Neymar au PSG, une bonne nouvelle pour la Ligue 1 et donc pour l'OM? Mouais, pas sûr...
C’est une petite chanson qu’on entend beaucoup en ce moment (non non, pas cette horreur de Despacito) : la signature imminente de Neymar au PSG, c’est une super nouvelle, pour la Ligue 1, pour l’OM, pour le RC Strasbourg et pour ta tatie. Exemples :
Neymar au PSG
->+Droits Tv
->+d'argent pour ts les clubs
->+TOP joueurs en L1
->+qualité
->+de spectateurs
->+de compétitivité pr LDC et EL
— P•B (@PBouby) August 2, 2017
Je pense que la venue de Neymar au PSG ne déplaît pas, au fond, à un investisseur comme McCourt, qui veut une L1 attractive et s'exportant
— Mathieu Grégoire (@Serguei) August 2, 2017
On va donc s’arrêter quelques minutes sur cette idée (si vous le voulez bien, sinon vous pouvez retourner à la plage)… Qui nous pose tout de même cinq grosses questions.
Des droits télé domestiques revalorisés ? Sans doute, mais Neymar ou pas, c’était prévu…
C’est la conséquence la plus immédiate, la plus évidente aussi. Neymar au PSG = > Ligue 1 plus intéressante = > les télés s’arrachent nos droits = > banco pour les clubs français. « Je reste très mesuré là-dessus, nuance auprès de 20 Minutes l’économiste Jean-Pascal Gayant. Pour moi la configuration était déjà très favorable avant, avec l’arrivée d’Altice (SFR) sur le marché… »
En gros, Neymar ou pas, la LFP pouvait tabler sur des droits TV domestiques autour du milliard d’euros (peut-être même un milliard et demi, selon les fols espoirs de certains, comme Waldemar Kita), contre 750 millions pour la période précédente. L’appel d’offres pour la période 2020-2024 pourrait être lancé rapidement en tout cas…
Des droits télé étrangers qui explosent grâce à Neymar ? C’est probable mais ça reste compliqué, et à voir comment ils seront répartis…
« Avec Neymar, le PSG prendra une dimension encore supérieure à l’étranger, la Ligue 1 sera plus diffusée, notamment en Chine, aux Etats-Unis, en Amérique latine. Ça peut vraiment faire augmenter les droits, pas de quelques millions d’euros », s’enthousiasme le chercheur Loïc Ravenel. Il y a tout de même un « mais ». Pour l’instant, les droits TV internationaux sont gérés par beIN Sports, qui reversera la saison prochaine 80 millions d’euros à la LFP, plus 50 % des recettes supplémentaires. Prenons un exemple caricatural : si une chaîne chinoise achète les droits de la « Ligue 1 Conforama Neymar » 100 millions d’euros, cela ne fait que 50 millions de plus dans les caisses de la ligue.
« Ce deal peut-être renégocié, surtout que l’avenir de beIN Sports est quand même très flou », reprend Jean-Pascal Gayant. Mais c’est certain qu’avec ce système un peu rigide, il ne faut pas « attendre d’explosion à court terme des droits internationaux de la Ligue 1 », bien loin des standards européens (plus d’un milliard de livres pour la Premier League, 640 millions d’euros pour la Liga, par exemple).
Reste enfin à savoir comment ces droits seront répartis entre les clubs français… « Ça, c’est une décision politique de la LFP, rappelle Loïc Ravenel. Si elle décide d’une redistribution très équilibrée, comme en Premier League, l’arrivée de Neymar bénéficiera à tous. Mais pour l’instant, le modèle de répartition n’est pas des plus équilibrés… » Selon L’Equipe, le PSG a touché 58 millions de droits TV l’an dernier, contre 47 pour l’OM (et 15,5 pour Nancy).
=> Conclusion de ces deux premiers points avec l’économiste officiel de la Team OM, urbastaga, du site OMForum (qui avoue d’ailleurs son « écœurement » au sujet du montage financier monté avec le Qatar, mais c’est une autre histoire…)
Le faible niveau des droits TV est surtout lié au fait que les Français n’aiment pas assez le foot… Pour les droits TV internationaux, c’est une autre histoire, mais ça restera très marginal. L’impact sera dans tous les cas mineur pour l’OM.
Neymar fera venir d’autres stars en Ligue 1 ? Ça va surtout faire encore grimper les prix sur un marché déjà taré…
C’est une autre idée qu’on entend beaucoup : l’arrivée de Neymar va changer l’image de notre championnat dans la tête des cadors du foot européen… Et Giroud n’hésitera pas à signer à l’OM, Pogba ira gaiement à Strasbourg et Suarez signera un contrat de quatre ans (avec reconversion) au FC Metz.
Un peu comme nous, Jean-Michel Aulas est un grincheux : « Les chiffres annoncés contribuent à une bulle dangereuse », a lâché le président de l’OL. « L’inflation du prix des transferts continue, ce qui pénalise les clubs qui contrairement à City ou au PSG, n’ont pas des ressources illimitées », confirme Jean-Pascal Gayant. Une inflation favorable aux clubs vendeurs (tiens donc Jean-Michel Aulas, on a déjà oublié les prix de Lacazette ou de Tolisso ?).
Mercato: Pourquoi l'OM mise gros sur Luiz Gustavo
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— 20 Minutes Marseille (@20minutesMars) July 4, 2017
« Quand vous vendez, c’est le pactole, le marché avantage clairement ces clubs-là, Monaco par exemple », précise Loïc Ravenel. Ce n’est pas le cas, à court terme en tout cas, de l’OM, qui malgré l’explosion d’un Lopez et l’arrivée d’un Kamara, n’est pas (encore) devenue une pouponnière à pépites. Un OM qui, pour l’instant, recrute surtout des trentenaires…
Des énormes recettes de billetterie pour tous les clubs ? Mouais, leurs stades étaient déjà blindés pour recevoir le PSG.
Neymar qui débarque, c’est l’assurance de voir le stade de la Licorne ou le Roudourou plein à craquer. Oups, c’était déjà le cas depuis longtemps, pour voir les Silva, Verratti, Ibra et Cavani… « Les clubs pourront toujours augmenter le prix des places », glisse Loïc Ravenel.
Possible, mais pas sûr que ça plaise à leurs supporters… Ils sont déjà nombreux à ronchonner quand il faut lâcher 40 ou 50 euros pour une place en virage (à Toulouse, par exemple). Et si les supporters occasionnels se mettent à bouder, ce n’est pas une très bonne nouvelle, parce qu’il faut bien remplir son stade pour un Rennes-Troyes ou un Toulouse-Caen…
quand Neymar va jouer contre Strasbourg, Amiens, Angers, Dijon, Troyes
— Chéché 4 Fabregas (@IamDoxel) August 2, 2017
D’autant qu’une Ligue 1 écrabouillée par le PSG, ce n’est guère passionnant. « C’est LE risque, reconnaît l’économiste Pascal Perri auprès des Echos. Certaines affiches, jugées peu intéressantes par les supporters, se traduisent par une faible affluence au Parc des Princes. L’arrivée de Neymar serait toutefois une bonne nouvelle puisqu’elle signifierait plus d’attractivité. Cela étant, il ne faut surtout pas que la L1 perde son intensité sportive de ces toutes dernières années. »
Un PSG plus compétitif, c’est bon pour l’indice UEFA, c’est bon pour tout le monde ? Ce ne serait pas un coup de billard à trois bandes ça ???
C’est la grande idée sous-jacente : le foot français a besoin d’une locomotive sur la scène européenne, et ça ne peut être que Paris. Sauf qu’un PSG sur-armé, c’est aussi la garantie qu’une des deux places directement qualificative pour la Ligue des champions est déjà réservée (OK, c’était aussi le cas avant Neymar).
Quant à l’indice UEFA… Tout ça est quand même très compliqué. Pour obtenir plus de deux équipes en Ligue des champions (peut-être trois cette année, big up aux Niçois), il faut soit que les Français enchaînent les victoires sur la scène européenne (ça fait beaucoup de « si »), soit que les conditions d’attribution des places soient renégociées. Peu probable, nous dit Jean-Pascal Gayant :
Je ne suis pas sûr que l’UEFA soit prête à négocier… Avec l’ECA (Association européenne des clubs) qui peut mener une fronde contre le PSG… Ou en tout cas faire une pression maximale sur l’UEFA pour que le fair-play financier soit rigoureusement appliqué. Dans tous les cas, je vois bien Paris qui, pour se faire accepter, jouerait le jeu des très grands clubs européens : "ne changeons rien, deux qualifiés, c’est très bien."
Bref, l’arrivée de Neymar à Paris n’est pas, selon cet économiste réputé, « la chose merveilleuse qu’on nous présente ». Et Jean-Pascal Gayant n’est pas supporter de l’OM, lui !