Sollicitée par beIN Sports pour participer à l'acquisition des droits de la L1, Canal+ ne se presse pas. Elle n'achètera pas directement des matches à la LFP, mais pourrait en récupérer auprès du diffuseur franco-qatarien.
Assis côte à côte, mercredi dernier, dans la tribune d'honneur du Signal Iduna Park de Dortmund, ils s'agaçaient tous les trois de la maladresse des attaquants parisiens qui n'ont pas pu empêcher la défaite du PSG à Dortmund (1-0). À la droite de Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, était installé Nicolas Sarkozy, supporter de la première heure du club parisien et l'un de ses proches, et à sa gauche, Vincent Labrune, le patron de la LFP, qui cherche à dénouer le long feuilleton des droits de la Ligue 1 pour la période 2024-2029. Comme l'a révélé L'Équipe dès le mois de novembre dernier, le diffuseur franco-qatarien beIN Sports est devenu la principale piste pour permettre au football français de trouver les ressources dont il a besoin lors des cinq prochaines saisons.
Un temps dans la course, l'entreprise britannique DAZN n'a jamais été en mesure d'augmenter son offre (500 millions d'euros annuels) pour l'ensemble des matches et n'est même pas sûre de pouvoir garantir cette somme la première année de contrat en raison, selon elle, du timing tardif de la conclusion d'un éventuel accord. Dès lors, les cartes sont aujourd'hui dans les mains de beIN Sports, qui assure être en mesure de conclure un deal dans des conditions attendues par la LFP (700 millions d'euros pour les droits domestiques et un total proche de 900 millions d'euros en y ajoutant les droits internationaux).
BeIN poussé par des intérêts multiples
Au départ, beIN Sports, plutôt en retrait depuis quelques années puisqu'il sous-licencie les deux affiches de L1 qu'il avait acquises jusqu'à la fin de la saison (le samedi soir et le dimanche après-midi) pour 332 millions d'euros annuels à Canal+, est revenu en jeu, poussé par des intérêts multiples. D'abord ceux du PSG, qui a besoin d'un bon niveau de droits au niveau national pour le fair-play financier de l'UEFA. Mais aussi pour des raisons politiques.
Emmanuel Macron, le président de la République, est en effet intervenu dans le dossier auprès de l'émir du Qatar Tamim bin Hamad Al-Thani, comme cela nous a été confirmé, il y a plusieurs semaines, par une source gouvernementale : « Pour le football, comme pour d'autres secteurs, le président se veut le VRP des intérêts français. Quand il peut aider, quand il faut prendre son téléphone, donner de sa personne, il répond présent. Il n'a pas attendu l'appel d'offres pour se soucier du football français. Mais depuis plusieurs mois, il se montre disponible s'il faut se manifester auprès de tel ou tel. Il l'a fait aussi auprès des Qataris en disant toute l'importance que l'on y attache. »
Cet appui de poids (les contacts entre le Président Macron et l'émir du Qatar sont encore « réguliers », même si le football n'est évidemment pas leur seul sujet), conjugué à l'activisme de Labrune auprès d'Al-Khelaïfi et de Yousef Al-Obaidly, le directeur général de la chaîne franco-qatarienne, a aidé à convaincre les Qatariens de prendre le dossier en mains.
Canal, enjeu clé pour la distribution
Mais pour conclure un deal, beIN Sports veut d'abord s'entendre avec Canal+. Pour obtenir un accord de distribution du groupe Canal+ qui lui permette de minimiser ses risques financiers ou le convaincre de prendre un ou deux matches pour les cinq prochaines années. Cela constituerait un vrai retournement de situation puisque Canal+ explique depuis des mois ne plus vouloir de la L1.
Ce lundi, dans les colonnes du Figaro, Maxime Saada, le président de Canal+, exclut toute négociation directe avec le football français. « Nous n'avons pas participé à l'appel d'offres, rappelle-t-il. Nous ne participons pas aux discussions de gré à gré. Nous n'avons pas d'accord avec DAZN ou beIN sur la suite. » Ce qui ne veut pas dire qu'il renonce à récupérer des matches, puisqu'il précise : « Lorsque le processus de vente des droits de la Ligue sera finalisé, nous aviserons. »
Ce « processus » n'est pas achevé, mais les contacts entre beIN Sports et Canal+, deux partenaires, sont permanents. Dans ce dossier, Vincent Bolloré, le patron de Vivendi, actionnaire de référence de la chaîne cryptée, joue évidemment un rôle central. Et Nicolas Sarkozy, un rôle périphérique car il est l'ami intime de Bolloré et très proche de l'émir du Qatar. Si au plus haut sommet, les intérêts des uns et des autres convergent, une issue positive est envisageable. Mais Canal+ n'est pas pressée de donner un éventuel feu vert à ce montage.
https://www.lequipe.fr/Football/Article ... es/1465811