Information
Mediapro, pression et dépôt de bilan : Le conflit LFP-DAZN en 4 questions
La LFP et DAZN ont engagé un bras de fer jeudi. Les premiers ont assigné en référé les seconds qui ont décidé de ne payer que 50% de l'échéance de février des droits TV de la L1. Se dirige-t-on vers une nouvelle crise des droits TV et, in fine, à un nouveau désastre pour les clubs français ? Tentative de réponse et d'éclaircissement d'une situation où le bluff semble jouer un rôle majeur.
Que se reprochent les deux entités ?
DAZN reproche à la Ligue d'avoir gonflé le nombre d'abonnés du diffuseur précédent et des conditions d'exploitation difficiles en partie liées au piratage et au manque de coopération de certains clubs pour mettre en valeur le "produit Ligue 1". "Mi-décembre, nous sommes allés voir la LFP avec un plan d'action pour mieux protéger notre exclusivité, lutter contre le piratage, bénéficier d'un meilleur soutien des clubs pour rendre le produit Ligue 1 beaucoup plus attractif, a confié à l'AFP Brice Daumin, le patron de DAZN en France. Mais elle n'est jamais revenue vers nous. Alors le 5 février, nous avons payé la moitié du montant dû, 35 millions et mis les 35 millions restants sous séquestre en attendant une réponse de la Ligue. Pour créer un électrochoc".
Voilà qui ressemble donc à un gros coup de pression de la plateforme britannique. Celle-ci mesure sans doute que le prix payé l'été dernier ne correspond pas au marché et tel est aujourd'hui, même si DAZN ne l'avouera pas, le vrai fond du problème. Bien plus que le manque de contenus inside au cœur des clubs… Le diffuseur est très loin de son point d'équilibre (1,5 million d'abonnés alors que seulement 500 000 Français se seraient abonnés aujourd'hui) et cherche tous les moyens et les prétextes possibles pour faire baisser la note. Il veut réviser les termes du contrat et tente ainsi de passer en force.
La LFP, elle, protège ses intérêts et ceux de ses clubs en assignant en référé le détenteur des droits de la L1 pour débloquer en urgence le reste de l'échéance à savoir 35 millions d'euros.
Le conflit va-t-il dégénérer ?
C'est loin d'être certain. Malgré ce référé, les deux parties continuent de discuter du litige qui les oppose, selon plusieurs sources proches du dossier. Dans un entretien au quotidien Le Parisien le 19 décembre dernier, Vincent Labrune assurait souhaiter "le succès de DAZN à tout prix", tout en reconnaissant que le diffuseur avait "peut-être fait une erreur en tapant un peu fort au départ sur les tarifs".
"Nous sommes là sur du long terme comme dans chaque pays où nous possédons des droits, a tempéré Brice Daumin dans les colonnes du Figaro jeudi soir. On ne veut pas activer cette clause (ndlr : DAZN peut se retirer dès novembre si le seuil des 1,5 million d'abonnés n'est pas atteint), ce serait un désastre pour tout le monde." Aujourd'hui, le point de non-retour n'a pas été atteint et l'épisode actuel est, encore une fois, à lire comme un gros coup de pression du diffuseur pour revoir les termes de son contrat.
Se dirige-t-on vers un Mediapro bis ?
Pas sûr, là non plus. DAZN a mis les 35 millions d'euros qui font défaut à la Ligue sous séquestre. Il faut donc comprendre que contrairement à Mediapro, le diffuseur actuel a les fonds nécessaires pour honorer son contrat. La situation financière des deux entreprises est incomparable. Quand Mediapro, ruiné, avait dû quitter la partie au bout de quatre mois de diffusion, DAZN compte aujourd'hui sur des investissements puissants venus d'Arabie Saoudite. La plateforme qui ambitionnait de devenir le Netflix du sport est plutôt en pleine expansion et a notamment acquis pour le monde entier les droits de la prochaine Coupe du monde des clubs contre un milliard d'euros.
Pourquoi les clubs français sont dans l'urgence ?
Parce que leurs finances, pour la plupart d'entre eux, sont déjà dans le rouge écarlate. Le COVID, le fiasco Mediapro et la chute drastique des droits TV ont placé les pensionnaires de L1 dans une grande précarité financière. Notamment ceux qui ne sont pas adossé à une grande fortune. "Si on ne vend pas Tamari et certains joueurs cet hiver, c’est peut-être un dépôt de bilan, assure Laurent Nicollin, président de Montpellier dans les colonnes de Midi Libre. Il faut être conscient que la holding familiale peut abonder, mais ce n’est pas extensible."
Angers, Le Havre, Reims, entre autres, naviguent dans des eaux très troubles. C'est pour eux notamment que la LFP a réagi de façon épidermique au coup de pression de DAZN. A moyen terme, la Ligue 1 s'inquiète aussi d'un possible désengagement de DAZN en novembre prochain alors qu'une clause pourrait lui permettre de rompre son contrat. La LFP ne sera pas en position de force pour repartir dans un cycle de négociation de ses droits de diffusion et la Ligue 1 pourrait connaître une nouvelle crise.