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Piratage
Qu’est-ce que l’IPTV, ce décodeur pirate qui permet de regarder la Ligue 1 à un prix dérisoire ?
La Ligue 1 fait sa rentrée sur la plateforme DAZN dont les prix d’abonnement suscitent l’indignation chez les amateurs de football. Cette politique tarifaire rend très attractive l’utilisation d’un boitier IPTV illégal. Libé fait le point sur ce décodeur et les risques qu’encourent les utilisateurs.
par Lucas Zaï--Gillot
publié le 16 août 2024 à 19h40
Comment regarder la Ligue 1 sans crever son portefeuille ? Vendredi 16 août, le PSG sans Mbappé va retrouver la pelouse pour y affronter Le Havre et donner le coup d’envoi à cette nouvelle saison de Ligue 1, désormais sponsorisée par McDonald’s, sous les caméras de la plateforme DAZN. Mais cette année, il va falloir débourser minimum 30 euros par mois pour voir 8 des 9 rencontres d’une journée. Face à ces prix exorbitants, le service de streaming sportif britannique se justifie dans les colonnes de l’Equipe : «Les prix ont beaucoup augmenté ces dix dernières années et l’inflation touche tout le monde.» Et de faire remarquer qu’un billet pour assister à un match en tribune coûte «entre 50 et 80 euros en moyenne pour les moins chers [pour les plus grosse affiches, ndlr]».
Malgré cette défense, les footeux y vont de leurs stratégies plus ou moins légales pour éviter de payer : trouver le pote d’un pote qui a un abonnement, boire un verre dans un bar qui diffuse le match, cliquer sur le lien d’un obscur site streaming gratuit via un canal Telegram ou enfin passer par un décodeur IPTV. Un petit boîtier qu’il suffit de brancher à son téléviseur pour avoir accès illégalement à quantité de contenus audiovisuels.
C’est quoi un IPTV ?
Quand on allume son téléviseur, le signal TV qui permet de regarder son émission peut être acheminé par plusieurs moyens : les fréquences hertziennes captées avec une antenne râteau qui permet d’avoir accès à la TNT ; les signaux satellites captés par une parabole permettant d’avoir accès à des chaînes ou encore une connexion internet. C’est cette dernière option qu’on appelle IPTV, acronyme pour Internet Protocol Television. Ce dispositif permet d’avoir accès aux plateformes de VOD comme Netflix, Disney + ou Prime Video. Des services auxquels les plus vieux modèles de téléviseurs ne peuvent avoir accès, sauf avec un IPTV, qui leur permet de recevoir tous les signaux internet.
Aujourd’hui ce décodeur est très souvent fourni par un fournisseur d’accès à Internet (FAI) quand on souscrit à une offre internet, téléphonie et TV. C’est la solution IPTV la plus classique qui est proposée par Free, Orange SFR, Bouygues etc. Selon l’Arcom, la réception de la TV par internet est le premier mode d’accès à la télévision. Au second semestre 2023, 69,3 % des foyers français équipés d’un téléviseur ont recours à l’IPTV et l’écrasante majorité de ces foyers connectés en IPTV le sont grâce à un fournisseur d’accès à Internet (83,7 %).
Est-ce que c’est légal ?
Dans la majorité des cas, oui. Si le fournisseur d’IPTV paye une licence lui donnant le droit de diffuser du contenu qui ne lui appartient pas, c’est légal. Le fournisseur fait donc souvent payer un abonnement à ses utilisateurs, le choix que MolotovTV comme d’autres services de streaming (Netflix, Amazon Prime Vidéo) ont fait. Là où ce n’est plus légal, c’est quand les contenus diffusés grâce à un boîtier IPTV sont piratés.
Ces boîtiers IPTV pirates fonctionnent exactement comme des décodeurs légaux, mais les contenus diffusés ont été piratés. Cela permet aux détenteurs de ces boîtiers d’avoir accès, moyennant un abonnement de 20 à 50 euros par an, à l’ensemble des programmes TV, y compris les programmes accessibles par abonnement. Face aux morcellements des offres de streamings, des chaînes sportives et des bouquets télévisuels, le calcul est donc vite fait. Entre payer 20 à 50 euros par an pour avoir accès à un catalogue gargantuesque et payer 30 euros de DAZN par mois, plus 15 euros pour un service de streaming, plus 15 euros pour un autre… de plus en plus d’usagers ont décidé de se procurer, sur internet ou dans une boutique peu regardante, un décodeur IPTV pirate pour le brancher sur leur écran.
Que risque un utilisateur d’IPTV ?
Sur le plan légal, un utilisateur d’IPTV se rend coupable de recel de contrefaçon et risque cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Mais en pratique, aucune sanction n’a jamais été ordonnée contre un utilisateur d’IPTV en France, car les autorités cherchent notamment à traquer les diffuseurs, un chemin bien plus rapide pour faire tomber les sites. En Italie, le démantèlement d’un vaste réseau IPTV démantelé en 2022 avait permis de faire tomber 500 000 comptes utilisateur.
Selon l’Arcom, 1,8 million de personnes ont utilisé un IPTV illégal en 2023. D’après le Baromètre de la consommation de programmes sportifs publié en mai 2024 par le gendarme de l’audiovisuel, 11 % des Français déclarent recourir à des moyens illicites comme l’IPTV pour visionner des programmes sportifs en direct au moins une fois par semaine, souvent pour compléter un abonnement.
Cela suffit à faire enrager les chaînes comme DAZN ou BeIN, qui payent des droits TV de plus en plus élevés pour diffuser les matchs. C’est pourquoi, le 12 août, la Ligue de football professionnel (LFP) se vantait, dans un communiqué, avoir remporté «une nouvelle victoire judiciaire dans la lutte contre le piratage des matchs». La LFP a obtenu de la justice le blocage de plusieurs sites majeurs par les principaux fournisseurs d’accès à Internet français. Mais en 2023, l’Arcom avait fait bloquer seulement 34 diffuseurs IPTV. Il ne faudrait pas crier victoire trop tôt.