déjà reconnu pour la qualité de sa formation, mais aussi de sa régulation. Par ailleurs, la dernière augmentation des droits de retransmission de la L1, valorisée à 1,15 milliard d'euros par saison pour la période 2020-2024, ouvre de nouvelles perspectives de développement. La L1 est en capacité de gagner en compétitivité par rapport aux autres grands championnats continentaux. De quoi attirer de nouveaux investisseurs alors que la victoire des Bleus lors de la dernière Coupe du monde est la plus belle des promotions pour le foot français.
Marina Alcaraz et Christophe Palierse
Les Echos