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Laurent Nicollin, président de Montpellier : « Tout n'est pas de la faute de Vincent Labrune »
À la veille du déplacement de son équipe ce vendredi à Paris, le patron de Montpellier a raconté les enjeux d'un dirigeant de L1 dans le marasme actuel et confirmé sa fidélité à Vincent Labrune, qui brigue un nouveau mandat de président de la LFP.
« Et n'oubliez pas de vous abonner à DAZN! » En conclusion d'un entretien téléphonique d'une bonne heure ce jeudi, où il n'a pas si souvent versé dans son petit défaut, un vocabulaire fleuri, Laurent Nicollin se permet d'être taquin. Cet été, entre l'épisode des droits télé et la gestion complexe de son club, il a parfois frôlé la sinistrose. À l'approche de l'élection du président de la LFP, il a retrouvé du peps et défend vaille que vaille son choix de 2020, déjà, son ami Vincent Labrune.
Concernant la santé de votre club et du foot français, vous avez semblé tirer la sonnette d'alarme. Pourquoi ?
Je n'ai pas à lancer de cri d'alarme, chaque club a sa structure, ses besoins financiers. Quand nous sommes passés devant la DNCG, après la fin de saison dernière, nous avons préparé un budget prévisionnel de club de milieu de tableau L1, en concertation avec l'instance. Sur le volet des droits télé, on est partis sur la même base que lors des saisons passées, en espérant gagner un peu plus d'argent une fois les négociations pour la période 2024-2029 terminées. On n'envisageait pas une perte. Alors quand les droits télé sont tombés, et que je dois composer avec 7 M€ au lieu des 19,5 M€ budgétés, cela m'a fait un choc.
Comment gérez-vous une telle déflagration ?
Fin juin-début juillet, la saison est déjà lancée. Donc la marge de manoeuvre réduite. L'économie principale se fera sur la masse salariale, mais c'est un processus sur deux ou trois saisons, cela ne va pas se régler sur deux mois. On va proposer des salaires moins importants, intégrer plus de jeunes. C'est le seul levier possible.
Ces dernières saisons, Montpellier a toujours réussi à vendre des joueurs, mais a connu une inflation de sa masse salariale...
Les ventes permettent d'équilibrer le budget, mais quand tu as subi un Covid, que tu as enchaîné sur Mediapro... Et encore la LFP nous a permis de récupérer le contrat d'Amazon et CVC, pour Montpellier, cela a représenté un total de 33 M€ réglés sur deux saisons, un apport artificiel qui a permis de sauver les clubs français, en attendant des droits télé bien plus importants. Donc on avait moins de contraintes sur la masse salariale. Maintenant, il va falloir répercuter l'onde de choc.
Comment ? L'inflation de votre masse salariale est nette...
Quand tu récupères des joueurs prêtés par des clubs étrangers, ils ont des salaires trop élevés. Il faut faire comprendre aux entourages et aux joueurs qu'ils seront moins payés. Le joueur "moyen plus" ne peut plus avoir la même rémunération. Et restructurer ta masse salariale, cela passe par des départs, et cela ne se fait pas en deux mois. On a ciblé deux-trois joueurs à recruter, tout est calé, mais sans départ...
Montpellier n'a embauché aucun joueur, mais n'en a pas cédé beaucoup...
Tout le monde dit qu'on n'a pas pris de joueurs, mais on a un effectif avec tous les postes doublés, effectivement, le seul hic étant la blessure de Christopher Jullien (ligament croisé antérieur du genou droit). Il y a du monde, une équipe compétitive. Certains savent qu'ils sont appelés à partir, d'autres ne le veulent pas... On ne vend pas toujours les joueurs qu'on souhaite.
Président de Foot Unis, le syndicat des clubs pros, vous êtes appelés à jouer un rôle décisif en parrainant les candidats postulant au collège des indépendants du Conseil d'administration de la Ligue, dont sera issu le futur président de la LFP. L'élection, prévue le 10 septembre, arrive-t-elle trop tôt, comme le pensent les clubs de L2 et le sénateur Michel Savin ?
Chacun peut s'exprimer, mais si on s'adapte au rythme politique, on va attendre le prochain ministre, faire durer sur six mois ? On nous a vendu le 10 septembre comme une date d'anniversaire. Alors je ne suis pas plus royaliste que le roi. Si on m'avait dit le 25 septembre, j'aurais dit ok, le 10 octobre, j'aurais dit ok. Nous avons notre assemblée générale de Foot Unis le 29 août, nous allons recevoir les six ou sept candidats, un quart d'heure chacun, et on se décidera ensuite. On va repartir sur une page neuve, et non blanche.
Une campagne aussi courte pourrait favoriser le président sortant, les autres candidats ont moins de temps pour convaincre...
Mais ils n'ont pas besoin d'un mois et demi ou deux mois pour expliquer, certains nous appellent, j'ai eu Cyril Linette au téléphone, par exemple, ils nous détaillent leur projet. On ne va pas gérer la France, ou faire décoller les fusées de la NASA, il faut redescendre un peu sur terre...
Contrairement à l'autre force (l'UAF qui réunit les syndicats représentant joueurs, entraîneurs, arbitres, médecins et administratifs), Foot Unis va-t-il parrainer tous les candidats, comme on l'entend dire ?
Non, non, ce n'est pas la fête à neuneus, je ne sais pas d'où ça sort. On peut en parrainer trois, quatre, six ou douze. J'ai eu David Terrier, vice-président de l'UNFP (pilier de l'UAF), et on est en phase sur certaines choses, on communiquera peut-être ensemble sur nos parrainages. Il y a trois postes à pourvoir, un ira à Karl Olive, de toute façon, il serait logique que le second soit pour Vincent Labrune et on verra pour le troisième.
Vincent Labrune est comme un membre de votre famille. Une fois qu'on a posé cela, n'emmène-t-il pas le foot français dans une impasse ?
Je l'apprécie et je l'apprécierai toute ma vie. On passera nos vieux jours à rigoler de tous ces... (il s'arrête avant l'injure). On a eu beaucoup de chance de l'avoir quand il y a eu Mediapro, il a bien géré avec l'État pendant les difficultés post-Covid, il a géré de main de maître CVC, on était très content d'avoir cette manne. Sans lui, on courait à la catastrophe. Il n'est pas arrivé ce qu'il souhaitait sur les droits télé domestiques, mais il y a les droits internationaux qui progressent, le naming en hausse avec Mc Donald's...
Il a été en échec sur la valorisation du foot français, son mantra...
Mais on ne va pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il a fait plus de bonnes choses que de mauvaises. Tout n'est pas de sa faute. Maintenant, DAZN est là, beIN est là, donc pardonnez moi de faire de la Real Politik, mais on ne va pas inventer des "Si untel avait négocié avec Canal + etc." Le système va être le même, et je ne vois pas un nouveau guide arriver et inventer une fontaine à eau chaude. Que ce soit Labrune, Zézette ou Popol, il doit composer avec l'économie et la donne actuelle sur les trois ou quatre prochaines années.
Vous n'avez pas envie de lui tapoter l'épaule et de lui parler des frais de fonctionnement de la LFP ?
Ce train de vie n'est plus possible, forcément, il était calibré sur des droits télé à un milliard d'euros. Des dirigeants de clubs bossent avec la Ligue sur ce dossier, pour réduire les coûts, au niveau de la LFP et de LFP Médias. Entre les frais de structure, les gens qui ne seront pas conservés, des économies seront faites, et si notre club peut récupérer un ou deux millions au passage...
Vous êtes optimiste pour la suite ?
Bah déjà, j'aimerais dire aux gens d'arrêter le DAZN bashing. S'abonner est vital pour l'économie des clubs, s'ils arrivent à 1,5 million d'abonnés, les clubs toucheront une prime collective de 50 M€. Pour moi, sans cesse se plaindre que rien ne va est une incohérence. Le contrat est signé, je suis loyaliste.
Vos bons copains, quand ils rechignent à payer l'abonnement, que leur dites-vous vraiment ?
Déjà, ils sont tous abonnés à beIN. Et pour DAZN, je leur dirais : 30 €, c'est le prix d'un restau un vendredi soir. Donc cela fait un vendredi dans le mois, sur quatre, où tu ne vas pas au restau pour te payer ton abonnement DAZN. Voilà ma comparaison. Tout est proportionnel.
En parlant de copain, vous retrouvez Nasser al-Khelaïfi pour ce match. Vos liens sont parfois critiqués.
J'apprécie Nasser, on se prendra un thé avant le match, mais si jamais on discute trois fois par an au téléphone, c'est le bout du monde. Je ne suis inféodé à personne. Je n'ai pas attendu Vincent Labrune pour manger dans des trois étoiles, je dois cela à mon père et mon grand-père qui se sont levés tôt le matin, avant nous. Je n'ai jamais eu de contrat pour les poubelles au Qatar, nous avons fait une étude sur place par le passé, mais cela n'a débouché sur rien. Je travaille avec Lyon, Strasbourg, Lille et peut-être bientôt avec d'autres sur leurs stades, mais je ne suis inféodé à personne.