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Re: Droits Tv 2020 à 2024

13 Déc 2019, 22:53

Peu probable au vu des audiences

Re: Droits Tv 2020 à 2024

14 Déc 2019, 01:05

Qq'un regarde vraiment QSG-Monaco ? :shock:

Re: Droits Tv 2020 à 2024

14 Déc 2019, 11:09

peezee, tu negliges graves les journalistes parisiens

Re: Droits Tv 2020 à 2024

20 Déc 2019, 20:21

L'equipe a fait une série d'articles revenant sur les différents appels d'offre autour des droits TV du foot français, si ça en intéresse certains :
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Foot et télé payante, un univers impitoyable (1/6) : Canal - TPS, petit partage entre «amis»
Spoiler: montrer
Le premier appel d'offres de l'histoire du football français remonte à 1999. Il ne s'est pas vraiment déroulé dans les règles de l'art. Mais visiblement pour le bien de tous...

Juin 1999, sous le soleil brûlant de La Réunion, Noël Le Graët s'impatiente. En séminaire, le président de la Ligue nationale de football (ancien nom de la Ligue de football professionnel) attend un coup de téléphone de Paris. « C'est bon, Noël, on a gagné ! » Au bout du fil, le directeur médias et marketing Vincent Tong-Cuong, qu'il a embauché quelques mois plus tôt, a décacheté les enveloppes du premier appel d'offres de l'histoire des droits télé du foot français. « On avait ouvert les plis sur la photocopieuse, raconte ce dernier. Cela paraît fou aujourd'hui. On a vite passé toute l'offre qualitative des candidats et, en ouvrant le quantitatif, on a écarquillé les yeux ! » Sur le papier, Canal+, diffuseur du Championnat de France depuis sa création, en 1984, offre 1,15 milliard de francs par saison (175,5 M€) et TPS, l'outsider, 1,85 milliard (282,4 M€), largement plus du double des 750 millions de francs versés alors par la chaîne cryptée. Jusque-là, les deals se négociaient sur un coin de table avant d'être validés par de franches poignées de main. Alors, qui vient donc perturber une divine idylle de quinze ans ?

Quatre ans plus tôt, dans un restaurant parisien, quatre hommes se regardent, les yeux dans les yeux. D'un côté le clan TF1, avec son actionnaire majoritaire, Martin Bouygues, et le patron de la chaîne, Patrick Le Lay ; de l'autre celui de Canal+ avec Jean-Marie Messier, le célèbre « J2M » de Vivendi, et Pierre Lescure. Le patron de la Une a expliqué quelques semaines plus tôt à son actionnaire qu'il ne pouvait plus se contenter de partager le marché publicitaire avec les autres chaînes en clair et qu'il devrait désormais investir celui de l'abonnement. « On avait deux solutions : soit rentrer dans Canal+, soit créer la concurrence, se souvient Le Lay. Ce jour-là, on leur explique notre vision. Messier est un type très intelligent, il se montre à l'écoute. Mais Lescure nous haïssait culturellement. Je lui disais souvent : "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes" (rire). Et en général je ne répondais pas aux provocations. La seule chose que je n'appréciais pas, c'étaient les sketches des Guignols traitant TF1 de boîte à cons. Mais là, encore une fois, même pour le business, il ne voulait pas de nous. »

Il les informe alors de son ambition de créer sa propre chaîne de télévision payante. « Ils se mettent à rigoler. Mais au dessert, je dis à Lescure : "Quand on est en monopole, c'est une très mauvaise situation. La nuit, on a toujours peur que quelqu'un vienne le casser, donc on dort mal... Et au réveil, on passe sa journée à le protéger au lieu d'améliorer sa boîte. Or les barbares sont toujours à la porte de l'empire et ils finissent un jour par y rentrer. Donc, on va y aller !" »

Le Lay et Nicolas de Tavernost, actionnaires majoritaires de la future Télévision Par Satellite (TPS), commencent par le cinéma. Face à la toute-puissance de Canal sur ce marché en France, ils essuient une multitude de refus. Qu'importe ! Ils iront négocier à Los Angeles avec les studios américains. Munis, entre autres, des films du catalogue de la MGM et de Paramount, ils lancent donc TPS en décembre 1996. « Avec un raisonnement de cour d'école, j'avais dit à Martin (Bouygues) : "Désormais, Canal, on va leur pourrir la vie, reprend Le Lay. Sur n'importe quel appel d'offres, on sera là ! Un droit qu'ils payaient 100, on va mettre 130, 140, 150, et on va leur doubler leurs coûts." »

Ces enfantillages industriels amènent rapidement TPS à se pencher sur l'autre force de frappe de Canal+ : le football. La petite phrase de Rupert Murdoch, grand magnat des médias anglo-saxons, expliquant au même moment que le sport « surpasse largement » le cinéma et toute autre forme de divertissement pour pousser les gens à s'abonner à une chaîne, ne lui a certainement pas échappé. Pas plus qu'à Pierre Lescure qui, en 1999, alors que Canal + bénéficie encore de deux ans de contrat de diffusion du Championnat de France, tente d'échapper à la mise en concurrence par la Ligue. « On peut imaginer faire un effort financier pour les deux ans qui courent, assure-t-il à l'époque. Je suis d'accord pour en discuter. Mais toute augmentation de notre contribution doit être liée à un prolongement. » Proposition rejetée par la Ligue...

Place alors au premier appel d'offres télé du foot français. Après avoir pris connaissance des offres financières de Canal+ et TPS, la LNF réunit son conseil d'administration quelques jours plus tard pour prendre une décision. Les chiffres ont fuité dans la presse. Aux Guignols de l'info, la marionnette de Lescure a même lâché : « À TPS, ce sont des salauds : ils nous ont piqué tout le foot, mais ils nous ont laissé le PSG ! » (la chaîne est propriétaire du club depuis 1991). Malgré l'ironie des auteurs, toute la maison Canal tremble en attendant le verdict. « C'était assez incroyable, sourit aujourd'hui Tong-Cuong. Beaucoup de membres du conseil d'administration étaient proches de Canal+. Ils avaient les portables allumés sur les micros de la Ligue. Michel Denisot (alors patron des sports de la chaîne cryptée) a dû vivre les discussions animées en direct depuis son bureau. Aujourd'hui, on dirait : "Ce sont des lapins de six semaines ! Ils n'avaient pas enlevé les téléphones ?" Sauf que c'était il y a vingt ans ! »

Les échanges sont vifs et la vision des membres du Club Europe (Bordeaux, Marseille, Lens, Lyon, Monaco, PSG), partenaires commerciaux privilégiés de Canal+, prend le dessus. « Les présidents de club ne voulaient pas que cela change... surtout les gros, estime Le Lay. Dans le foot français, ce qui est bon pour Aulas est bon pour le foot et c'était déjà le cas à l'époque. Mais attention, c'est le meilleur de tous. » En laissant filer Canal+, le Club Europe voyait déjà partir dans la foulée les bonus versés par son très cher partenaire. « Le seul qui nous avait soutenus, c'était le président de Montpellier, Louis Nicollin, se souvient Nicolas Rot­koff, alors responsable des droits sportifs pour TPS. Il leur avait dit : "Si, pour vous, une offre qui fait le double de l'autre c'est équivalent, je ne vais pas vous embaucher dans ma boîte." » Guy Roux, à l'époque entraîneur d'Auxerre, assure également qu'il votera pour le plus offrant, sans état d'âme.

À l'issue des échanges, le conseil d'administration estime pourtant que les offres sont « équivalentes » et suggère un deuxième tour d'enchères. « C'est inimaginable aujourd'hui, l'écart était trop important », commente Tong-Cuong. « Moi, je trouvais les offres équivalentes, commente d'un large sourire Noël Le Graët. Il fallait donc trouver des arguments. Par rapport aux fans de foot, Canal était quand même mieux équipée que TPS... Avec cette option, je pensais que seulement 20 % de la population aurait pu voir les matches. » TPS compte en effet 700 000 abonnés, Canal+ 4,45 millions. Mais en apprenant la décision, Le Lay est furieux. Il envoie des huissiers à la Ligue et menace d'attaquer en justice. « Je lui ai dit : "Noël, vous êtes formidable ! Depuis Euclide, personne n'a inventé une nouvelle arithmétique mais vous, vous l'avez fait ! Avec Euclide, 1 et 1 font 2 et avec vous, 1 et 1 font 3." Quant aux menaces, j'avais très mauvaise réputation, alors autant la soutenir ! Et puis ils étaient tout de même un peu dans l'illégalité. » « Le Graët a alors l'intelligence de dire aux deux diffuseurs : "Vous vous démerdez, moi j'ai 1,8 milliard dans deux ans, je veux 1,8 milliard tout de suite et vous vous mettez d'accord sur la répartition", détaille Tong-Cuong. On était en juin et la saison reprenait moins de deux mois plus tard... »

Après avoir laissé quelques jours de réflexion aux deux chaînes, Noël Le Graët leur donne rendez-vous à la Ligue, près du Trocadéro, un soir vers 21 heures. De sa fenêtre, il observe les deux clans sur le trottoir. « Je me demandais comment tout ça se terminerait. Et l'horaire, c'était pour les tendre un peu, s'amuse-t-il. Là, je vois arriver une vingtaine de personnes, entre représentants de chaîne et juristes, pour boucler le deal. À un moment, je demande à une dame : "Et vous, vous représentez quelle société ?" Elle me répond : "Moi ? Je suis journaliste au Figaro." Et elle a assisté à la finalisation de la négo ! »

Deux heures plus tard, ce Yalta des droits télé prend fin : Canal+ remporte la plus grosse part du gâteau et signe le plus gros chèque (1,6 Md de francs, 244,2 M€). TPS, elle, minimise les risques avec une seule exclusivité : la deuxième affiche, celle du samedi soir. Aurait-elle réellement eu les armes pour assumer la totalité de l'offre ? Avec le recul, Le Lay reconnaît un bluff pas si mal négocié. « En prenant tout, on était morts ! Faire changer les abonnés de maison, c'est un drôle de métier. On n'aurait pas récupéré beaucoup plus que la moitié de ceux de Canal passionnés de foot et on aurait considérablement chargé la mule financièrement. Les sommes étaient quand même rondelettes, et ce n'était qu'un contrat de trois ans... Pendant ce temps-là, Canal aurait fait de sacrées économies et nous aurait assassinés trois ans après. C'était quelque part un marché de dupes... Mais on a été emporté par notre élan. Nicolas de Tavernost et moi étions déjà contents d'avoir enfoncé un coin ! »

Les deux camps repartent donc satisfaits : TPS peut diffuser du foot dès l'été 1999 et Canal+ sauve la face avec la majorité des rencontres maintenues sur sa chaîne. « Je ne suis pas sûr que, si je n'avais pas proposé un partage, ils n'auraient pas trouvé un accord, juge aujourd'hui Le Graët. Les loups ne se mangent jamais entre eux, il y a toujours un agneau au milieu. »

Le passage en force du président de la Ligue lui aura néanmoins, selon certains, coûté sa réélection un an plus tard. « Les grands présidents sentaient le poids de la télé, évidemment. Ils se disaient : Canal ne paiera pas pour tout le monde et pour nous... Moi, je pensais qu'il valait mieux partager, et cela a pu me causer quelques problèmes après... » Un an plus tard, le président de la LNF sera en effet battu par l'industriel Gérard Bourgoin. Quant à l'affrontement Canal-TPS, il s'engagera sur d'autres fronts...

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Foot et télé payante, un univers impitoyable (2/6) : Canal + et TPS, entre coups bas et coups de bluff
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De 1999 à 2004, Canal + et TPS, les deux diffuseurs du foot, s'observent, se chamaillent et se bataillent... Jusqu'à ce que l'un des deux finisse par perdre le Championnat de France.

Le 28 août 1999, Marseille affronte Bastia en Division 1. Les fans de l'OM se branchent, comme d'habitude, sur Canal + pour suivre la rencontre. Un peu avant 20 heures, la plupart comprennent qu'ils ne la verront pas. TPS détient en exclusivité l'affiche du samedi soir mais la chaîne cryptée, dont le monopole de diffusion de la D 1 a volé en éclats un mois plus tôt, a fait croire dans sa communication à une situation inchangée. « L'offre foot de Canal + à la rentrée, c'est une bombe atomique », lance ainsi Michel Denisot, le patron des sports. Sauf que ce samedi soir, c'est plutôt une explosion de mécontentements à Marseille. Jean-Philippe Goron, rédacteur en chef et commentateur des affiches de TPS avec Raymond Domenech, se souvient avoir volontairement joué de cette passion.

« Avec Nicolas Rotkoff, le patron des sports de TPS, j'allais aux réunions de la Ligue pour le choix des matches à diffuser. On avait le deuxième choix et une seule stratégie : si Canal ne prenait pas l'OM le dimanche soir, on se jetait dessus... peu importe l'adversaire. C'était l'un des rares clubs que les Français supportaient même s'ils n'habitaient pas Marseille, c'était vecteur d'abonnements. Canal ne le vivait pas bien. Des abonnés les appelaient pour se plaindre : "Pourquoi le match de l'OM est encore diffusé sur TPS ? Remboursez-moi une partie de mon abonnement ! »

La guéguerre des chaînes déteint aussi sur le terrain. « Au début, Canal refusait qu'on partage les coûts de production des matches proposés à la séance (sept au total par journée : le Kiosque sur Canal + et Superstade sur TPS). Du coup, on produisait et commentait en double les rencontres », raconte Nicolas Rotkoff. Cette très chère plaisanterie dure une saison. Quelques tensions apparaissent aussi entre journalistes.

« Par moments, confirme Jean-Philippe Goron, j'étais obligé d'en freiner quelques-uns. Ils voulaient montrer qu'ils existaient... Il y avait peut-être aussi un petit complexe d'infériorité. À l'inverse chez Canal, c'était un peu : "La vraie télé, c'est nous. Les autres, on les laisse se débrouiller." » Nathalie Iannetta, alors journaliste foot de la chaîne cryptée, reconnaît sa surprise devant ce nouveau contexte : « Honnêtement, on n'avait absolument pas anticipé cette perte. Ce que beaucoup de gens ont appelé de l'arrogance, ce qui était probablement le cas, nous le vivions comme de l'assurance. »

Outre sa couverture éditoriale, TPS doit aussi soigner son image pour se faire connaître. Zinédine Zidane est donc devenu l'ambassadeur de la marque. Même si la star des Bleus est peu utilisée, Canal +, propriétaire de la chaîne italienne Telepiù, sponsor de la Juventus Turin où joue alors Zizou, apprécie moyennement. En accord avec TPS, le joueur cassera son contrat un an avant l'échéance et signera, à l'été 2000, un deal lucratif et de longue durée avec Canal +.

En parallèle, la direction de TPS cherche aussi à nouer des accords marketing avec les équipes du Championnat. « Mais dès que j'arrivais dans un club, on me disait d'aller voir Jean-Claude Darmon (alors leader du marketing foot et créateur du Club Europe), se souvient Nicolas Rotkoff. Ils étaient quasiment tous maqués avec lui, donc avec Canal +. Le seul qui m'avait écouté, c'était Robert Louis-Dreyfus. » Le président de l'OM l'avait reçu dans ses bureaux parisiens. « Il était en jean, tee-shirt et tongs. Il me dit : "OK, on fait un deal, je ne suis pas pro-Canal, cela m'amuse de bosser avec vous." »

Résultat, la chaîne installe des gros cubes TPS un peu partout au Vélodrome ainsi que des tapis de part et d'autre des buts avec des logos 3D très visibles. « La première fois que Canal est venu à Marseille après ce deal, Michel Denisot était tellement hystérique en les voyant qu'il est descendu arracher les tapis, s'amuse Nicolas Rotkoff. Je voyais le patron du marketing de l'OM essayer de le calmer et remettre les tapis (rires). »

Tout doucement, TPS grappille des abonnés. Canal + n'en perd pas, mais sa situation financière inquiète. Pierre Lescure, le boss de la chaîne, la quitte au printemps 2002. « Quand je reprends Canal, il y a 4 milliards d'euros de dettes, se remémore son éphémère successeur, Xavier Couture. J'embauche Bertrand Méheut qui fait un boulot de redressement extraordinaire. »« Méheut, on l'appelait "Baygon vert", sourit Patrick Le Lay, PDG de TF1 et l'un des patrons de TPS. Parce qu'il venait de l'industrie chimique et qu'il essayait de remettre de l'ordre dans un bordel innommable ! »

Pour reprendre la main, Canal + comprend qu'il faut récupérer l'intégralité du foot sur sa chaîne à l'occasion de l'appel d'offres lancé en octobre 2002 par le tout nouveau président de la Ligue, Frédéric Thiriez. « J'inclus cette fameuse prime d'exclusivité de 290 M€, qui sera ensuite jugée illégale par le Conseil de la concurrence, rappelle Xavier Couture (face aux 300 M€ de TPS, Canal + propose 200 M€ plus 290 M€ supplémentaires si elle récupère tous les lots). Je savais qu'il y avait un risque mais qu'au pire, ça gèlerait les situations antérieures... Et cela m'a donné raison. »

Le deal est repoussé et Patrick Le Lay, à l'origine de la plainte, se montre très agacé par la méthode. « Je ne suis pas habitué à aller jouer au poker dans un saloon à l'ouest du Pecos. C'est un autre sport, je ne suis pas entraîné à ça », dit-il alors. En attendant le prochain combat, TPS pique, au printemps 2004, la Premier League à Canal +. « Un vrai "blast", confie Nathalie Iannetta. Cette fois, ce n'était pas un match de L 1 mais tout un Championnat perdu. Le génie de Michel Denisot s'est alors imposé : on n'avait plus la Premier League mais on avait Darren Tulett, récemment recruté pour en parler. Cela a créé une émulation intellectuelle conduisant à la conception d'émissions d'analyses pour combler le manque d'images. Notre manière de penser la télé a changé. »

Pour « tchatcher » football, Denisot tente alors, à la rentrée 2004, de recruter Eugène Saccomano, la mythique voix de On refait le match sur RTL et sur LCI (propriété de TF1). La réaction sera spectaculaire. Non seulement Saccomano reste dans le groupe TF1 mais la star du foot sur Canal +, Thierry Gilardi, est recrutée pour commenter les Bleus et animer Téléfoot. De quoi faire monter la tension, à deux mois d'un nouvel appel d'offres des droits du Championnat qui s'annonce sanglant.

Sauf que, conscients de ne pas pouvoir s'aligner sur les montants espérés par la Ligue et connaissant l'appétit de Canal +, les actionnaires de TPS vont se livrer à un vrai numéro de claquettes. « J'avais soigneusement préparé notre dossier, on avait demandé les autorisations aux banques, tout y était... mais j'avais compris qu'on ne serait jamais à la hauteur », se souvient Nicolas Rotkoff. À Canal +, le maître mot est le même que deux ans plus tôt : l'exclusivité à tout prix. « On s'est fait un peu peur, reconnaît Rodolphe Belmer, alors bras droit de Bertrand Méheut. J'avais calculé à peu près ce qu'ils allaient mettre sur chacun des quatre lots. Mais au dernier moment, on en a ajouté un peu plus pour assurer le coup. On a pensé que l'excès de dépense valait la peine. »

Le vendredi 10 décembre 2004, à 17 h 30, Frédéric Thiriez appelle Patrick Le Lay, qui attend le résultat au siège de Bouygues sur les Champs-Élysées. Le patron de TPS promet qu'il ne fera cette fois aucun recours. Après avoir raccroché, il lance à ses troupes : « Oh la vache ! 600 millions, ils ont mis 600 millions ! » Au sein de la rédaction de TPS, l'ambiance est morose. « On voit déjà les bonnes blagues des mecs de Canal sur les terrains, genre "TPS : tout pour s'enfuir" », soupire l'un des journalistes.

Au siège de Canal +, Bertrand Méheut, devenu président de la chaîne en 2003, s'impatiente toute la journée. « Les téléphones fonctionnent bien ? », demande-t-il à plusieurs reprises à son assistante. « Personne n'osait téléphoner, ni en interne ni en externe. Tout le monde connaissait l'enjeu pour la boîte », se souvient un cadre de la chaîne. Lorsqu'il reçoit la bonne nouvelle, Méheut n'a qu'une idée en tête : connaître le prix mis par l'adversaire. « De toute façon, je le saurai ! », lance-t-il à Thiriez qui finit par l'informer des... 327 M€ proposés par TPS.

Durant le week-end, ses équipes s'enferment pour préparer les notes à remettre aux analystes financiers. Le dimanche, sur les conseils de Rodolphe Belmer, il regarde depuis son bureau La semaine des Guignols de l'info. Il est seul dans la pièce avec une recrue, venue travailler à une possible fusion avec TPS : un certain Maxime Saada.

« Alexandre Bompard (le directeur des sports) avait subitement eu très envie d'aller aux toilettes, raconte en souriant l'actuel président de Canal +. Le sketch commence. "PPD" dit à la marionnette de Méheut : "Alors, vous êtes content ?" Comme Méheut avait la réputation d'être un peu glacial, sa marionnette répond : "Oui, normal." "Attendez, c'est une énorme victoire, vous avez raflé les droits du foot au nez et à la barbe de TPS", reprend PPD. "Oui, normal..." Puis la marionnette de Méheut se retourne, baisse son pantalon, montre ses fesses et dit : "Hé, Le Lay, voilà le sourire d'un homme heureux !" Dans le bureau, Méheut s'est tourné vers moi et m'a dit : "Ils vont loin quand même !" Je ne savais plus où me mettre. »

Rodolphe Belmer, lui, y voit surtout du soulagement. « Les Guignols n'étaient pas du tout aux ordres... Cela traduisait juste la grande joie de tout Canal. On avait gagné contre le groupe TF1. Le jeu allait changer ! On remporte une victoire sur le foot, le clair marche, le cinéma redevient très attrayant... » Chez TPS, Patrick Le Lay s'apprête, lui, à prendre une décision importante.

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Foot et télé payante, un univers impitoyable (3/6) : Orange, un ambitieux aux yeux plus gros que le ventre
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Alors que Canal+ finit par avaler TPS en 2005, le surpuissant Orange débarque sur le terrain du foot. La crainte engendrée sera de courte durée...

Prêt à quitter son domicile parisien, Patrick Le Lay, le boss de TF1 et de TPS, en tenue de tennis, récupère sa raquette. On est en 2005, le printemps arrive, il a demandé à son ami Christian Bîmes, le président de la Fédération française de tennis, de lui réserver un court. Quelques jours plus tôt, Didier Lombard, le président de France Télécom (propriétaire de la marque Orange), leader du secteur dans l'Hexagone, l'a appelé.

« ''Patrick, j'ai pris une grande décision. Vous êtes assis ? J'ai décidé d'investir dans les images. Écoutez bien, ce n'est pas un million d'euros, pas des centaines de millions mais des milliards que je vais investir'', raconte Le Lay. Je lui réponds : "Didier, si vous avez besoin de quelqu'un pour les dépenser, surtout faites appel à moi." (Rires.) Il me dit alors : "Ne plaisantez pas, j'ai trouvé l'homme pour gérer tout cela, c'est Xavier Couture." J'ai cru que je rêvais... »

Deux ans plus tôt, en février 2003, Couture a quitté la présidence de Canal+ mais l'ancien cadre de TF1 a eu le temps, lors de son court passage (dix mois), de tenter de rafler toute la Ligue 1 à TPS. Si le résultat de cet appel d'offres a finalement été annulé, le patron de TPS comprend qu'il ne pourra pas lutter contre la force de frappe d'Orange et de Canal +.

« J'appelle Jean-René Fourtou, président de Vivendi (la maison mère de Canal+) et je lui dis : "Vous ne voulez pas faire une partie de tennis, samedi ?", raconte Le Lay. On joue, je perds mais je ne le fais pas exprès (sourire). À la fin du match, je lui lance : "Vous ne voulez pas racheter TPS ?" Il me répond : "Vous êtes sérieux ? On peut se voir demain à 11 heures à mon bureau ?" »

Le dimanche, les deux hommes dessinent, en tête à tête, les grandes lignes du rachat, qui sera acté quelques mois plus tard. « Le jour de l'annonce, Lombard m'a appelé. "C'est signé ? Je mets le double de Vivendi !", se remémore Le Lay. J'ai conclu la conversation : "Vous ne mettrez pas le double puisque je me suis engagé." »

Comme prévu, Orange réplique et annonce la création de ses propres chaînes... Une perspective intéressante pour la Ligue de football professionnel (LFP), qui décide de lancer un nouvel appel d'offres en novembre 2007. « Impossible pour Orange d'acheter la Ligue 1 », lâche cependant Patricia Langrand, la directrice des contenus de l'opérateur. Didier Lombard confirme dans tous les médias qu'il n'ira pas miser sur ces droits. En parallèle, Canal+ martèle qu'elle ne réglera plus 600 M€ par saison.

« La dernière fois, notre offre incluait une prime stratégique liée à la concurrence, explique Bertrand Méheut, son président. Nous espérions que le Championnat allait se développer plus qu'il ne l'a fait. J'apprécie la L 1 mais n'attendez pas que je dise que c'est le premier Championnat en Europe, ce ne serait pas crédible. » Panique à la Ligue. « Bertrand disait qu'il ferait baisser les prix du foot mais moi, j'ai toujours pensé que ce n'était pas possible. L'argent dans le foot établit des effets de cliquets, analyse aujourd'hui Rodolphe Belmer, numéro 2 de Canal+ à l'époque. On a commis l'imprudence de dire haut et fort que la LFP devait être plus raisonnable, avec des niveaux financiers plus modestes. Elle s'est donc acharnée à trouver des options. »

Le jour du résultat de l'appel d'offres, Canal+ - qui a misé quinze minutes avant la dead­line ! - n'est pas seule en lice. Orange a répondu présent sur plusieurs lots. « Je souhaitais être acteur sur celui du dimanche soir, confie Xavier Couture. Si on voulait concurrencer Canal, il fallait le faire soit sur ce lot premium, soit avec un effet de masse. In fine, Didier Lombard a considéré que batailler sur ce match serait très onéreux... En plus, il y avait des pressions de toute sorte pour qu'on n'abîme pas trop Canal, le financier du cinéma français. »

L'ombre de Nicolas Sarkozy

Si la chaîne cryptée emporte finalement la majorité des lots pour 465 M€, Orange réalise un très cher coup (200 M€ par saison) avec l'obtention de l'affiche du samedi soir et des droits mobiles. Dans le milieu de l'audiovisuel, une rumeur circule : l'idée d'enchérir aurait été soufflée au patron d'Orange par le président de la République, Nicolas Sarkozy, un ami de Frédéric Thiriez. « La Ligue a-t-elle réussi à convaincre Didier Lombard ou s'est-il fait convaincre par l'exécutif ? Je n'en sais rien... Mais vu le changement soudain d'Orange, j'ai toujours pensé qu'il y avait eu une intervention », estime Rodolphe Belmer. Xavier Couture, lui, « tombe de l'arbre... À ma connaissance, et sur l'ensemble du processus, je n'ai jamais vu l'ombre de Nicolas Sarkozy planer au-dessus de cette histoire, jamais ! »

Quelques mois avant le lancement de la Ligue 1 sur Orange, en plein Festival de Cannes comme d'habitude mis en image par Canal+, Didier Lombard apparaît en une du Parisien avec ce titre : « L'homme qui va réinventer la télé. » Dans son entreprise, on a tout de même fait appel à Patrick Chêne et à sa société de production Sporever pour gérer la mécanique. « Quand on bosse dans la téléphonie, d'un coup faire de la télé, ça fait rêver, se souvient l'ancien présentateur de Stade 2. Pas mal de cadres d'Orange ont voulu s'en occuper. Mais un jour, Xavier m'a appelé pour me dire : "Tu prends tout en main sinon on ne va pas y arriver..." J'étais un peu le pompier de service. »

Orange Sport, nommée Orange Foot avant l'arrivée d'autres sports, est lancée en grande pompe le 9 août 2008 avec le spectaculaire Rennes-Marseille (4-4). Mais le contenu est réservé aux seuls abonnés Internet, histoire d'attirer des clients. Rapidement, la colère gronde chez les Français non branchés sur Orange... Dans le milieu du foot, si les box sont commandées en urgence pour suivre le match du samedi soir, certains présidents regrettent rapidement et publiquement le manque de visibilité du Championnat sur cette case.

« Jean-Michel Aulas se servait de la box chez lui uniquement pour regarder ce match, se souvient Patrick Chêne. Trois quarts d'heure avant le match, il lui est arrivé de ne pas avoir le signal parce qu'il fallait relancer la box quand tu ne t'en servais pas pendant un moment... Il n'était pas le seul. Plusieurs présidents appelaient souvent Xavier (Couture) pour savoir comment s'en sortir. »

Pour tenter de se démarquer de Canal, Orange Sport installe un camion studio itinérant près des stades, prêt à recevoir des invités après le match. Patrick Chêne a débauché Céline Géraud de TF1. Elle est accompagnée de Youri Djorkaeff ainsi que d'un duo de commentateurs inédit : Denis Balbir (ex-France Télé) et Franck Sauzée (ex-Canal +). Interrogé sur l'audience confidentielle, Balbir, qui est aussi passé par Canal, réplique : « Ça me laisse froid. J'ai commenté des rencontres sur Kiosque (service de match à la demande de Canal) où il y avait surtout les cousins et les cousines des joueurs qui regardaient. »

Les recrues d'Orange ne sont pas surpayées, à en croire Patrick Chêne : « On s'était alignés sur ce qu'ils touchaient ailleurs. Mais des mecs de Canal, j'aurais pu en recruter plein. Des présentateurs, des commentateurs et des consultants très connus... Ils me disaient : ''Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? J'aurais peut-être dit oui.'' Je les pensais trop installés, qu'ils ne quitteraient jamais Canal. J'avais peut-être tort parce que, aujourd'hui, certains n'y sont plus. »

Si Orange enrobe bien son produit L 1, celui-ci apparaît rapidement bien maigre... « Orange Sport, en fait c'était Orange samedi soir, cela ne suffisait pas », reconnaît Xavier Couture. L'opérateur de télécoms tente de rafler la Premier League à Canal+ à l'automne 2009, un coup déjà réalisé par TPS en 2004.

« On s'est un peu inquiétés, reconnaît Jean-Louis Dutaret, alors responsable des acquisitions sports de Canal +. Orange avait formulé une grosse offre dès le départ. Couture pensait gagner au premier tour. Il y en a finalement eu un deuxième, il était furieux. J'avais dit à ma direction : "Ne me demandez pas combien cela coûte, on prend une assurance vie !" Finalement on gagne et après on voit moins Orange sur les appels d'offres. On sent qu'ils lâchent un peu. »

Ce que Couture confirme. « Dès que Didier Lombard m'a dit qu'on n'avait pas d'argent pour acheter d'autres droits, j'ai vite compris qu'on n'irait pas loin. Je lui ai dit : "Il y a deux options. On arrête ou vous mettez un milliard par an entre le cinéma, les séries et le sport et on tue Canal. Mais voulez-vous tuer Canal ?" Il m'a répondu : "Non." OK, donc il vaut mieux arrêter. »

Alerté, Frédéric Thiriez s'active pour trouver un nouveau concurrent à Canal. ESPN est sondée courant 2010. La firme américaine sonne alors à la porte de Canal +. Maxime Saada, à l'époque directeur de CanalSat, l'écoute : « Ils envisagent de prendre les droits de la Ligue 1, de créer une chaîne et nous disent : "Seriez-vous d'accord pour la distribuer ?" Je leur dis : "Attendez, vous me demandez la permission de nous prendre des droits et de vous les payer ? Je ne vais pas vous faire par avance le chèque ! Le jour où vous les avez, venez me voir..." Comme ils sont très polis et que Disney (actionnaire majoritaire d'ESPN) est une société qui n'aime pas le risque, ils n'y sont pas allés. Thiriez, qui avait préparé le paquet cadeau pour ESPN, s'est retrouvé dans la mouise. »

En février 2011, Stéphane Richard succède à Didier Lombard à la tête d'Orange. Il annonce son intention de stopper la production de chaînes pour se concentrer sur l'agrégation des meilleurs contenus. Quelques mois plus tôt, Xavier Couture a rencontré en toute discrétion deux Qatariens de passage à Paris, Nasser al-Khelaïfi et Yousef al-Obaidly.

« Je ne les connaissais pas, ils travaillaient pour Al-Jazeera Sport. Ils envisageaient de lancer une antenne en France. Ils voulaient savoir comment se passait notre business et on a même parlé de l'éventualité d'une reprise de notre chaîne. » Le deal ne se fera pas. Nasser al-Khelaïfi a une autre idée

Re: Droits Tv 2020 à 2024

20 Déc 2019, 20:22

La suite :
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Foot et télé payante, un univers impitoyable (4/6) : beIN Sports, le pouvoir de la force
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Alors qu'Orange a décidé de disparaître du petit monde de l'audiovisuel sportif en France, le Qatar décide d'y investir dès 2011. Avec méthode et sans ménagement vis-à-vis de Canal +.

Printemps 2011. Charles Biétry, devenu consultant de L'Équipe TV, dîne seul au Père Claude, sa cantine du quinzième arrondissement de Paris. Sami Kebchi, ex-champion du monde de kick-boxing et organisateur de boxe pieds-poings, l'appelle : « Surtout ne bouge pas, j'arrive dans trente minutes ». L'ancien patron des sports de Canal + patiente. « Je le vois débarquer avec trois hommes, je comprends qu'ils viennent du Moyen-Orient. Mais un seul parle, en anglais, il s'appelle Nasser al-Khelaïfi. »

Al-Khelaïfi est le patron d'Al-Jazira Sport, une chaîne émettant dans une grande partie du Moyen-Orient. Pas encore connu en France, il l'est depuis quelques années dans le milieu du business des droits télé. « Franchement, il ne m'a jamais impressionné, raconte Jean-Louis Dutaret, alors responsable des droits sportifs à Canal +. Je le rencontre en 2004, une époque où les gens ne lui parlent pas. Il commence tout juste à acheter des droits. Puis, plus il a fait de gros chèques, plus les gens lui ont parlé. »

Lui-même accepte une invitation à dîner lors de l'Euro 2008 alors que le groupe Canal gère la vente des droits de la Ligue 1 à l'étranger. « On n'est même pas assis qu'il me lance : "French Championship is bullshit" (la L1, c'est de la merde), s'amuse Dutaret. Honnêtement, à l'époque, il le pense vraiment ! Mais le paradoxe, c'est qu'il est prêt à l'acheter à n'importe quel prix... Simplement, ce soir-là, il n'a pas envie. Il propose 1 million de dollars par an pour la diffuser au Moyen-Orient. Le lendemain, j'appelle son concurrent ART et on se met d'accord sur 5 millions. Finalement, Al-Jazira rachètera ART et paiera les 5 millions. »

Lors de sa rencontre avec Charles Biétry, Nasser al-Khelaïfi boucle alors un rachat d'une tout autre importance, celui du PSG pour le compte de QSI (Qatar Sports Investments, propriété du fonds souverain de l'émirat). Très direct, il ne commande ni à boire ni à manger et lance : « Voilà, on voudrait créer une chaîne de sport en France et on aimerait que vous vous en occupiez ». Biétry en sourit encore aujourd'hui : « très malin, il me flatte l'ego et me dit :''si vous refusez, on ne fait pas la chaîne''. Sur le coup, tu ronronnes un peu. »

En trois jours, l'expérimenté homme de médias prépare trois projets : un low-cost, un autre plus ambitieux et un troisième avec tout le sport et des moyens colossaux. Nasser retient l'intermédiaire et lui demande de venir le présenter à Doha, la capitale du Qatar. « Je me retrouve dans un palais gouvernemental. Une douzaine de personnes en costume traditionnel m'attendent dans une pièce, assises autour d'une table ovale. Il y a des ministres parmi eux, mais je ne les connais pas. Je fais mon speech en anglais, tant bien que mal. Honnêtement, je suis un peu déstabilisé parce que je ne sens aucun amour dans leurs yeux, aucune émotion. Je termine, on me pose deux questions, Nasser me remercie et je rentre à Paris. »

Une heure après avoir atterri, Nasser al-Khelaïfi lui annonce par téléphone la bonne nouvelle. « Tu discutes des conditions avec Yousef al-Obaidly (son bras droit à Al-Jazira et futur numéro 2 de la chaîne), me dit-il. Vous développez le projet et on commence à l'été 2012. » Le duo, vite rejoint par Sophie Jordan, loue des bureaux parisiens avenue Hoche. L'indispensable avocate française de QSI, passée par Canal+, travaille sur la première grosse opportunité : l'appel d'offres des droits de la Ligue 1. « Un an avant, personne n'imaginait qu'ils pouvaient diffuser en France, reconnaît Jean-Louis Dutaret. Puis au printemps 2011 lors du renouvellement du contrat des droits internationaux de la L1, on dit à la Ligue qu'on ne proposera pas plus. La LFP les sollicite. Ils prennent la vente... Puis j'apprends qu'ils se renseignent sur la France. J'ai des soupçons, j'en parle à Canal... mais on me rigole au nez. »

beIN Sports s'offre deux matches de L1 par journée pour commencer

Charles Biétry, lui, rédige la réponse à l'appel d'offres enfermé dans un hôtel parisien. « Les présidents de foot, je les connais bien. D'habitude, ils ne lisent pas, ils regardent le chiffre à la fin et basta ! Je me dis qu'il faut montrer qu'on est un peu différent. Je rédige ma proposition comme un roman, il y avait des choses à la première personne par exemple, je mettais beaucoup de notre amour du foot. Sophie, maligne, intégrait bien les passages juridiques nécessaires. » Pour les montants, en revanche, Nasser al-Khelaïfi s'en charge seul et préfère s'isoler pour inscrire les sommes proposées.

À Canal+, malgré les alertes du directeur des acquisitions, on sécurise simplement l'offre. « Mais on mise de manière très asymétrique, on mise beaucoup sur les droits qu'on veut absolument sécuriser pour se protéger d'une mauvaise surprise, explique Rodolphe Belmer, à la tête de la chaîne cryptée avec Bertrand Méheut. On se retrouve avec ce qu'on veut mais en face, il y a quelqu'un qu'on n'a pas vu venir et qui prend tout le reste : Al-Jazira ! » Le 23 juin 2011, le groupe audiovisuel qatarien s'offre deux matches de L1 par journée (de 2012 à 2016) contre 90 M€ par saison et ajoutera, quelques mois plus tard, 80 millions pour six autres matches et des magazines. Canal + sauve les deux meilleures affiches pour 420 M€ par an.

Pour saluer le succès d'Al-Jazira (qui deviendra beIN Sports en février 2012), une conférence de presse est organisée à la hâte au Bar Romain, près de l'Olympia, où de grands draps sont installés pour cacher les bouteilles d'alcool. La machine est lancée et inarrêtable. Après la L1, place, début décembre 2011, à la Ligue des champions, l'autre droit majeur de la télé payante où elle rafle, dès le premier tour, tous les matches de la compétition... exceptée la meilleure affiche. Depuis la création de la compétition, celle-ci est « réservée » à TF1. « Mais il nous fallait absolument réagir, se souvient Dutaret, je propose donc d'aller sur ce match. Au deuxième tour, on met le double de TF1 (50 M€) et l'UEFA se retrouve prise au piège. Elle voulait son match en clair mais en face, elle a 25 millions de plus avec nous. Elle prend une décision qui sera répétée ensuite : préférer l'argent à l'audience. C'est une vraie première, tous les matches de C1 sont attribués à la télé payante. »

Le siège à Boulogne plutôt que sur les Champs

Le lendemain, Canal + diffuse la rencontre de Ligue des champions Dortmund-Marseille (2-3). Karim Nedjari, alors directeur de la rédaction sports, se souvient d'une atmosphère pesante. « On doit être une quinzaine sur place, tout le monde fait la gueule. Une dizaine de mecs savaient qu'ils iraient à beIN... Tu ne savais plus qui était contacté ou pas... Certains me disaient''je suis triste'' alors qu'ils allaient partir. » Charles Biétry choisit Florent Houzot, en provenance d'Infosport +, pour diriger la rédaction. Et bataille pour ne pas installer la future chaîne sur les Champs-Élysées. « C'était leur idée, pour le prestige. On enchaînait les visites, mais j'expliquais que c'était très mauvais pour l'image. Il y avait déjà le Qatar, les dollars, le gaz, etc. On allait quand même chercher le public de foot, populaire. » Le siège sera finalement installé à Boulogne-Billancourt, non loin de Canal +.

La bataille pour la quête des têtes d'affiches commence. « Je suis certain qu'on va garder les meilleurs, déclare Cyril Linette, le patron des sports à Canal. Ceux qui sont partis sur TPS et Orange ne sont pas les plus heureux du monde aujourd'hui. » beIN réussira cependant quelques prises marquantes : Darren Tulett et Christophe Josse notamment. « Darren, cela m'avait choqué, raconte Karim Nedjari. Lui et d'autres recrues avaient posté une photo sur les réseaux sociaux avec des casques de chantier en disant :''qu'est-ce qu'on est heureux dans les nouveaux locaux''. Je trouvais cela étrange. Cela me rappelait les footeux qui embrassent l'écusson de leur club et qui, l'année d'après, change d'équipe en embrassant le nouvel écusson de la même manière. Dans Le Parrain, Don Corleone dit :''Il n'y a rien de personnel, ce sont uniquement les affaires''. C'est vrai, chacun joue sa vie et si tu mets de l'ego là-dedans, ce n'est pas bon. »

Très sollicité, Charles Biétry reçoit plusieurs centaines de candidatures, dont celle de Denis Balbir, en partance d'Orange Sport. « Je suis prêt à le prendre, raconte Biétry, jusqu'à ce qu'il me dise qu'il veut les mêmes conditions et prérogatives que Christophe Josse, à savoir être numéro 1. Je suis désolé mais ce n'est pas lui qui décide. »

À l'inverse, il propose à Grégoire Margotton et Nathalie Iannetta, vedettes de la chaîne cryptée, de le rejoindre à des postes à responsabilités tout en conservant du temps d'antenne. Le duo hésitera. « Quand il m'appelle, je suis hyper emmerdée, se souvient la journaliste. J'hésite, pas parce que c'est beIN mais parce que c'est Charles, mon premier patron. En plus, c'était la première fois qu'on me proposait du management, de monter une chaîne et de penser au contenu. Mais ma maison, c'était vraiment Canal, j'ai attendu un mois et j'ai dit non. » Même logique pour Margotton. En dehors de très rares exceptions, Charles Biétry ne dispose pas d'un budget illimité. « Niveau salaires, c'était plutôt la grille du service public. Idem pour les programmes. Avec Yousef, les cordons de la bourse étaient incroyablement serrés. »

Canal traîne des pieds pour la distribution

Reste enfin à signer des accords de distribution pour être accessible au plus grand nombre. Si les deals se bouclent plus ou moins facilement avec l'ensemble des opérateurs de télécoms, Canal + traîne des pieds. « Nous entretenions des relations très difficiles au début avec Nasser, se souvient Rodolphe Belmer. On avait une guerre de communication. Un jour, on trouve un accord pour la distribution mais le lendemain, un journal fait dire à Bertrand quelque chose de négatif sur eux. Résultat, l'accord collapse. »

À cette période, Belmer se rend aussi à Doha à l'invitation du ministre des Affaires étrangères du Qatar. Dans l'avion, il est repéré par un proche de Nasser qui le prend mal. Les bras droits entrent alors en scène : Maxime Saada pour Canal et Yousef al-Obaidly pour beIN. Ce dernier, en position de force, le fait savoir. « D'entrée, il me dit :''vous allez me distribuer mes chaînes, me donner tant de dizaines de millions d'euros de minimum garanti, me transférer vos abonnés Foot + vu que vous n'en avez plus besoin et j'ai besoin de vos capacités satellitaires'', se souvient Saada en riant. Il m'avait tout écrit sur une feuille. Je l'ai relue pour être sûr d'avoir bien compris et j'ai répondu : ''Donc c'est moi qui vous transfère des abonnés et c'est moi qui vous paye ?'' Ça commençait moyen... » L'accord sera finalement signé, avec d'autres conditions, quelques semaines après le lancement, le 1er juin 2012, de beIN Sports. Mais le match avec Canal ne fait que commencer.

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Foot et télé payante, un univers impitoyable (5/6) : Bolloré-Drahi, le choc des milliardaires
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En 2015, avec l'arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal+, les tensions entre la chaîne cryptée et beIN Sports s'apaisent. Mais Patrick Drahi, nouveau tycoon des médias, va perturber leurs plans.

À la rentrée 2012, les célèbres studios de Boulogne-Billancourt où se tourne le Canal Football Club chaque dimanche depuis sa création en 2008, accueillent un nouveau locataire, le Club Du Dimanche de beIN Sports. Lancée trois mois plus tôt, la chaîne a programmé une émission similaire à sa concurrente : un invité fil rouge, une même lumière, une même atmosphère mais avec un ton plus européen (Canal dispose des droits du magazine Ligue 1 dominical). « On passait nos dimanches au même endroit, à la même heure, avec la même idée, se remémore Karim Nedjari, le directeur de la rédaction des sports de la chaîne cryptée. Cela nous a permis d'être tous mobilisés. Le jour de la brocante de la ville, Bertrand Méheut (le président de la chaîne), passé au studio, s'était étonné de voir beIN collé à nous. Nos invités respectifs passaient dans le même couloir et le public des deux émissions attendait dehors, de part et d'autre du bâtiment. Certains saluaient leurs anciens confrères, d'autres ne se regardaient même pas. » Drôle d'ambiance...

Durant cette première saison, les tensions sont vives entre les deux entreprises. beIN s'est notamment offert les droits individuels de la majorité des clubs de L1, et dispose ainsi de quelques accès privilégiés. « La Grande Surface (une pastille au ton léger du CFC), on devait la tourner sur le parking des centres d'entraînement, raconte Nedjari. Et pour les joueurs du PSG (propriété du Qatar comme beIN), on devait attendre une trêve internationale pour espérer les avoir en interview via leur sélection. »

Charles Biétry, qui ne souhaitait pas voir les bureaux du PSG dans le même bâtiment que beIN - « C'était donner un argument aux vipères » -, quitte ses fonctions de vice-président de la chaîne en février 2013. « Financièrement, il avait été décidé qu'on ne ferait pas d'innovations, qu'on ne chercherait pas à faire de la nouvelle télévision, explique-t-il aujourd'hui. Qu'est-ce que j'avais besoin de rester là ? Cela ne m'amusait pas. » Peu de temps après, Nasser al-Khelaïfi, le patron du groupe audiovisuel qatarien, installera le PSG dans les locaux... « Au début, Paris est un élément perturbateur, reconnaît Rodolphe Belmer. Quand nos journalistes font des commentaires négatifs sur le club, ce dernier pense que c'est piloté... alors que pas du tout. Surtout qu'on vendait aussi le PSG à nos abonnés. Leur direction s'imaginait que notre rédaction des sports était notre bras armé. »

Au printemps 2014, la Ligue profite des tensions pour lancer, de manière très anticipée, un nouvel appel d'offres des droits de la L1 pour la période 2016-2020. Canal+ se sent logiquement menacée par la puissance de sa rivale. Elle mise donc encore une fois gros sur le must - les trois meilleures affiches - et remporte la mise pour 540 M€ par saison. Son adversaire se « contente » des sept autres matches pour 186,5 M€. Quelques minutes avant la prise de parole de la Ligue face aux médias, Rodolphe Belmer tweete « Four more years » (quatre ans de plus), parodiant Barack Obama lors de sa réélection à la Maison-Blanche.

« Quand je suis arrivé comme DG à Canal en 2003, Denisot, qui avait dirigé la chaîne avant moi, m'avait dit : ''Rodolphe, je te donne un bon conseil et c'est le seul que je te donnerai : préfère toujours pas de blague à une blague''. Ce jour-là, j'aurais peut-être mieux fait de ne pas la faire... Tout le monde était furieux. Mais moi, cela m'a fait rire. »

François Hollande s'en mêle

En 2016, une autre histoire ne plaira pas plus à la Ligue. Lors de la sortie du livre Un président ne devrait pas dire ça... de Gérard Davet et Fabrice Lhomme sur le quinquennat du président de la République François Hollande, une anecdote surprend. « On a sauvé Canal (lors de l'appel d'offres de 2014), aurait confié le président aux grands reporters du Monde. J'ai reçu discrètement Belmer et Méheut. J'ai appelé l'émir du Qatar et lui ai dit : ''Vous allez venir en France en juin, on vous a défendus par rapport aux Saoudiens, on est à vos côtés, mais là, qu'allez-vous faire sur les Rafale ? Il y a aussi l'histoire du foot... Je souhaite qu'il y ait un partage''. »

Rodolphe Belmer en sourit aujourd'hui : « Le titre du bouquin est bien trouvé... J'ai fait tout ce que j'ai pu, dans le cadre légal, pour maintenir et développer Canal. Si j'ai eu à demander à quelqu'un, je l'ai fait. C'est normal, c'était mon travail. Je ne sais pas ce qu'il a fait après. Mais que j'ai eu à lui expliquer très en détail ce qu'il se passait, les conséquences éventuelles et ce que je cherchais à obtenir, c'est possible... » Nathalie Iannetta, devenue conseillère sport de François Hollande peu de temps avant l'appel d'offres, reconnaît une forme de lobbying de Canal mais nuance : « François Hollande a parlé à Al Thani (l'émir du Qatar) puisqu'il est venu à l'Élysée. Mais jamais il ne se serait mêlé de ce dossier de manière aussi directe. Il a dit à quel point la cohabitation des deux chaînes était bonne en fait, c'était ça l'histoire. En revanche, que les gens de Canal soient venus se défendre, non seulement en tant que chaîne mais aussi comme financeur du cinéma français, oui. C'est normal que la chaîne en appelle aux pouvoirs publics quand elle est menacée, en particulier dans une bataille qu'elle considérait comme inéquitable. »

Bolloré appelle à la pacification avec beIN

Un an avant ces révélations, le 3 septembre 2015, Vincent Bolloré a mis la main sur Canal +. Le duo Belmer-Méheut a plié bagage et Maxime Saada a pris du grade, devenu directeur général avec pour mission de rapidement calmer le jeu avec beIN Sports. Une mission évoquée en ces termes : « C'est stupide, vous vous tirez la bourre avec un acteur, cela ne peut que susciter de l'inflation. Il faut pacifier la relation. » D'autant que Bolloré voit arriver dans le paysage un homme qu'il connaît bien, Patrick Drahi. Vivendi (le groupe de communication qu'il dirige) lui a revendu l'opérateur SFR en septembre 2014. Le milliardaire franco-israélien veut développer sa stratégie à la manière des opérateurs anglo-saxons : fournir du contenu premium en exclusivité pour attirer des abonnés.

Sa première attaque se formalise à l'automne 2015 sur la Premier League. « Il me dit :''vas-y, on tape fort'' », se souvient Nicolas Rotkoff qui travaillait pour lui depuis 2007 et le lancement de Ma Chaîne Sport. « Je lui dresse le tableau. Canal paye 62 M€ par an. Pour les Anglais, y a que l'argent qui compte. Et il faut absolument éviter un deuxième tour, sinon on a neuf chances sur dix de perdre. Si tu mets 80M€, t'es au deuxième tour. Si tu mets 100, t'as une chance sur deux de passer. Si tu veux être sûr, tu mets 120. » Cette troisième option sera validée et la Premier League remportée pour trois saisons. Pour son premier appel d'offres, Maxime Saada encaisse, lui, un premier coup dur. En arrivant à l'Assemblée Nationale où il est invité à dîner le soir même, il tombe sur Nicolas Rotkoff. « Il fonce vers moi et me lance : ''Je ne sais pas si je te salue ou si je te mets mon poing dans la gueule'' », se remémore, amusé, l'ancien responsable des droits sportifs de SFR.

La bataille est en revanche plus difficile à gagner face à beIN Sports et son rayonnement mondial dans un premier temps. « Là où il n'y avait pas d'appel d'offres, c'était l'enfer, explique Rotkoff. Comme beIN achetait rien que pour le MENA (le Moyen Orient et l'Afrique du Nord) pour plusieurs territoires, cela représentait des sommes colossales. Mais ils achetaient aussi pour l'Espagne, les Etats-Unis, la France. Ils nous ont piqué des droits où les gars me disaient : ''si je signe avec toi, ils me coupent le Moyen-Orient. Et comme je n'ai personne d'autre là-bas, je suis coincé. Et cela représente dix fois ce que tu me donnes sur la France''... »

De son côté, Vincent Bolloré demande à Maxime Saada de travailler discrètement à un rapprochement avec beIN Sports. Après plusieurs discussions avec Yousef al-Obaidly, devenu le PDG de beIN France, un contrat de distribution exclusive de la chaîne franco-qatarienne, dont les pertes s'élèvent alors à près d'un milliard d'euros, est envisagé. Pour le finaliser, fin 2015, Saada doit aller négocier à Doha. Avant de s'envoler pour le Qatar, il veut connaître la limite de la négociation. Bolloré se contentera d'un « Fais le nécessaire ». Le montant sera de 1,5 Md€ sur cinq ans. Mais ce deal doit d'abord être validé par l'Autorité de la concurrence. Elle le retoquera en juin 2016. Deuxième coup dur pour Saada.

La folie de SFR pour s'offrir toutes les Coupes d'Europe

Un peu moins d'un an plus tard, l'UEFA remet en jeu les droits des Coupes d'Europe pour la période 2018-2021. Dès le premier tour, SFR s'offre la Ligue Europa pour 35 M€ par saison. Pour la Ligue des champions, Canal+, beIN Sports et SFR ont proposé des sommes relativement proches. Au deuxième tour, Canal et beIN s'approchent des 300 M€. L'UEFA attend plusieurs jours avant de se décider... « La Premier League, c'est toujours très rapide, t'as pas le temps de cogiter, compare Nicolas Rotkoff. Mais quand le temps s'écoule, tu sais qu'il y a des intrigues... Là, cela avait duré quelques jours, je n'étais pas fier. Quand je cherchais à avoir une réponse, on me disait : "Non, on n'a pas décidé". » L'UEFA vérifiait alors la solvabilité du groupe. « Quand tu vois que beIN va perdre les droits des Coupes d'Europe et que Nasser al-Kelhaïfi, président du PSG, représentant des clubs à l'UEFA, est l'un des principaux acheteurs au Moyen-Orient et dans plusieurs pays, tu te poses des questions, poursuit Rotkoff. Lui a tous les numéros des patrons de l'institution. Moi, à l'époque, si j'avais appelé le président de l'UEFA, pas sûr qu'il m'aurait pris au téléphone... »

Le mercredi 10 mai 2017, peu après 23 heures, Michel Combes, le PDG de SFR, s'éclipse d'un dîner chez des amis. Un texto de son patron, Patrick Drahi, est tombé : « Nicolas (Rotkoff) m'a demandé de rajouter 100 millions, je l'ai fait et on a gagné avec 100 millions de plus ! » Le milliardaire a réussi son coup : remporter l'intégralité des Coupes d'Europe. « Quand je lis ça, je me dis qu'il est devenu givré, raconte Combes. En réalité, c'était une blague. J'ai tout de même appelé Nicolas pour m'assurer qu'il n'avait pas pété un plomb, puis Patrick pour le féliciter. » Ce n'était pas un pétage de plomb à 450 M€ mais une belle folie tout de même : 350 M€ par saison pour l'ensemble des compétitions sur trois ans (2018-2021), plus du double du contrat en cours (165 M€). L'UEFA a informé au même moment les dirigeants de Canal + et beIN Sports. Leur nuit sera rude. Ils ont perdu l'un de leurs droits socles. La LFP, elle, a observé l'affaire d'un oeil attentif et commence déjà à songer au timing de son prochain appel d'offres...

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Foot et télé payante, un univers impitoyable (6/6) : l'irruption de Mediapro bouleverse l'univers des droits
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Alors que la Ligue espère profiter de la rivalité entre Canal +, RMC Sport et beIN Sports pour nourrir son appétit de revenus en droits télé, Mediapro s'invite à la table.

Été 2017, Jaume Roures marche incognito dans les rues de Paris. Le patron de Mediapro, producteur de la Liga en Espagne mais aussi de séries et de films comme Minuit à Paris et Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen, a rendez-vous avec Didier Quillot dans un restaurant. Quelques mois plus tôt, le directeur exécutif de la Ligue a souri en voyant SFR rafler toute la Ligue des champions et la Ligue Europa pour 350 M€ par saison.

Arrivé en mars 2016, il a pour mission de faire grimper les droits télé de la Ligue 1 pour 2020-2024. Outre les diffuseurs actuels (Canal et beIN), il dispose d'un troisième candidat potentiel et en cherche d'autres pour attiser la concurrence. Son objectif : atteindre le milliard alors que le contrat en cours offre 726 M€ par an aux clubs de l'élite, loin derrière les quatre autres grands Championnats européens. « L'appel d'offres sur les droits domestiques, c'est la colonne vertébrale de votre activité, votre raison d'être numéro un, assure Didier Quillot. Cela représente la majorité des revenus du foot professionnel. »

Quillot est passé par Orange et Lagardère et son profil télécom et médias n'a pas été retenu par hasard. Avec Clifford Chance, l'historique cabinet d'avocats de la Ligue, et Matthieu Ficot, le responsable médias, il multiplie les réunions durant l'été et la rentrée 2017 pour construire l'appel d'offres le plus diabolique de l'histoire. « Je préfère le terme sophistiqué, rectifie Quillot. Il fallait l'élaborer de la manière la plus complexe possible pour créer la plus grande émulation entre les enchérisseurs. On voulait le rendre anxiogène pour inciter les participants à payer le plus possible. »

Mais aussi les rassurer en leur offrant la possibilité de sous-licencier (revendre après coup) un lot de matches acheté. Une façon aussi de faire venir les grandes agences de droits sportifs, surnommés les « grossistes », comme IMG ou Infront. Sur la mécanique d'enchères, « on a tout imaginé, confie-t-il, même des enchères à la bougie. Vous convoquez les enchérisseurs dans une salle et ils doivent remettre le dernier pli lorsque la bougie s'éteint. On a fait un benchmark de ce qui se faisait dans le monde entier sur tous les types d'enchères : les oeuvres d'art, l'immobilier, les télécoms et les droits sportifs... »

À l'automne, les planètes s'alignent. Neymar et Kylian Mbappé ont rejoint le PSG, Monaco est champion en titre, un nouvel investisseur est arrivé à Marseille, un an plus tôt, et les audiences sont en hausse de 25 % sur Canal +. Mais certains réclament de la prudence, notamment Noël Le Graët, le patron de la Fédération française de football. « Désormais, les sociétés n'appartiennent plus à une personne, ce sont des groupements, explique ce dernier. Le paysage n'arrête pas de changer. Je n'aime pas lancer les appels d'offres près de trois ans à l'avance. Moi, je les organise un an et demi avant. Mais sur le coup, je n'impose rien du tout, je donne juste mon avis. »

Patrick Drahi, le patron d'Altice (propriétaire de SFR et de la future RMC Sport), fait aussi comprendre qu'il aimerait attendre. L'opérateur au carré rouge commence à se redresser mais à la Bourse, ce n'est pas encore la joie... Canal + et beIN Sports ne semblent pas pressés non plus. Didier Quillot, lui, continue d'arpenter les salons sport et médias et discute avec tous les candidats potentiels. « Mais je n'ai trompé personne. Quand on lance l'appel d'offres, je cite devant la presse tous les acteurs que je visite : IMG, Amazon, Mediapro... Sauf que personne ne me croit. »

Candidats enfermés dans leur bunker, 15 minutes pour formuler les offres

Début mai 2018, la machine est enfin lancée, et les offres attendues pour la fin du mois. Patrick Drahi, furieux, n'y répondra pas. Le 29 mai, les candidats en lice s'enferment chacun dans leur bunker, accompagnés d'un huissier. Tout au long de la journée, ils lui remettront leur offre sur chaque lot mis en vente. Mais après l'attribution ou non du lot, ils ne disposeront que de 15 minutes pour formuler la prochaine...

De quoi jouer avec leurs nerfs. Jaume Roures, le boss de Mediapro, convaincu par le produit, a fait le voyage depuis Barcelone et mise depuis son hôtel parisien avec l'avantage de ne pas être attendu par ses concurrents. La direction de beIN est installée au siège de la chaîne et Maxime Saada, le patron de Canal +, a réservé un étage du siège de Vivendi, place de l'Étoile. Au cabinet Clifford Chance, près de l'Élysée, où sont installés les dirigeants de la Ligue et les membres du comité de pilotage, le premier résultat tombe dans la matinée.

« La règle du jeu était tellement précise qu'on n'avait rien à dire, sauf à constater les faits, se souvient Michel Denisot, membre du comité. Quand j'ai vu le premier lot échapper à Canal (l'affiche du dimanche soir), je me suis dit :''oulala, ça va être compliqué...'' » Ne connaissant pas l'identité des candidats, Maxime Saada croit à une prise de SFR et estime que l'opérateur n'a plus assez d'argent pour miser sur le reste. Il opte alors pour une stratégie claire : faire échouer l'appel d'offres en pensant que beIN ne pourra s'offrir le reste en solo.

Il mise seulement 10 M€ sur les deux lots suivants pour empêcher la Ligue d'atteindre le prix de réserve fixé et faire ainsi échouer la vente. Mais, il ne le sait pas encore, Mediapro vient de poser sur la table 590 M€ pour les deux premiers packs (les matches du vendredi soir et du samedi après-midi, outre le précieux dimanche soir incluant les dix meilleurs matches de la saison). Avec l'enchère de 330 M€ de beIN Sports pour l'affiche du samedi soir et le match du dimanche 17 heures, le compte y est. Le prix de réserve est atteint, la vente peut continuer, le milliard est en vue.

Sur le quatrième lot (les matches de moindre importance du dimanche), Canal repasse à l'action... mais se fait doubler pour 20 M€ par Mediapro. Pour les lots 5 et 7 (multiplex et magazines du lundi et du jeudi), l'huissier présent chez Vivendi écarquille les yeux. Maxime Saada s'amuse à miser 1 €. Ils ne seront pas attribués. Entre les deux, il a tenté de s'offrir le lot digital, histoire de dire qu'il proposera les buts en quasi-direct sur MyCanal. Mediapro a aussi misé... Son seul revers ce jour-là, car Free s'est invité dans la danse avec un chèque surprenant de 50 M€ C'est officiel, Canal repart sans Ligue 1.

« Cette journée aurait pu faire un bon programme télé dont on aurait aussi pu vendre les droits, se souvient Michel Denisot. J'en suis ressorti avec un sentiment très partagé. On avait un total de 1,15Md€, c'était génial pour le foot, mais, mince, il n'y avait plus Canal ! Dans l'histoire, il n'y avait jamais eu de perte totale. » Chez lui, informé, Charles Biétry, l'acolyte de Denisot pour les grands débuts de la chaîne cryptée sur le foot en 1984, verse une larme. Maxime Saada alerte de son côté les ministères sur les conséquences éventuelles de cette décision, notamment sur le financement du cinéma français et l'économie de Canal.

Le lendemain, dans L'Équipe, il remet en cause le modèle économique de Mediapro tout en ouvrant la porte aux négociations : « Je n'ai pas le numéro de Jaume Roures mais je suis sûr qu'il a le mien. On va se mettre autour d'une table et discuter. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus serein, je n'ai pas dépensé près de 800 M€ par saison. » Avant d'ajouter : « À chaque fois qu'on voyait Didier Quillot, il nous disait : "Ce sera IMG, ce sera les GAFA, etc. SFR va venir et massivement !" Il s'est trompé. Je n'avais peut-être pas tout compris mais visiblement, lui non plus. »

Le samedi suivant, jour de finale du Top 14, le président de la République Emmanuel Macron échange à la mi-temps avec le président de Canal + dans le salon de la tribune présidentielle. Ce dernier évoque une L 1 intégralement diffusée à terme par des investisseurs étrangers mais aussi le possible manque d'exposition de la future chaîne de Mediapro auprès des Français. Il lui assure également qu'il n'attaquera pas la décision en justice et que le scénario ne lui est peut-être pas finalement si défavorable.

En décembre 2018, Mediapro et beIN s'offrent cette fois la Ligue 2, avec la même répartition qu'en L 1 : huit matches par journée pour le premier, deux pour le second. Après les fêtes, Roures et Saada se rencontrent. Le Catalan, en position de force, répète qu'il ne lui revendra pas l'affiche du dimanche soir. Il est en revanche prêt à signer un accord de distribution privilégiée... mais pas exclusive de sa chaîne 100 % foot. Inévitablement, les deux hommes ne s'entendent pas sur le montant.

Au printemps, le patron de Mediapro confie alors sa chaîne française à Julien Bergeaud, un pro de la distribution, en provenance du groupe audiovisuel américain Discovery (propriétaire d'Eurosport). À lui de la rendre la plus visible possible en négociant avec tous les opérateurs, même les GAFA. Dans le même temps, Saada échange, lui, avec Yousef al-Obaidly, le président de beIN France.

Tout ce petit monde a déjà dans le viseur le nouvel appel d'offres de la Ligue des champions (période 2021-2024) attendu pour la fin d'année 2019. Le mois dernier, comme prévu, les trois bataillent, avec des offres assez proches à l'issue du premier tour d'enchères. Pour le second, Canal + ne peut pas se louper... « Au-dessus d'un montant de 300 M€, Maxime Saada doit demander des autorisations au conseil de Vivendi, précise Vincent Bolloré, le patron du groupe. Pour la Ligue des champions, il est venu déposer cette demande. » Et pour cause, il dépensera 310 M€ par saison pour diffuser les deux meilleures affiches par semaine, une première dans l'histoire de la chaîne.

Il enchaîne, quelques jours plus tard, en actant le rachat des deux matches de L 1 de beIN« au prix » - 330M€ par saison dès août prochain - et la gestion exclusive de la distribution de la chaîne franco-qatarienne. À la veille d'une réunion clé entre Mediapro et les présidents de L 1 et L2, il confirme aussi sur Twitter avoir récupéré la meilleure affiche de Ligue Europa, concluant son annonce d'un « Hat trick » (triplé).

Le coup de com'est réussi. Jaume Roures lui renverra la balle en annonçant discuter avec Patrick Drahi d'un éventuel rachat de la dernière saison de Ligue des champions à RMC Sport, puis en s'offrant tout le reste de la Ligue Europa et ce vendredi, les multiplex de Ligue 1 et les barrages. Le patron de Mediapro ne supporte plus non plus les messages subliminaux de son adversaire évoquant le supposé manque de stabilité financière de son actionnaire majoritaire chinois, Orient Hontai Capital.

« Maxime aime dire des choses désagréables, confie-t-il. L'accord beIN-Canal ressemble à une alliance contre nous. Maintenant, c'est plus difficile, mais je ne suis pas inquiet. Peut-être est-il déjà satisfait avec ce qu'il a, mais on va se revoir... » D'ici l'été prochain. Et la discussion promet d'être salée.

Re: Droits Tv 2020 à 2024

21 Déc 2019, 11:24

Très chouette série, le passage sur TPS qui misait tout sur l'OM parce que c'est le seul club aimé partout en France explique bien la haine de out le monde contre nous 8)

Le seul truc c'est assez dépendant des gens interrogés, par exemple on sent qu'on donne à Saada (qui communique beaucoup avec l'Equipe) une importance démesurée alors que ce n'est rien d'autre que le petit exécutant merdeux de Vincent Bolloré.

Re: Droits Tv 2020 à 2024

21 Déc 2019, 11:37

Qu' est ce que je regrette TPS,ce bouquet était super :cry:

Re: Droits Tv 2020 à 2024

21 Déc 2019, 11:45

Moi perso je regarde que l’OM du coup il faut que je switch chaque mois entre media pro et canal en gros

Re: Droits Tv 2020 à 2024

21 Déc 2019, 15:16

Les sites de streaming ont de beaux jours devant eux.

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 12:33

Petite question: si le streaming/ l'IPTV c'était mort, qu'il fallait passer par la légalité, vous ne prenez aucun abonnement, vous prenez, Canal, vous prenez Mediapro, ou vous prenez les deux?

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 12:36

boodream, honnetement est ce qu'un monde sans streaming vaut il vraiment la peine d'y vivre ??

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:12

boodream a écrit:Petite question: si le streaming/ l'IPTV c'était mort, qu'il fallait passer par la légalité, vous ne prenez aucun abonnement, vous prenez, Canal, vous prenez Mediapro, ou vous prenez les deux?


Je vais avoir à me poser la question bientôt. Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je pense garder Canal mais Mediapro annonce un prix bien trop haut juste pour 2 matchs de l'OM par mois. Je pense que je vais arrêter BeIN, malgré la NBA, que je suis toujours beaucoup mais que je regarde moins paradoxalement.

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:22

320cds, par curiosité, pourquoi tu vas te poser la question bientôt? Mort de l'ipTV?

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:26

boodream, on pourrait en faire un sondage en tête de topac, mais je sais pas si on a toutes les infos pour faire un choix clair. :-k

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:31

peezee, en v(rai c'est un peu pour un truc que je suis en train de faire au boulot que je demande donc je trouverais un sondage intéressant mais j'aimerais avoir des infos plus "quali" genre vos avis. Ta remarque est intéressante (pour nourrir ce que j'ai la flemme de terminer), tu estimes que ce n'est pas clair à quel niveau?

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:42

Je suis ça d'assez loin donc je me trompe peut-être, mais il me semble qu'on ne connaît pas encore tous les tenants et aboutissants concernant la nouvelle offre de diffusion des matches : quel diffuseur pour quels matchs via quel medium et à quel prix.

Ce qui me semble nécessaire avant de balancer un SALC sur le topac pour que chacun puisse y réfléchir et répondre, mais bon c'est juste mon idée à l'instant t.

Après si on peut faire un tableau clair complet et exact de tout cela, on l'insère en début de 1er post du topac et on ajoute le SALC. redaface2

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 14:52

Le truC qui crée de la confusion, c'est que les cases horaires et ls choix de matchs ne ont pas corrélés;

Canal diffusera 2 matchs par semaine et aura 28 fois le premier choix, 10 fois troisième choix, et 38 fois le 4éme choix.
Mediapro diffusera tout le reste soit 8 matchs part semaine dont les 10 meilleures affiches.

En gros ça veut dire OM/PSG a/r et OM/Lyon a/r chz Mediapro mais pas mal de matchs de l'OM chez Canal aussi

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 15:08

boodream, mais il manque pas mal d'infos sur les droits tv de différents sports / compétitions, non ? Par exemple si mes souvenirs sont bons les droits de la NBA, de la F1 et d'autres sports expirent en 2020. Il doit y avoir d'autres éléments du genre qui ne sont pas tranchés, et qui pourraient peser dans la décision de prendre tel ou tel abonnement.

Si on parle juste du foot, comme 320cds le dit je trouve le prix de Mediapro trop élevé. Canal a également l'avantage de la PL.

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 15:12

Ok donc si je capte bien les "gros matches" (ou supposés tels) de l'OM seront sur Mediapro, la majorité des autres matches de l'OM sur Anal - encore que si l'OM se maintient en haut de tableau les années à venir on peut imaginer que Mediapro choisisse de diffuser aussi des OM/Moco, OM/Lille, OM/Sainté etc... donc Canal devrait se contenter des OM/Dijon et autres OM/Amiens (avec tout le respect toussa etc...). Am I right ?

Mais je pensais aussi aux matches de Champions League (voire Europa League), on a les infos sur ça ?

Re: Droits Tv 2020 à 2024

06 Jan 2020, 15:16

Moi je prends tout ce qu’il faut pour voir l’OM dans de bonnes conditions déjà aujourd’hui c’est ce que je fais parce que j’ai pas envie de devoir valerer à trouver le bon site à avoir la bonne qualité etc.
Je le faisais il y a pas si longtemps avec Anal et Bein mais le prix de ce dernier passait encore
La celui de MédiaPro me fait un peu peur mais de toutes façons si c’est la seule solution je le ferai y a clairement pas moyen que je rate un match (et ça fait peur aussi ça :mrgreen:)
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