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Huissiers et agents de sécurité, portables confisqués, lits de camp : les coulisses des négociations des droits télé de la L1
Pour boucler la consultation sur les droits de la Ligue 1, une vingtaine d'experts audiovisuels et financiers vont vivre en vase clos pendant près de deux jours.
En quête du milliard d'euros annuels de droits télé entre 2024 et 2029, la Ligue de Football Professionnel (LFP) n'est sûre de rien, puisqu'elle est à la merci d'un marché qui dictera forcément ses prix. Mais, pour se donner toutes les chances de réussite, elle a blindé la procédure de sa consultation dans des proportions jamais atteintes. Avec un scénario haletant digne des meilleures séries proposées par les plates-formes (Amazon Prime Video, Apple TV +...) qu'elle rêve d'attitrer.
Tout démarrera lundi avec la remise des offres « qualitatives » réclamées à tous les diffuseurs intéressés par la Ligue 1. Ils doivent rendre leur copie à 10 heures. À partir de là, entre 10 heures et 10 h 30, la machine va être lancée et ne s'arrêtera, au mieux, que trente heures plus tard. Durant cette demi-heure, une vingtaine de responsables de LFP Media, la filiale commerciale créée il y a peu par la Ligue pour accueillir notamment les fonds (1,5 milliard d'euros) de CVC, vont débarquer au siège du cabinet d'avocats Clifford Chance, dans les beaux quartiers parisiens.
Entourés d'huissiers et d'agents de sécurité, ces spécialistes des médias et du marketing vont s'enfermer, sans téléphone ni ordinateur personnel. Installés dans un périmètre sécurisé, sans accès extérieur, ils vont plancher sur les dossiers qui viendront d'être remis. Pour travailler, des ordinateurs vierges, simplement équipés des logiciels Word et Excel, leur seront fournis. Ils serviront à analyser chaque dossier sur la base d'une méthodologie déposée chez un huissier pour éviter toute contestation. Cette équipe est chargée de rendre son verdict pour les offres qualitatives à 8 heures le lendemain, mardi.
Des salles de réunion transformées en dortoir
Dans le même temps, lundi, une deuxième équipe sera chargée d'étudier les garanties financières réclamées aux candidats. Une précaution née du fiasco vécu en 2018 avec Mediapro, qui avait proposé la lune au football français avant d'arrêter de régler son contrat en or dès la deuxième facture.
Pour cette mission à hauts risques, un commando d'experts composé d'employés des services financiers de la LFP, d'un cabinet de consultants extérieur spécialisé dans l'audit et de représentants de Clifford Chance a été monté. Il va noter les garanties financières et autoriser - ou pas - les diffuseurs à répondre à la consultation financière du lendemain. Un candidat pourra être totalement rejeté s'il n'apparaît pas suffisamment solide financièrement ou simplement être autorisé à concourir sur certains lots.
Le soir, pas question pour ces 20 à 22 forçats de rentrer chez eux. Des lits de camp (qui seront ensuite offerts à des associations caritatives) ont été achetés afin qu'ils restent sur place dans des salles de réunion aménagées en dortoirs pour l'occasion. Une douche sera également à leur disposition. Leur téléphone restera confisqué, mais ils auront pu transmettre au préalable à leurs proches un numéro d'urgence si un drame personnel se produisait à l'extérieur. Ils seront « assignés à résidence » jusqu'au lendemain en fin d'après-midi.
Une heure d'enchères prévue pour le lot 1
Le mardi 17, entre 8 heures et 9 h 30, un comité ad hoc aura pour mission de valider les offres qualitatives et les évaluations des garanties financières réalisées la veille. Au sein de cette structure éphémère, on trouvera Vincent Labrune, le président de la LFP, Philippe Diallo, son homologue de la FFF, Jean-Pierre Caillot (Reims), le président du collège de Ligue 1, Bernard Joannin (Amiens), son alter ego pour la Ligue 2 (dont l'appel d'offres aura lieu les 19 et 20 octobre), Laurent Nicollin (Montpellier), le patron de Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels, et Jean-Christophe Germani, le responsable de CVC Capital Partners France.
Entre 9 h 30 et 10 heures, les candidats ayant remis des offres qualitatives seront informés de leur capacité à participer aux enchères financières qui vont démarrer à 10 heures avec le lot 1 (trois matches, les choix 1, 2 et 4, valorisé par la LFP à 530 M€). Une heure d'enchères est prévue. Pour y prendre part, il faudra avoir transmis une offre de 530 M€ annuels, mais pas plus. Car le principe est de demander aux participants d'augmenter à chaque fois leur offre de 10 M€, avant qu'il ne reste plus qu'un seul diffuseur en course.
Ensuite, que le lot 1 soit attribué ou pas, on passera au lot 2 (le reste des rencontres, plus le choix 4 en co-diffusion et les choix 1 et 2 en différé, valorisé 270 M€). Pour ce lot, les enchères seront de 5 M€ à chaque fois. Les trois lots suivants, constitués de magazines, seront mis en vente sur le même principe. En fin d'après-midi, on saura si l'ambitieux objectif de Vincent Labrune (800 M€ sur les droits nationaux, en attendant de récolter 200 M€ à l'international) est atteint. Ou si la LFP doit se lancer dans une périlleuse négociation de gré à gré pour tenter de s'en sortir.