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Ligue Europa : "Un vrai combat attend l'OM !"
À 34 ans, Antonin Trilles est déjà un jeune retraité du football. Après sa carrière atypique, qui l'a vu passer de l'AC Arles, où son père a joué quelques matches en D2, au Gazélec Ajaccio, en passant par Singapour et la Thaïlande, l'Arlésien a décidé d'embrasser une carrière d'instituteur, près de sa ville natale. Mais avant de passer le concours, l'ex-gardien de but a évolué six mois à Domzale, en Slovénie. L'occasion de parler du prochain adversaire de l'OM, jeudi, en barrages de Ligue Europa. Décryptage.
Comment avez-vous débarqué en Slovénie, à Domzale ?
Antonin Trilles : Après mes expériences à Singapour (Étoile Football Club) et en Thaïlande (Bangkok United), je suis rentré en France en juillet 2014. J'ai fait six mois de chômage avant de m'entraîner avec mes amis de l'AC Arles, qui m'ont accueilli à bras ouverts. C'est à ce moment que j'ai eu l'opportunité de rebondir en Slovénie. Je suis passé par le site internet foot-national.com. Le coach de l'époque, Lucas Elsner, est un français d'origine slovène, c'est le fils de Marko Elsner, qui avait joué à Nice en D1. Il savait qu'il y avait un vivier de bons joueurs en France, avec des mecs qui sont en CFA, en National ou qui sortent des centres de formation et qui restent habituellement sur le carreau. Il est donc passé par ce site, qui avait lancé une base de données en ligne de CV de joueurs. Il s'est rapproché d'eux en mettant une annonce. Début février 2015, j'ai donc vu qu'un club des pays de l'est, sans même savoir que c'était en Slovénie, cherchait un gardien. J'ai répondu tout de suite, le site a fait le lien et le coach m'a appelé dans la foulée. Le lendemain, je prenais l'avion pour rejoindre l'équipe en stage, en Turquie.
Comment les avez-vous convaincus ?
J'ai fait un match amical dès le samedi contre le Steaua Bucarest. J'ai joué une mi-temps pendant laquelle j'ai arrêté un penalty. Bon, je l'avais provoqué (rires), mais j'ai réussi à le sortir et à faire un match sérieux. Le soir même, je signais un contrat de 6 mois. Le club cherchait un numéro 2 pour épauler le titulaire. Domzale vit grâce à la vente des joueurs, et le club avait prévu de se séparer du gardien, qui était un peu la star de l'équipe, à la fin de la saison. Le numéro 2 devait prendre le relais.
Et c'est ce qui est arrivé ?
Tout à fait. J'ai fait six mois très bons, et ils m'ont proposé un contrat de deux ans et demi. Mais il y avait un problème : ma femme, Élodie, venait de trouver du travail en France et ma fille, Marlo, qui est née en France en décembre 2012 mais a grandi en Thaïlande, rentrait à l'école. J'avais 32 ans. Il y avait trop d'incertitudes car le gardien numéro un n'était pas encore vendu. Et, niveau salaire, ce n'était pas trop ça non plus, même s'il y avait des avantages avec la maison et la voiture. Ça tournait à 2 500 € nets mensuels. Ça ne valait pas le coup de repartir tout seul. J'avais déjà fait les six premiers mois loin de ma famille, j'étais parti rapidement... Donc j'ai joué mon dernier match de championnat contre Ljubljana, dans le stade où va jouer l'OM. Un joli petit stade de 16 000 places, tout fermé, avec un gymnase en sous-sol.
Comment est l'ambiance dans les stades slovènes ?
Ça manque d'engouement populaire. À Domzale, le stade peut accueillir 3 500 spectateurs, mais, en moyenne, tu fais 2 000 personnes par match. Ça reste chaud tout de même.
Que pouvez-vous nous dire sur le club ?
C'est le troisième club du pays, en concurrence avec les deux grosses écuries slovènes, Maribor et l'Olimpija Ljubljana, et c'est le meilleur en termes de formation.
Domzale est une petite ville de 10 000 habitants, mais avec le peu de moyens dont le club dispose, il parvient à faire de très bonnes choses, et toujours de bons résultats. Et malgré le manque de moyens, le club essaie de mettre les joueurs dans les meilleures conditions possibles. J'ai été très bien accueilli, un garçon comme Benjamin Morel, ancien pro de Caen, m'a aidé à m'intégrer.
Comment est le championnat ?
Le championnat est arrêté en décembre et en janvier car il fait trop froid, c'est là que les clubs en profitent pour partir en stage dans les pays plus chauds. Il y a dix équipes au total, et les clubs s'affrontent trois fois dans la saison pour arriver à disputer une trentaine de matches. C'est un peu spécial, mais c'est un très bon niveau. Je le compare au haut de tableau de L2, il y a beaucoup de bons jeunes. Domzale réussit toujours à vendre ses meilleurs joueurs, certains sont partis au Borussia Dortmund, à la Fiorentina... Beaucoup d'internationaux slovènes jouent dans les grands clubs européens et leur formation des gardiens est largement reconnue ; Samir Handanovic (Inter Milan) et Jan Oblak (Atlético de Madrid) en sont les meilleurs exemples. Le recrutement de Domzale est très local, encore cette saison, avec des joueurs de clubs des alentours.
À quoi doit s'attendre l'OM jeudi ?
À un véritable combat ! L'OM va affronter une équipe regroupée, très physique et toujours très efficace. C'est sa marque de fabrique. Contre Fribourg, ils ont trois occasions et en mettent deux au fond. En dix minutes, le match était plié. Le gardien, avec lequel j'ai joué, ne paie pas trop de mine mais il est très sérieux. Le retour au Vélodrome sera forcément un atout pour l'OM en fonction du match aller. Mais c'est une équipe d'Europe de l'est, solide, avec beaucoup de jeunes qui n'ont rien à perdre et veulent se montrer sous leur meilleur jour. Ils ne vont rien lâcher !
Avez-vous gardé des contacts ?
Oui, j'ai eu trois joueurs que j'ai côtoyés, ainsi que des membres du staff. Ils ne sont pas impressionnés et ils ont les dents longues, ils ne viendront pas à Marseille en touristes. Mais ce n'est pas tant l'OM qui les motive, c'est surtout le fait de jouer au Vélodrome, dans ce stade si impressionnant. C'est logique. En étant footballeur, on veut jouer dans des stades comme le Vel'!
Connaissez-vous le nouveau coach à la tête de l'équipe, Simon Rozman ?
Je ne l'ai pas eu, mais il dirigeait un autre club (NK Celje) quand j'étais à Domzale. C'est un très jeune technicien, mais il connaît le foot et il a soif d'apprendre. Vous savez, les Slovènes ne dorment pas, ils ont conscience qu'ils ont besoin de la formation, pour eux-mêmes et pour les joueurs, afin d'assurer la survie des clubs. Ce n'est pas la caricature des pays de l'Est, en retard. La Slovénie est un pays développé, frontalier de l'Italie où tout le monde parle anglais. C'est le pays le plus riche des Balkans, le plus "occidentalisé" aussi. Cela n'a rien à voir avec la Roumanie des années 80 !
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Y a-t-il eu de la déception de partir ?
Bien sûr, j'ai eu beaucoup de regrets. C'est la vie, et puis c'est ma décision de refuser une prolongation, ce n'est pas le club qui m'a mis dehors. Mais si ma fille avait été plus petite, je pense que j'aurais embarqué toute la famille et qu'on se serait installé là-bas. Le football est de qualité et il fait bon vivre dans le pays. Domzale n'est qu'à 10 km de Ljubljana, la capitale, une ville superbe. Et puis, ce n'est qu'à deux heures de vol de la France.
Vous avez changé de vie désormais !
Oui, je suis rentré à l'été 2015 et j'ai décidé de passer le concours d'instituteur. Avec le master 2 en Ressources humaines que j'avais validé à Montpellier quand je jouais à Arles, j'ai pu le passer en candidat libre. Je l'ai eu du premier coup en avril 2016 alors que certains ont besoin de deux ou trois tentatives... J'ai fait ma première année à Saint-Martin de Crau, et là je vais attaquer la deuxième à Port-de-Bouc dans une classe d'ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) pour les enfants qui ont des troubles mentaux ou de la connaissance.
Quel est votre pronostic ?
Je suis un peu emmerdé car mes deux clubs favoris s'affrontent ! (rires) D'un côté, l'OM, mon club de coeur, de l'autre, le dernier club dans lequel j'ai joué... Je vois 1-0 pour l'OM à l'aller, mais le retour sera difficile.