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Un deal à 1 milliard entre CVC et le foot français : cinq minutes pour comprendre pourquoi la grogne monte
Ce jeudi, la Ligue de football professionnel (LFP) convoque les clubs professionnels en assemblée générale (en visioconférence) par anticipation. Initialement, une AG ordinaire devait se tenir le 7 décembre. Seulement voilà, le club du Havre (HAC) a déposé mi-octobre deux assignations au Tribunal judiciaire de Paris visant la LFP. Conséquence : la Ligue a été amenée à revoir son calendrier.
Dans sa première assignation, le HAC vise à remettre en cause sur le fond l’accord contracté entre la LFP et le fonds d’investissement luxembourgeois CVC Capital Partners portant sur 1,5 milliard d’euros. Ce recours sera étudié en février. Mais en attendant, le HAC demande la suspension de l’exécution de l’accord CVC-LFP, arguments à l’appui. C’est le sens de la deuxième assignation, celle-ci déposée en référé et arbitrée dès le 28 novembre.
Aussi la LFP a-t-elle avancé son AG au 23 novembre, afin de faire revoter les clubs en faveur de l’accord - comme ils l’avaient fait à l’unanimité en mars 2022. L’instance ne voudrait pas se voir opposer le 28 novembre d’obstacle juridique au 3e et dernier versement de CVC à destination du PSG, l’OM, l’OL, Monaco, Lille, Rennes et Nice, prévu en fin de saison. Résumé des épisodes précédents…
Pourquoi CVC Capital Partners a-t-il investi dans le football français ?
À la suite des pertes de recettes engendrées par la crise Covid et la défection du diffuseur Mediapro fin 2020, le football pro français s’est retrouvé un temps au bord de la faillite. Aussi, Vincent Labrune, élu président de la LFP en septembre 2020, et ses équipes se sont-ils mis en quête d’argent frais, de beaucoup d’argent, pour renflouer les clubs.
Au printemps 2022, ils ont trouvé. CVC Capital Partners, un fonds d’investissement luxembourgeois parmi les dix plus puissants au monde, s’est engagé à verser 1,5 milliard d’euros à la LFP. En contrepartie, celle-ci lui a cédé, sans limitation de durée, 13 % des revenus d’une future société commerciale destinée à faire fructifier les intérêts du foot professionnel tricolore.
Très impliqué dans le sport, CVC détient déjà 13 % de la société commerciale du Tournoi des Six Nations, ou 30 % du championnat d’Angleterre de rugby (« Premiership »). En 2006, CVC a été actionnaire principal de la F1, avant de revendre ses parts fin 2016, réalisant un bénéfice conséquent au passage.
Quels montants les clubs ont-ils reçus ?
Partant d’une somme globale de 1,1 milliard d’euros, la répartition suivante a été retenue et validée par toutes les parties pour les clubs de L1 (sur la base de 20 clubs, avant le passage à 18) : 200 millions d’euros au PSG, 90 millions à l’OL et l’OM, 80 millions à Lille, Monaco, Nice et Rennes, et 33 millions d’euros pour chacun des autres clubs. Il est question de montants étalés sur deux ou trois versements selon les cas, à compter de 2022.
À titre de comparaison, la Liga espagnole, qui a également contracté avec CVC en 2021, a obtenu 2 milliards d’euros, contre 8 % des revenus de la Liga sur les cinquante prochaines années, sachant que le Real Madrid et le FC Barcelone se sont tenus à l’écart de l’accord.
Pourquoi le HAC remet-il l’accord en cause ?
Doté de 1,5 million d’euros, le club du Havre (HAC), promu et actuel 7e de L1, se considère spolié par la modalité de répartition de la manne CVC à destination des clubs. Le club présidé Jean-Michel Roussier estime faire les frais d’un angle mort dans l’accord passé au printemps 2022. De fait, le HAC, promu en L1 non pas en mai 2022, dans la foulée de la signature, mais en mai 2023, n’a pas été éligible aux 33 millions d’euros captés par les clubs de L1.
Comble de l’aberration selon Roussier, le HAC a perçu moitié moins que ses anciens homologues de L2. En l’état des textes, les clubs doivent justifier d’une présence continue en L2 sur les saisons 2021-2022, 2022-2023 et 2023-24 pour arriver à une subvention totale de 3 millions d’euros. Ce qui n’est pas le cas du Havre au motif qu’il est… monté en L1. Les dirigeants havrais en concluent qu’ils sont injustement et lourdement pénalisés. Ils se sont donc tournés vers les tribunaux pour arbitrer la situation. Le HAC demande aussi, selon les informations du Monde, un report de l’assemblée générale prévue jeudi.
Qu’en pensent les autres clubs ?
S’ils sont restés globalement discrets sur l’accord entre CVC et la LFP, les autres clubs professionnels français, particulièrement ceux qui ont le moins touché d’argent, pourraient profiter de l’occasion pour demander à Vincent Labrune certaines explications sur l’accord et ses conséquences, que tous n’avaient peut-être pas assimilés. Notamment sur le fait que le deal est « à vie », contrairement à celui en Espagne, signé pour cinquante ans.
« Là, ça va coûter 280 millions d’euros par an, et à vie, estimait récemment pour SoFoot l’ancien président de l’OM Christophe Bouchet. Car il faut bien comprendre qu’aucune date de fin n’a été fixée. CVC va percevoir à vie une commission de 13 % sur l’ensemble des revenus de la LFP. C’est un accord mortifère pour le foot français. »
Le Parisien