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L'éternel « boss » du club livre son analyse avant la finale de Coupe d'Europe entre l'Olympique de Marseille et l'Atlético Madrid, mercredi. Le soutien du président de la République, supporteur de l'OM, lui va droit au coeur.
LE FIGARO. - À votre avis, sur quoi va se jouer la finale de Ligue Europa entre l'Olympique de Marseille et l'Atlético Madrid, ce mercredi ?
Bernard TAPIE. - Je vais dire une banalité, mais, en football, sur un match, tout est possible. Ceux qui aiment le foot le savent : il peut tout se passer entre deux équipes pendant 90 ou 120 minutes de jeu. Je le sais mieux que quiconque puisque en 1991, avant la finale de Coupe d'Europe à Bari contre l'Étoile Rouge, personne ne nous donnait perdant ( 0-0 et défaite de l'OM aux tirs au but, NDLR ). Nous avions une équipe de fous, avec Waddle, Mozer, Stojkovic, Papin... Tous les meilleurs ! Et on est rentrés la tête basse. Cette année, l'OM n'a rien à perdre contre l'Atlético. Ça va donc se jouer sur l'engagement des uns et des autres, sur l'envie partagée dans l'équipe... Et le lendemain, on dira que les meilleurs ont gagné.
Qu'avez-vous pensé de la qualification de l'Atlético Madrid en demi-finale contre Arsenal (1-1 puis 1-0) ?
C'est une belle équipe, avec des individualités extraordinaires. Devant, Griezmann-Costa, c'est quand même très fort. Ils sont capables de poser des problèmes à la défense, voilà, on le sait... Mais Payet-Thauvin, ça a de la gueule aussi, non ? On sait que l'Atlético a une équipe redoutable. Elle n'est pas deuxième du championnat d'Espagne ( derrière le FC Barcelone ) pour rien. On sait que la Liga est plus forte que la Ligue 1.
Outre l'attaque, le potentiel défensif de l'Atlético est impressionnant...
Si l'on doit comparer, je suis plus inquiet sur la comparaison des défenses que sur celle des attaques. Je pense qu'il y a plus d'écart entre leur défense et la nôtre. Oblak dans les buts, Godin, Filippe Luis, le petit Hernandez... C'est bon. Le milieu de terrain n'est pas leur point fort, et ce n'est pas le point faible de l'OM. On a de très bons joueurs, surtout si Luis Gustavo peut remonter dans l'entrejeu...
Le bilan des comparaisons est...
( Il coupe ) Au petit jeu des points forts et des points faibles, la vérité c'est que les joueurs de l'Atlético sont habitués à affronter dans leur championnat dix équipes fortes. Ce qui fait vingt matchs de haut niveau par saison. Nous n'en avons pas autant en France. C'est ça, le problème...
Qu'est-ce que vous glisseriez à Rudi Garcia, l'entraîneur, si vous aviez son oreille ?
Rien ! Pour une raison simple : on ne peut être concret et efficace qu'en s'appuyant sur ses propres idées. Quand je regarde des matchs de l'OM, il m'arrive de dire : « Tiens, je n'aurais pas fait ça ! » Mais comme cela arrive à tout le monde. La logique de Rudi Garcia nous indique pourtant qu'on ne peut pas lui reprocher les résultats du club par rapport à l'équipe qu'il a sous la main. Il serait onzième, déjà éliminé de la Ligue Europa, on pourrait dire quelque chose... Là, il va être ou 4 e ou 3 e . Il a donc fait ce qu'il avait à faire, ce qu'on pouvait espérer de lui.
Cet OM-là peut-il remporter la Ligue Europa cette saison ?
J'espère que l'on va gagner cette Ligue Europa ! Et comment ! Autant cela m'énervait d'entendre que Salzbourg était favori en demi-finale face à l'OM, faut quand même pas charrier... Autant, là, c'est un atout de ne pas être favori. Ne pas être pronostiqué vainqueur devient une force quand c'est vrai... Qui n'aurait pas signé, en début de saison, pour que l'OM aille en finale de la Ligue Europa ? On n'a plus rien à perdre ! Ça veut dire que cet OM peut tenter des choses qu'il ne tenterait pas en temps normal. Si c'est pour jouer contre l'Atlético comme contre Guingamp, là, il faut oublier ! On a perdu. Il faut jouer contre l'Atlético comme contre une équipe plus forte : s'il y a un dribble qu'un joueur ne tente pas en temps normal, il doit le tenter ! Si ça passe, tant mieux. Cela veut dire aussi que les joueurs doivent se replacer immédiatement, parce qu'il n'y aura pas de cadeaux. Sur chaque balle perdue, s'il n'y a pas un repli collectif, efficace et énergique, pfff... On ne doit pas leur laisser d'espaces. Y'a des équipes, tu peux revenir pépère, au trot. Là non... Pas contre l'Atlético ! Faut revenir dans ton camp au turbo !
Jouer la finale à Lyon est-il un élément positif ?
Oui, d'abord parce que je connais bien Jean-Michel Aulas, c'est un ami, et je peux vous dire qu'il va tout faire pour que le stade soit à 80 % pro-marseillais. J'en suis certain. Et puis, voilà, on est en France ! Croyez-moi, vaut mieux jouer là qu'en Espagne ! Moi, je pense que la finale de cette année est gagnée, quoi qu'il arrive. Il n'y aura pas de mauvaise réaction. Sur les matchs qu'on a vus récemment, il y a des joueurs qui se sont révélés. Prenez Rolando, le mec est plutôt lent, pas dans l'équipe de départ... Il tente un truc incroyable en demi-finale et marque le but de la qualification. C'est la démonstration d'un collectif entièrement disposé à aller de l'avant. Personne ne rechigne.
La polémique entre le président de l'OM, Jacques-Henri Eyraud et celui de l'OL, Jean-Michel Aulas avait-elle du sens ?
Elle est le fruit d'une contestation de la suprématie d'un président ( Aulas ) qui est là depuis longtemps, qui a gagné des trophées et des championnats en pagaille, mais qui doit maintenant faire avec un nouveau venu ( Eyraud ) qui a envie de faire son nid ! Heureusement que c'est comme ça, on ne voudrait pas à Marseille être menés par un président qui pionce ! Eyraud a relevé le défi. Bien ou mal ? C'est bien pris ou mal pris ? Enfin, il l'a fait. C'est plutôt bon signe pour l'OM. Aulas préfère les gens qui dorment...
Le président Macron s'est déclaré très clairement supporteur de l'OM. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Ça nous rend ultrafiers, à Marseille. Franchement. Il a dit un truc au moment des élections dont je me souviendrai jusqu'à la fin de ma vie... Il a prononcé un discours durant lequel il a expliqué : « Je suis un enfant de mai 1993. » Quand le président dit un truc comme ça, ça veut dire qu'il a vibré, qu'il a adoré suivre les exploits de l'équipe. Lui qui est gavé de marques de prestige, de festivités... Bah voilà, je le dis, cela m'a fait quand même vachement plaisir. La facilité pour lui, ç'aurait été d'être supporteur de l'équipe qui gagne au moment où elle gagne. Aujourd'hui, c'est ce qu'il fait, mais, dans son coeur, il reste attaché à ce que Marseille lui a procuré quand il avait 15 ans. Et il le dit. 15 ans, c'est l'âge auquel on ne recule pas devant les vibrations. Il a 40 ans aujourd'hui. Macron est un enfant de l'OM 1993 et, moi, je suis vraiment très fier de ça.
FOOTBALL L'écran d'iPhone s'allume et affiche « Bernard Tapie » . Dans le haut-parleur, la voix est claire : « Vous voulez parler football ? » , interroge l'ex-président de l'OM, un brin fatigué. « J'aimerais aller voir la finale à Lyon, mais je ne sais pas si je pourrai... Qu'est-ce que vous voulez savoir ? » Vingt-cinq ans déjà que Tapie a remporté la Ligue des champions avec l'Olympique de Marseille en 1993. La passion du ballon reste intacte. Et même s'il n'est plus directement aux affaires du club phocéen, Tapie reste le « boss ».