Information
Droits télé : Le partage du magot remis en cause
Malgré l'accord trouvé il y a deux mois, des « grands » clubs envisagent de revoir la future répartition des droits télé.
Il ne manquait plus que ça. Sujet le plus sensible de tous, la répartition des droits télé était a priori réglée pour la période 2020-2024. Début mars, lors d'un collège de Ligue 1, un système a été établi pour se partager le montant record obtenu pour les quatre prochaines saisons (1,217 milliard d'euros annuels au total pour la Ligue 1 et la Ligue 2). Avec une hausse de près de 60 % par rapport aux contrats actuels (748,5 M€ par an). Le schéma retenu prévoit que la manne d'environ 400 M€ supplémentaires qui doit tomber dans les caisses de la LFP à partir de 2020-2021 sera répartie à parts égales entre les pensionnaires de l'élite. Soit environ 20 M€ de plus par club, après soustraction de la taxe Buffet (soutien au football amateur, 5 %) et de diverses aides, notamment à la FFF.
En revanche, les droits internationaux (60 M€ net par an, un montant assez modeste) profiteront en totalité à neuf équipes à vocation européenne (PSG, Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Monaco, Bordeaux, Rennes, Lille et Nice). 20 M€ seront partagés équitablement entre elles et 40 M€ selon un critère de notoriété.
« Nous ne pourrons mettre en place la nouvelle répartition avant 2021-2022 en Ligue 1 »
Bernard Caïazzo, dans un e-mail
Il ne reste plus qu'à faire valider ce « deal » par le conseil d'administration de la Ligue, ce qui doit normalement être une formalité. Mais au vu des mails que nous avons pu consulter, parfois confus, échangés par certains, des écueils pourraient surgir.
Bernard Caïazzo, le président de Première Ligue, le syndicat des clubs de L1 (*), estime par exemple que cette répartition doit forcément être accompagnée de toute une série de mesures pour être valable. Il explique notamment, dans un message adressé à Arnaud Rouger, directeur des activités sportives de la LFP, Nasser al-Khelaïfi, président du PSG, Victoriano Melero, secrétaire général du club parisien, Jean-Michel Aulas et Vincent Ponsot, respectivement président et directeur général adjoint de l'OL, Nicolas Holveck, président de Rennes, et Xavier Thuilot, DG de Saint-Étienne : « En réunion, il a toujours été convenu que le mode de répartition est conditionné par la modification de gouvernance où la Ligue 1 décide pour la Ligue 1, et la Ligue 2 pour la Ligue 2. Sinon, ce qui se passera, c'est que des clubs de Ligue 1 prendront ce qui les arrange dans la répartition et se feront élire au Conseil par des clubs de Ligue 2. Donc la Ligue 2 décidera pour la Ligue 1, ce qui n'est pas honnête. Merci aux membres de la commission de s'exprimer et de reconnaître que c'est un package deal. Et toute autre approche serait un abus de confiance. Et dans le PV du Bureau (de la Ligue) qui évoque le sujet de la répartition, il est impératif d'associer les principes de gouvernance qui vont avec. »
Dans un autre e-mail, il indique aussi : « Je pense que les clubs ont conscience que tout est lié. Ils ont conscience aussi de la crise à savoir que nos revenus ne sont plus les mêmes avec le prêt pour 2020-2021 (les 224,5 M€ empruntés par la LFP pour compenser l'arrêt des versements de Canal + et beIN Sports doivent être soustraits des sommes perçues la saison prochaine). Les montants des droits télé sur cette saison non plus. Les clubs sont honnêtes. [...] Nous ne pourrons mettre en place la nouvelle répartition avant 2021-2022 en Ligue 1. »
Le retour d'une guerre entre « petits » et « grands » clubs ?
Lors de cette « conversation » par e-mail, qui s'est tenue les 7 et 8 mai, où étaient aussi parfois en copie Gérard Lopez, le président de Lille, ou Marie-Hélène Patry, déléguée générale de Première Ligue, Vincent Ponsot, le bras droit de Jean-Michel Aulas, est sur la même longueur d'onde que Caïazzo concernant la volonté d'avoir un accord sur tous les sujets avant d'acter une nouvelle répartition. « En effet Bernard, je te le confirme, et c'est même ce que l'on a essayé de t'expliquer lors du dernier collège (des clubs de L1) en te proposant que l'on pouvait faire un accord de gouvernance conditionné à l'adoption de la répartition droits télé et des autres sujets », écrit-il.
En clair, plusieurs « grands » clubs estiment que rien n'est encore vraiment réglé. Pour eux, l'accord passé en mars, plus égalitaire et donc favorable aux « petits », ne peut s'appliquer que dans le cadre d'un package deal sur à peu près tous les sujets (gouvernance, système électoral à la LFP, réunification des syndicats de clubs...), qui touchent au fonctionnement du football professionnel.
)
Pas sûr que tout le monde fasse cette lecture. Car dans ce dossier, les moins riches ont la main depuis longtemps. Tout remonte en effet à l'automne 2016, lorsqu'une bataille faisait rage pour le contrôle de la Ligue. À cette époque, les moins médiatiques avaient composé une liste de présidents amenés à siéger au conseil d'administration de la LFP, jusqu'ici contrôlé par les puissants.
Les échanges d'e-mails entre quelques-uns risquent de ne pas plaire à tout le monde
En passe de gagner l'élection, cette équipe amenée à gouverner avait été privée de victoire, le quorum n'étant pas atteint lors de l'assemblée générale élective du 5 octobre 2016. Mais elle avait fait la preuve qu'elle était majoritaire, forçant les « gros bras » à composer. Et surtout à négocier un accord favorable aux moins riches pour la répartition des droits télé entre 2020 et 2024. C'est ce deal, dont les détails ont été établis début mars, qui doit entrer en vigueur la saison prochaine. S'il est remis en cause, la guerre entre clubs risque de reprendre de plus belle.
Un collège de Ligue 1 est prévu vendredi, où chacun va pouvoir s'expliquer. Ces échanges d'e-mails entre quelques-uns, souvent accusés d'être à l'origine d'un shadow cabinet qui prospère en dehors des structures officielles, risquent de ne pas plaire à tout le monde. Et si l'on ajoute la fronde anti-Aulas (président du collège de L1), dont le jusqu'au-boutisme agace ses collègues, cette réunion s'annonce plutôt tendue.
(*) Sollicité, Bernard Caïazzo n'a pu être joint.