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Selon les présidents de club, « Canal + paye son attitude » après l'attribution des droits TV par la LFP
Les présidents de clubs de L1 et de L2 n'ont pas apprécié le comportement de la chaîne cryptée ces derniers mois.
Un opérateur de Canal + lors de Lyon-Monaco (4-1), le 25 octobre à Décines. (E. Garnier/L'Équipe)
« C'est un énorme gâchis. » Voilà le sentiment d'un président de club de Ligue 1 au lendemain du coup de tonnerre sur les droits télé de la L1 et de la L2 pour la période 2021-2024, qui a vu Amazon rafler huit matches de L1 (et de L2), dont la meilleure affiche à chaque journée, au nez de Canal +. Cette dernière a, dans la foulée, annoncé qu'elle renonçait désormais à diffuser le foot français.
En lice avec beIN Sports pour s'adjuger les lots laissés par Mediapro pour les trois prochaines saisons, la chaîne cryptée n'a pas été retenue par le conseil d'administration de la Ligue de vendredi. Pour plusieurs dirigeants de clubs, il est dommage d'en arriver de nouveau à cette situation de défiance avec un partenaire historique alors qu'avec un peu plus de bonne volonté les deux parties auraient pu s'entendre facilement.
L'offre d'Amazon, 259 M€ par saison (250 pour la L1 et 9 M€ pour la L2), et son caractère unique ont séduit les dirigeants du foot français. « Amazon était largement mieux disant, sans bonus conditionné à de futurs abonnés. Il n'y avait pas à réfléchir. Et si on ne la retenait pas, on prenait le risque de ne plus jamais la voir. Or c'est la première fois qu'Amazon met autant d'argent sur un Championnat, c'est la preuve que la L1 reste attractive, contrairement à ce que Canal a répété », explique un membre du CA de la LFP.
Mais depuis le début de cette crise des droits télé en France il y a huit mois, une forme d'incompréhension s'est installée entre la chaîne et les clubs. « Le problème est que Canal ne s'est pas comporté comme un partenaire ces dernières semaines, on avait toujours le sentiment de faire la charité, poursuit un patron de club. Canal + a passé son temps à nous dénigrer, à dire que le produit n'était pas bon, que l'on était mauvais. »
« Canal+ a passé son temps à nous dénigrer, à dire que le produit n'était pas bon, que l'on était mauvais »
Un patron de club
Outre le comportement « hautain et arrogant de Canal », selon les dires d'un dirigeant, la majorité des présidents ont eu le sentiment de se voir forcer la main pour voter dans l'urgence la réforme de la L1 à 18 clubs lors de l'assemblée générale de la Ligue le 3 juin dernier. Son président Vincent Labrune leur avait répété à plusieurs reprises, notamment en collèges de L1, que s'il n'y avait pas de changement du format des compétitions, Canal donnerait moins d'argent. Maxime Saada, le patron de Canal, avait répété dans divers médias qu'il était favorable à une L1 à 18.
Le boss de la chaîne avait ainsi été convié à cette assemblée générale de la Ligue, qui a voté cette réforme, pour expliquer la position de son entreprise vis-à-vis du football. Il s'était exprimé pendant plus d'une heure et avait à grand renfort de graphiques faits un état des lieux de la situation. « Il nous avait quand même montré avec ses slides que la L1 générait plus de prises d'abonnement que la Ligue des champions et la Premier League. Comme quoi... », se souvient un participant de l'AG.
Ce jour-là, Noël Le Graët lui avait rappelé que sans le foot, Canal + ne serait pas devenu ce qu'elle est aujourd'hui et que dans un mariage on se doit de faire des concessions et un pas vers l'autre quand ça va moins bien, sous-entendu que Canal devait se montrer plus conciliant. L'ensemble du football français, clubs et familles, avait aussi voulu envoyer un message positif et d'apaisement envers son diffuseur de toujours. À l'image de Sylvain Kastendeuch, le coprésident de l'UNFP, qui s'était engagé à ce que les joueurs soient plus disponibles pour répondre aux sollicitations médiatiques du détenteur.
Malgré ces bonnes intentions, le divorce semble proche aujourd'hui. « Même si on ne peut rien exclure, et notamment que Canal s'entende avec Amazon pour l'affiche du dimanche soir, Canal + et Saada payent aujourd'hui leur attitude, le fait de nous avoir laissés mariner des semaines après le retrait de Mediapro, de nous avoir mis au bord du gouffre », conclut un président.