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L'Equipe:
Basile Boli « Je vois Dimitri, de vingt mètres… »
Le héros de la C 1 en 1993 espère que les Marseillais vont écrire leur propre histoire en gagnant la C 3. Et il parie sur Dimitri Payet pour marquer le but vainqueur, comme lui il y a vingt-cinq ans. VINCENT GARCIA
Basile Boli restera à jamais l’homme qui a marqué de la tête lors de la finale de la C 1 en 1993 face à l’AC Milan (1-0). Mais l’ancien défenseur aimerait bien que l’OM actuel dépoussière un peu l’histoire, en rapportant un nouveau trophée à Marseille. C’est ce qu’il nous a raconté, samedi, non loin de son domicile parisien, à Neuilly. Arrivé sous l’ère Vincent Labrune, Boli, qui fait partie du conseil d’administration mis en place par la nouvelle direction, a aussi gardé son rôle de représentation. Il était au côté de Jacques-Henri Eyraud cette saison lors de certaines réunions houleuses avec les supporters ou lors des récents voyages en Afrique du président marseillais (Sénégal, Cameroun, Algérie…).
« Vous êtes toujours le dernier et unique buteur de l’OM en finale d’une Coupe d’Europe. Qui va vous succéder contre l’Atlético ? Je vois Dimitri (Payet) de vingt mètres, avec sa petite patte, tranquille (il mime avec ses mains). Même si la frappe n’est pas en pleine lucarne, je l’accepte. Et s’il marque à la 87e minute, ça serait encore plus beau. Il est en forme en cette fin de saison et je pense que ça va être sa finale.
Vous voyez donc l’OM soulever la Ligue Europa… Ça serait magnifique… Tu t’imagines, être le premier club français à en gagner deux ? Le Champions Project, ce n’est pas sur deux jours, c’est sur la durée. Mais débuter par une finale de Coupe d’Europe, il n’y a pas mieux. Alors ce n’est pas le Graal, ce n’est pas la Ligue des champions, mais c’est déjà génial.
“Il faut leur montrer qu’on est là tout de suite, qu’on est chez nous
Sur quoi l’OM peut-il s’appuyer pour gagner ? Il n’y a rien à jeter dans ce groupe. Rudi (Garcia), avec son management, a réussi à créer une cohésion. Les supporters marseillais adorent ce genre d’équipe avec un jeu débridé, ce gros mental et cette générosité. Les mecs doivent écrire leur propre histoire. Parce que manquer une finale de Coupe d’Europe (il soupire)… C’est dur. En 1991, on était en confiance contre l’Étoile Rouge (0-0, 3-5 aux t.a.b., finale de la C 1), on comptait sur “JPP”, Waddle ou Abedi Pelé pour nous sortir un truc. Et on s’est fait baiser. Les mecs attendaient les penalties. On était plus forts. Mais en face, ils avaient plus faim que nous. Cette fois encore, c’est celui qui aura le plus faim qui va gagner.
En 1993, qu’est-ce qui a changé dans la manière d’aborder le match ? Contre l’Étoile Rouge, on était prêts dans le jeu mais pas dans la tête. Tapie s’est trompé aussi en nous mettant dans un bunker. La deuxième finale, on était concentrés mais plus décontractés. C’est fondamental. Il faut avoir aussi cet objectif commun. On le sent au regard, à la façon d’entrer sur le terrain. Ils l’ont, cette saison. Rudi leur a inculqué cette valeur de groupe. Ça se voit, l’OM est une équipe, les gars travaillent ensemble. C’est pour ça que je ne suis pas inquiet.
Dans ce domaine, l’Atlético est aussi bien armé, surtout pour défendre. C’est une sacrée équipe aussi. Moi, pour ne parler que des défenseurs centraux, c’est mon domaine, je suis amoureux de Gimenez. Godin, lui, c’est un défenseur-né. Mais devant, Valère (Germain), il ne va pas se chier dessus, je te le dis. L’entame de match sera très importante. Si on les laisse faire, ils vont nous balader, nous endormir. Il faut leur montrer qu’on est là tout de suite, qu’on est chez nous.
Ah bon, Lyon, c’est chez vous ? On est en France, non ? C’est vrai que, nous, les Marseillais, c’est particulier. On est un pays dans la France. Il y a toujours nous et les autres.
Il y a eu aussi cette polémique interminable entre Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, et votre boss Jacques-Henri Eyraud. J’ai eu Aulas au téléphone. Je ne m’inquiète pas pour leur relation. Je pense que Jacques-Henri est le modèle du futur grand président. Et Jean-Michel, il sent venir une nouvelle génération. C’est comme quand Aimé Jacquet me disait : “Basile, je crois que tu vas laisser ta place à Marcel Desailly.” Bon, au début, tu ne le vis pas bien et après tu vois qu’il avait raison (rires). Quand on est là depuis trente ans, les mecs connaissent ton visage. Ça joue aussi un peu. Mais je pense que les arbitres sont honnêtes. J’ai vécu ça à Auxerre avec Guy Roux qui leur foutait la pression tout le temps. C’était pire qu’Aulas. C’est le jeu. Celui qui arrive doit s’affirmer.
Craignez-vous des débordements avec les supporters ? On n’est pas à l’abri de deux ou trois excités, mais je pense que ça va bien se passer. Jacques-Henri n’a pas peur de dire les choses aux supporters, il ne baisse pas sa culotte. J’ai assisté à quelques réunions… C’est vrai qu’à Marseille on fait un peu de bruit, on est un peu turbulents. Mais ceux qui viennent jouer ici au Vélodrome, les adversaires ou même l’équipe de France, tout le monde reconnaît qu’il y a un super public. Il y a même un Parisien qui a tweeté un de nos tifos… Un Belge, là (Meunier), il s’est fait ramasser (rires).
Allez-vous parler de votre expérience devant le groupe ? Non, même si on me le demande, je n’ai pas envie. Je ne veux même pas qu’on me voie. Créez votre légende, les gars, je serai l’homme le plus heureux du monde. Et je ne serai pas le seul à Marseille et en France. Deux Coupes d’Europe, les enfants… Déjà, il n’y a pas beaucoup de clubs qui ont joué cinq finales.
Que retenez-vous de ce parcours ? Ç’a commencé mollement mais tout s’est accéléré car la Coupe d’Europe est particulière pour ce club. Konyaspor (le 14 septembre dernier), la grève des supporters, c’était compliqué mais Jacques-Henri a bien géré. Il s’est fait incendier mais il a tenu. Qui se rappelle aujourd’hui de cette période ? Nous aussi, en 1993, les choses avaient démarré doucement. Et puis il y a eu Glasgow. C’est là que notre équipe est née contre les Rangers à Ibrox Park (2-2, le 26 novembre 1992). Le match fondateur, cette saison, c’est Leipzig (5-2, quarts de finale retour). J’étais plus serein contre Salzbourg (2-0, 1-2 a.p., demi-finales). C’était jeune en face. Le retour était chaud mais on savait qu’on pouvait marquer à tout moment. Leipzig, c’était beau, mais je n’ai pas regardé les dernières minutes, je ne pouvais pas, je me suis mis à prier. Sur le but refusé à Dimitri (Payet), JPP était devant moi. Je lui ai donné un de ces coups de coude… Après, “Dim” nous met son extérieur dans la lucarne. J’ai rêvé de mettre des buts comme ça.
“Luiz Gustavo est plus intéressant à son vrai poste qu'à 80 mètres du but adverse
Quel joueur vous a bluffé cette saison ? Rami m’a bluffé. Revenir en France, prendre le risque de se faire critiquer… C’est un putain de guerrier. Je vais à la guerre avec lui. Après, j’ai toujours adoré Rolando parce qu’on lui a marché dessus quand il est arrivé. Dans le groupe, il est important, il ne faut pas croire. Je l’ai vu bouger un jeune, une fois, sur le thème du respect. Il ne se laisse pas faire, mais il n’est pas envieux, il a une belle mentalité.
Comment jugez-vous la reconversion de Luiz Gustavo en défense centrale ? Il ne vient pas de Romainville ou de Martigues. Le mec, on le connaît. Il a gagné une Ligue des champions (en 2013, avec le Bayern Munich). Il a su se faire aimer à Marseille grâce à son comportement. Après, pour moi, c’est comme Lothar Matthäus, il a fini libéro mais ce n’était pas un libéro. Luiz Gustavo s’adapte, il a l’intelligence de pouvoir gérer à ce poste. Mais sa patte gauche est importante au milieu. Et, à mon avis, il est plus intéressant à son vrai poste qu’à 80 mètres du but adverse.
Pour conclure, que conseillerez-vous aux joueurs ? Ne faites pas la finale avant et vivez-la. C’est tellement beau. Si vous la gagnez, vous écrirez votre histoire. Moi, vingt-cinq ans après, on me demande encore quel caleçon je portais à Munich. Si on réussissait à réunir la petite sœur et la grande sœur, ça serait pas mal. »