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Vincent Labrune : « On vise aux alentours du milliard d'euros »
Vincent Labrune, le président de la LFP, annonce à L'Équipe les objectifs du secteur professionnel pour les droits audiovisuels (domestiques et internationaux) de la L1. L'appel d'offres va être lancé en septembre. Il fait aussi le bilan de la saison et revient sur les derniers incidents.
Président de la LFP depuis bientôt trois ans (il a été élu le 10 septembre 2020), Vincent Labrune s'est plutôt imposé à la tête du secteur professionnel, avec notamment à son crédit d'avoir convaincu le fonds d'investissement CVC de verser 1,5 milliard d'euros aux clubs dans le cadre d'une filiale commerciale. Mais l'ancien boss de l'OM sait très bien qu'il va maintenant être attendu sur les résultats de l'appel d'offres des droits de la Ligue 1 qui va être lancé à l'automne. Et au vu de la situation économique actuelle, rien n'est évidemment garanti. En attendant, à la veille de l'assemblée générale de la LFP, il dresse le bilan « d'une très belle saison » selon lui, indécise et animée. Et met tout son poids pour soutenir Philippe Diallo, le président de la FFF, qui va solliciter un nouveau bail jusqu'à fin 2024 à la tête de l'instance fédérale.
Le bilan de la saison
« On a eu un spectacle de bonne qualité »
« La saison s'achève avec des troubles, en Ligue 1 et en Ligue 2, lors du dernier week-end de compétition.
À 48 heures près, j'étais très enthousiaste. Mais je ne vous cache pas que j'ai été assez chagriné, c'est le moins que l'on puisse dire, par les actes irresponsables et imbéciles que l'on a pu voir à Bordeaux, avec l'intrusion de ce supporter venu bousculer le joueur de Rodez, et à Ajaccio avec ces individus qui sont venus molester ce pauvre Kenzo (un enfant malade de 8 ans, invité avec sa famille et vêtu d'un maillot de l'OM). On est sur des sujets de bêtise humaine. Je ne sais pas comment on va les régler, mais on va essayer de le faire. Pour autant, sur 380 matches de Ligue 1 et c'est la même chose en Ligue 2, on a fait une très belle saison et on est sur le bon chemin.
De l'avis général, on a eu un spectacle de bonne qualité, un nombre de buts très satisfaisant (plus de 2,8 par rencontre en L1), un record d'affluence et du suspense à tous les étages dans les deux divisions. On n'a eu aucun acte de racisme ou de violence majeur, au bémol près de ceux de ce week-end. Quand on voit d'où l'on vient, avec une vingtaine de faits majeurs la saison précédente... On a pris le taureau par les cornes. Cette politique agressive contre la violence commence à porter ses fruits. Notre combat contre le racisme, la violence ou toute forme de discrimination est un axe majeur de notre projet.
Le maillot arc-en-ciel
« La saison prochaine, on sera intransigeants. Rien n'est négociable sur ce sujet »
Cette saison, des joueurs n'ont pas voulu porter le maillot arc-en-ciel, symbole de la lutte contre les discriminations.
On veut être une ligue moderne, vivante et ouverte d'esprit. Pour nous, l'opération "homos, hétéros, on porte tous le même maillot" a été un succès majeur malgré les polémiques. Il y a moins de 1 % des joueurs qui ont refusé de le porter. La saison prochaine, on sera intransigeants sur cette opération. Il ne s'agit pas de politique ou de religion mais de non-discrimination. Rien n'est négociable sur ce sujet.
Les clubs français en Coupe d'Europe et la multipropriété
« J'ai croisé les dirigeants du TFC la semaine dernière. Ils n'ont aucun doute sur leur participation à la Coupe d'Europe. J'ai envie de les écouter et de les croire »
Qu'est-ce qui vous a tout de même déplu dans cette saison que vous estimez réussie ?
La performance européenne de nos clubs. On a fait une mauvaise saison mais, malgré tout, on a conservé notre cinquième place essentielle pour le développement de notre projet. L'année où on passe à 18 clubs, on en aura sept en Coupe d'Europe.
Parmi ces sept clubs, il doit normalement y avoir Toulouse en Ligue Europa. Mais le TFC pourrait être privé de Coupe d'Europe car son propriétaire est aussi celui de l'AC Milan.
Toulouse a fait du très bon boulot. Ils ont bâti une équipe compétitive. J'ai croisé les dirigeants toulousains la semaine dernière. Ils n'ont aucun doute sur leur participation à la Coupe d'Europe. J'ai envie de les écouter et de les croire. Après, on peut débattre sur la multipropriété des clubs, dont je ne suis pas un grand fan. Aujourd'hui, c'est autorisé. Il faut faire avec.
Cette multipropriété ne peut-elle pas se faire au détriment de clubs français qui deviendraient de simples filiales de grands groupes européens et leurs variables d'ajustement ?
Il y a un risque. Si, demain, tous les clubs de L1 devenaient des filiales de clubs anglais, cela poserait des problèmes en matière de compétitivité, de spectacle et de performances européennes. Si chaque club filial ne peut pas participer aux Coupes d'Europe... C'est un sujet que l'on doit mettre sur le tapis au sein des instances internationales. En France, on a Lorient avec Bournemouth, Toulouse avec RedBird, Troyes avec Manchester City, peut-être Strasbourg demain avec les actionnaires de Chelsea... Il ne faut pas que cela se développe plus que ça. Nous, on cherche des investisseurs puissants attirés par nos quatre places en Ligue des champions (trois directes, plus une par les barrages) et la future hausse de nos droits audiovisuels.
Les droits audiovisuels
« On a une marge de progression importante sur l'international »
Un appel d'offres arrive à la rentrée...
Avec CVC, on travaille depuis septembre dernier sur l'appel d'offres qui sera lancé cet automne, vraisemblablement en septembre. On est relativement sereins. Notre objectif est 1,6 milliard d'euros de revenus annuels en 2027. Le vrai objectif pour la L1 est celui-là.
Mais qu'en est-il du prochain appel d'offres, lancé à la rentrée, pour des droits qui démarrent à partir de 2024 ?
Pour celui-là, on s'en tient au plan d'affaires élaboré en compagnie de CVC avec des revenus audiovisuels globaux (domestiques et internationaux) aux alentours du milliard d'euros. On vise aux alentours du milliard d'euros, même si le contexte macro-économique et financier est délicat. C'est peut-être un peu optimiste mais on a une marge de progression importante sur l'international. En France, c'est un peu plus compliqué, surtout quand l'acteur majeur, Canal+, ne souhaite pas participer. Mais on travaille, on voit des gens...
Les moyens des clubs français
« On n'a rien à envier aux Pays-Bas et au Portugal, nos principaux adversaires à l'indice UEFA »
Le déficit des clubs (590 millions d'euros) est toujours très important...
On a eu trois tsunamis et demi : le Covid, l'arrêt du Championnat, la défaillance de Mediapro et la baisse du trading, alors que l'on vend traditionnellement beaucoup de joueurs. Du jour au lendemain, on a été au bord de la faillite. C'est pour cela que l'on a lancé la société commerciale avec CVC. Les actionnaires des clubs ont fait de très gros efforts les deux premières années. Maintenant, c'est nous qui en faisons. On est en situation, cette saison et la prochaine, de distribuer aux clubs plus d'un milliard d'euros. Il faut que cet argent soit bien utilisé. Aujourd'hui, nos clubs ont des moyens. On n'a rien à envier aux Pays-Bas et au Portugal, nos principaux adversaires à l'indice UEFA.
Il manque des investisseurs de grande envergure qui permettraient de concurrencer le PSG.
Cette saison, ça s'est joué à un point (avec Lens). Et il y a deux ans, Lille était champion. On manquait d'atouts jusqu'à aujourd'hui pour attirer de très gros investisseurs, notamment en raison de notre fiscalité. On en a plus aujourd'hui avec quatre places en Ligue des champions. Et on distribue les droits internationaux à 100 % au bénéfice des clubs européens. On a donc des raisons d'espérer.
Le Trophée des champions
« On est en train de travailler sur trois options, toutes à l'étranger »
Le Trophée des champions n'aura pas lieu à Bangkok, en Thaïlande, le 5 août...
En effet, il n'aura pas lieu cet été en Thaïlande pour des raisons complètement indépendantes de la volonté de la Ligue. Mais c'est finalement un mal pour un bien. Cela va nous permettre de le déplacer à une date plus favorable, début janvier. Pour le lieu, on est en train de travailler sur trois options, toutes à l'étranger.
La FFF
« Les premiers pas de Philippe Diallo à la tête de la FFF sont plutôt réussis »
Le football professionnel soutient-il Philippe Diallo pour la présidence de la FFF ?
On a eu une année très compliquée concernant la gestion fédérale. Je voudrais avoir un mot sur Noël Le Graët, quelqu'un que j'ai appris à connaître. Quand il était en fonction, on ne pouvait que se satisfaire de la collaboration entre la Ligue et la Fédération. Il a un bilan sportif et financier remarquable à la tête de la FFF. Effectivement, il y a eu des écarts de communication a minima, de comportements peut-être, qui ont fait que sa position n'était plus tenable. Dans ce contexte, le football professionnel considère que Philippe Diallo est le candidat idoine pour assurer la transition. On soutient Philippe, qui est un homme discret, compétent, qui sait faire le consensus. Le binôme qu'il forme maintenant avec Jean-François Vilotte (devenu directeur général de la FFF en remplacement de Florence Hardouin) est celui qu'il fallait jusqu'à fin 2024 pour permettre à la FFF d'avancer dans un cadre plus serein.
Vous êtes membre du comex de la FFF. La gestion de Diallo vous a convaincu ?
Plutôt. Les premiers dossiers gérés par Philippe - l'équipe de France féminine avec l'arrivée d'Hervé Renard, le projet de Ligue féminine, le recrutement rapide d'un très bon directeur général, la façon de faire de sorte que la baisse des droits de la Coupe de France perturbe le moins possible le football amateur - ont été bien menés. Les choses avancent de façon sérieuse. Ses premiers pas à la tête de la FFF sont plutôt réussis.
Concernant la Coupe de France, qui va voir ses dotations baisser, les clubs pros peuvent-ils faire un effort en direction du monde amateur ?
Je n'en ai pas encore parlé avec eux. Mais je pense que les clubs pros de Ligue 1 peuvent faire un petit effort supplémentaire pour aider le foot amateur. »
La LFP respire un peu
Dans le cadre de la proposition de loi relative « à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle », le sénateur Laurent Lafon (Val-de-Marne, groupe Union centriste) a imaginé un article (10) qui a mis en émoi la LFP. Ce texte « vise à s'assurer que les diffuseurs extérieurs à l'Union européenne ne pourront pas s'approprier plus des deux tiers des droits de diffusion lors d'un appel d'offres lancé par une ligue professionnelle pour attribuer les droits de diffusion d'une compétition ». Ce qui gênerait la commercialisation des droits de la L1 et favoriserait Canal +. Les sénateurs avaient jusqu'à lundi pour déposer des amendements. Le sénateur Jean-Raymond Hugonet (Essonne, Les Républicains), rapporteur de ce texte, en a déposé un qui propose une réécriture complète de l'article 10 et la suppression de la référence aux modalités de commercialisation des droits audiovisuels par la LFP. Il n'est donc plus prévu qu'elle soit empêchée de vendre plus des deux tiers des droits en direct à un candidat dont le siège social serait en dehors de l'UE. De son côté, un autre sénateur, Bernard Fialaire (Rhône, Rassemblement démocratique et social européen), propose, lui, la suppression pure et simple de cette disposition. Reste à connaître le texte définitif qui sortira mercredi des travaux de la commission de la culture. Mais ces amendements sont positifs pour la Ligue dans sa préparation d'appel d'offres. E. M.