Information
Droits télé du foot français : la Ligue de football professionnel a le milliard dans le viseur
Trois ans après le fiasco Mediapro et l’arrivée d’Amazon, la LFP remet en jeu les droits de diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 à partir de ce mardi 12 septembre. Entre vieux de la vieille et nouveaux venus, passage en revue des prétendants.
par Adrien Franque
publié aujourd'hui à 12h23
C’est désormais une règle à chaque appel d’offres des droits télé du foot français : celui qui pense connaître le gagnant a de bonnes chances de se tromper. Impossible de prédire le futur diffuseur de la Ligue 1 et de la Ligue 2, d’autant plus que de nouveaux venus créent la surprise à chaque fois. Ce fut Orange Sport, puis BeIn Sports, puis Mediapro, puis Amazon. La Ligue de football professionnel (LFP) compte aussi là-dessus pour faire monter les enchères et atteindre son montant rêvé : un milliard d’euros en comprenant les droits de diffusion pour l’étranger. Compliqué, surtout si le dernier appel d’offres leur a servi de leçon.
En 2018, le groupe sino-espagnol Mediapro avait ainsi raflé la mise en déboursant 780 millions d’euros pour 80% des droits, avant de s’effondrer au moment de payer, deux ans plus tard. Amazon avait récupéré le magot à prix cassé, 250 millions annuels pour sept matchs par journée (avec le top 10 des affiches de la saison). Le reste était diffusé par Canal+ qui, avec son lot de deux matchs par journée payé 332 millions d’euros annuels (le prix de son enchère en 2018), s’estimait être le dindon de la farce. Cette fois, selon des informations de RMC et de l’Equipe, l’appel d’offres devrait être simplifié avec deux lots mis en jeu : un lot «premium» composé des trois rencontres phares de chaque journée, et un second avec les six autres. Qui se positionnera ? Passage en revue des prétendants.
Amazon, le tenant du titre
Le géant du numérique s’était octroyé la Ligue 1 pour 250 petits millions d’euros annuels en 2021, mais la donne est tout autre aujourd’hui : la firme de Jeff Bezos est-elle prête à augmenter sensiblement son offre pour garder le foot français ? Surtout, pour le diffuser depuis un peu plus de deux saisons, elle sait ce qu’il vaut. Amazon ne dévoile pas le nombre de ses abonnés. Mais, en juillet, la hausse du tarif mensuel de son pass Ligue 1 (l’abonnement supplémentaire pour avoir accès aux matchs), de 12,99 euros à 14,99 euros, a pu renseigner sur une rentabilité pas forcément au rendez-vous. D’un autre côté, Amazon ne semble pas avoir changé de stratégie dans ses investissements sur le sport au niveau mondial, poursuivant ses acquisitions de droits en Italie ou au Royaume-Uni. Et en France, Amazon a resigné en mars pour continuer de diffuser les nocturnes de Roland-Garros.
Canal+, l’historique
Toujours fâché Canal+ ? Le groupe dirigé par Maxime Saada avait tout fait pour faire baisser le prix du lot acquis en 2018 pour 332 millions d’euros annuels, sans succès. Depuis, le foot français – produit d’appel depuis les débuts de la chaîne cryptée – est rarement mis en avant dans l’offre de Canal. La chaîne préfère mettre tout son budget marketing sur le Top 14, la Ligue des champions, voire le championnat saoudien, dont elle a récemment acquis les droits après les arrivées de stars comme Ronaldo, Karim Benzema ou Neymar. Un symptôme des relations entretenues avec la LFP ? Difficile d’imaginer Canal+ se montrer très généreux dans ses enchères. Mais Canal est aujourd’hui une métaplateforme, agrégeant d’autres services de streaming. Dont plusieurs prétendants potentiels tels que DAZN ou Apple. Une offre combinée avec ces nouveaux partenaires pourrait lui permettre de proposer toute la Ligue 1 à ses abonnés. Malin.
DAZN, le petit nouveau
C’est le dernier venu, et celui qui s’est annoncé en fanfare dans les médias les semaines précédant cet appel d’offres : ce n’est pas toujours bon signe. La plateforme de streaming sportif, lancée en 2015 en Angleterre, se veut le «Netflix du sport» et diffuse déjà la Champions League, la Bundesliga ou la Liga dans d’autres pays européens. «On a déjà la Ligue 1 sur certains marchés, a expliqué le directeur commercial de DAZN, Marc Watson, à l’AFP lundi. C’est un bon produit et on pense qu’elle est un peu sous-évaluée, qu’il y a un potentiel de croissance à la fois en France et à l’international. On estime honnêtement que nous sommes le meilleur partenaire pour réaliser ce potentiel. Parce qu’on l’a fait pour d’autres, on a prouvé notre capacité à créer et augmenter des audiences dans d’autres pays.» Encore discret en France en diffusant des sports de combat depuis 2020, DAZN a pris une autre ampleur cette année : en acquérant en mai les droits de la Ligue des champions féminine de foot, et, surtout, depuis le mois dernier, avec un accord avec Canal+ qui lui permet déjà de diffuser des matchs de Ligue 1. Avant de les multiplier à l’issue de cet appel d’offres ?
Apple, le timide
Depuis l’an dernier, Apple s’est lancé sur le marché des droits sportifs avec un gros coup : les droits du Friday Night Baseball de la MLB (Major League Baseball), soit deux matchs prépondérants du vendredi. Le géant du numérique a aussi mis la main sur le soccer, avec la diffusion de la Major League Soccer (MLS) à partir de 2023 et jusqu’en 2032. Jusqu’à tenter sa chance sur le marché français ? Difficile à imaginer, même si l’arrivée d’Apple TV+ dans l’offre Canal+ – une initiative inédite pour l’offre de streaming d’Apple – pose quelques questions sur ses projets pour le marché français.
BeIn Sports, les Qataris restent dans le coup
On pensait le groupe audiovisuel qatari complètement out après s’être fait vassaliser par Canal+. Mais visiblement pas tant que ça : BeIn dit vouloir évaluer l’appel d’offres pour «essayer de voir si on peut faire de la L1, tout en respectant des investissements mesurés», a ainsi déclaré le directeur de la rédaction, Florent Houzot, en présentant la nouvelle saison de sa chaîne, jeudi. BeIn pourrait éventuellement viser le deuxième lot, moins prestigieux mais aussi moins cher.
Un autre…
La Télévision centrale de Chine ? Total ? Gulli ? Tout est possible avec les appels d’offres de la Ligue 1.
Un scénario «très probable» selon les propos de Pierre Maës, spécialiste des droits télé sportifs, à l’AFP : l’échec de l’appel d’offres. Comme en Italie, où la procédure a été infructueuse, «faute d’offre suffisante» pour la Serie A. La ligue s’est retrouvée à négocier de gré à gré avec les candidats intéressés. Ce scénario va-t-il se reproduire en France ? Réponse en octobre.