Information
L'ANCIEN PRÉSIDENT DE L'OM DÉDICACERA SON LIVRE À CULTURA PLAN DE CAMPAGNE CET APRÈS-MIDI (À PARTIR DE 14H) CHRISTOPHE BOUCHET; "L'OM aurait dû toucher trois fois plus..."; Dans son dernier ouvrage, il fait le récit de 25 ans au coeur du pouvoir du foot français des clubs. Il décrit, à travers les droits TV, le cheminement qui a amené la finance, via la société commerciale de la LFP, au centre du jeu.
Comment résumeriez-vous votre enquête au coeur du football français et le récit de près de 25 ans que vous en faites ?
Je résumerais ça, malheureusement, par l'inconséquence des dirigeants français depuis 30 ans. Si on parle des hommes, cette enquête fait apparaître deux choses. Un Vincent Labrune (président de la LFP, Ndlr), que les Marseillais connaissent, qui est une espèce de gourou qui a une science de l'oralité et de la conviction qui est hors norme. Et elle fait apparaître, et pas seulement avec Vincent Labrune mais depuis beaucoup plus longtemps, une incapacité des dirigeants de clubs français à comprendre que hors du terrain, leur intérêt est d'être ensemble. Aucun n'a réussi à se détacher du résultat sportif de son club quand il parle de l'avenir économique du foot français.
Sur ce thème-là, vous citez notamment Jean-Michel Aulas, l'ancien président de Lyon...
Je suis très perturbé avec Jean-Michel Aulas. Je suis un admirateur de sa ténacité et de la manière dont il a monté son club. Et, force est de reconnaître que, par ailleurs, c'est le grand fossoyeur du foot français. Il a pris la pire option stratégique depuis 20 ans que de croire qu'être seul ferait de lui un club incontournable.
Or, ça n'existe pas. Si on met le nez à la fenêtre, à l'étranger, on voit bien que ce qui fait la beauté d'un championnat, c'est qu'il y a au minimum deux ou trois clubs qui rivalisent. La bagarre, la bataille, la rivalité, la couleur, l'opposition de régions, de territoires, c'est ça qui fait le bonheur du football. Pourquoi l'OM c'est magique ? Parce que l'OM ce n'est pas juste un terrain de foot, juste onze joueurs, c'est un territoire, une façon d'être, de penser. C'est l'anti-système, l'anti-parisianisme. C'est tout ça. La magie de Lyon, c'était Aulas, son principal frein, c'était Aulas. En résumé, il incarne avec d'autres dirigeants cette espèce de dilettantisme collectif.
Pensez-vous que, depuis un demi-siècle, tout est lié, tous sont liés, dans les coulisses du foot français (Ligue, clubs, chaînes de télévision...), que le tableau d'aujourd'hui découle de chacun des épisodes de droits TV que vous racontez ?
Oui. Collectivement, les présidents de clubs et les diffuseurs, qui sont liés comme dans une sorte de pacte de sang, n'ont pas su hisser le football français là où il aurait pu aller. Jaume Roures (ex-Mediapro) a dit un jour à Maxime Saada, le patron de Canal +, que Canal + est le principal financeur du foot français depuis 20 ans et que si le football français ne fonctionne pas, il ne peut pas s'exonérer de cet échec. Canal + a cru, dans une stratégie voisine de Jean-Michel Aulas, qu'un enfermement dans un monopole allait marcher. Il a enfermé le foot français dans un rôle secondaire qui l'a lui-même pénalisé. Il n'y a pas eu collectivement un projet de développement.
Il y a trois piliers : les dirigeants du football, les diffuseurs et les pouvoirs publics. Ces trois-là, qui auraient dû être collectivement les trois piliers d'un développement extraordinaire du foot français des clubs, ne l'ont pas été. Contrairement à l'Espagne, personne ne s'est jamais dit que le sport professionnel pouvait être un vecteur d'attractivité et de développement de notre pays.
Votre enquête nous plonge au coeur du cheminement qui a amené la finance, via la société commerciale de la LFP, dans le foot français. Selon vous, il ne fallait pas en arriver là ou ce sont seulement les conditions qui ne sont pas les bonnes ?
C'est LA bonne question. Il fallait en arriver là, à la société commerciale, de façon à éloigner un peu les propos de cour d'école de présidents de clubs, mais il était inutile de s'associer, dans ces conditions financières, avec un fonds d'investissement (CVC, Ndlr). C'est une immense bêtise. Ce qui m'interpelle, c'est que le 23 novembre dernier, la quasi-totalité des clubs ont revalidé l'accord alors que cet accord-là est nocif et toxique pour eux.
Vous estimez que l'OM, en particulier a pâti à votre époque et pâtit encore de nos jours d'un manque de reconnaissance de son prestige qui lui occasionne un manque à gagner ?
C'est parfaitement résumé. La valeur économique du championnat de France est aux deux-tiers, peut-être même aux trois-quarts, liée à l'OM et au PSG, puis au PSG et à l'OM. Ce sont ces deux clubs, comme le Barça et le Real en Espagne, qui font la valeur économique du championnat de France. Ça fait quand même plusieurs décennies que l'OM se fait voler. Je le rappelle dans le bouquin, en 2003, on prenait les droits TV, on les divisait par 20 (le nombre de clubs, Ndlr). Les Sedan ou Auxerre touchaient la même chose que l'OM. C'était une réalité.
Voilà que 20 ans plus tard, on fait un deal avec un fonds, on répartit l'argent et l'OM touche la même chose que Rennes et Nice. Je n'arrive pas à comprendre comment l'OM a accepté de se faire détrousser comme ça. Ce qui m'interpelle c'est que ça a été vrai en avril 2022 mais aussi en novembre 2023. Comment l'OM d'aujourd'hui peut faire une croix sur 200 M€ ? Je n'arrive pas à y croire. Je cherche encore l'explication. Dans ce deal avec CVC, l'OM aurait dû toucher au moins trois fois ce que le club a touché. Au lieu de 90, au moins 270 M€.
Je vais prendre un exemple, celui d'Amazon qui, en septembre, fait sa campagne de pub pour ses abonnements. Qu'est-ce qu'ils disent ? Ils ne disent pas de s'abonner pour le championnat de France, ils disent "Si vous voulez voir OM-PSG, PSG-OM et OM-Lyon, abonnez-vous". Ça démontre par A plus B de façon spectaculaire et incontestable que la valeur économique du championnat, c'est principalement l'OM avec le PSG.
La Provence